vendredi 28 mars 2014

Nous étions une histoire




Nous étions une histoire d'Olivia Elkaim aux éditions Stock





 Anita vient d'accoucher d'un petit garçon, Orson, elle est épuisée, on lui pose l'enfant sur le ventre, elle ne ressent rien. La fatigue sans doute. Le bonheur sans partage de serrer ce petit être tout contre elle viendra sûrement dès qu'elle sera reposée se dit-on. Mais non.


   "Il est attendu que je m'extasie.
Rien ne m'émerveille.
Je guette l'instant, millième de seconde, où je serai secouée, transportée, convertie. J'attends que l'amour maternel tombe sur mes épaules comme l'amour du Christ en une colonne de lumière de joie irradiante.
Mais rien.
Je suis seule, chair corrompue et vide."


   Le temps passe et les choses ne s'arrangent pas. Orson met les nerfs de sa mère à rude épreuve, il pleure, il se souille, il a faim. Anita ne sait comment réagir, elle n'est pas armée pour faire face à la situation, elle perd les pédales.


  "Le bébé pleure. je ne parviens pas à le calmer. Ses cris bourdonnent, s'amplifient dans ma boîte crânienne. Les battements de mon coeur s'accélèrent. Ma peau se couvre d'une pellicule de sueur.
Je le pose éructant, dans son berceau, allume le mobile musical sur une ritournelle sirupeuse et claque toutes les portes. J'enfonce des bouchons en mousse dans mes oreilles."


   Son mari, Louis, médecin se rend compte de la situation, sa femme est perdue, parfois elle devient violente avec le nourrisson. Il lui demande de partir et de revenir quand elle ira mieux. Elle est devenue "toxique" pour le bébé.


   L'amour maternel vient il naturellement aux mères. Voilà la question qui est posée dans ce roman poignant. Une femme doit aimer son enfant, il ne peut en être autrement. Les femmes qui ne ressentent pas cet amour instinctif pour leur progéniture sont regardées de travers. L'accouchement est pourtant plein de violence, l'arrivée de l'enfant fait rejouer dans l'inconscient les traumatismes de notre propre enfance.


    Anita en quittant son mari et son fils va se rendre à Marseille, berceau de son enfance où ses grand-parents s'étaient installés après leur exil de Tunisie. Elle va se remémorer ses relations avec sa mère et celles de sa mère avec Odette sa grand-mère. Des relations marquées par la rudesse voire même le rejet.  L'histoire de ces deux femmes dont elle a emporté les photos avec elles, va lui faire comprendre bien des choses.


    Malgré ce que lui serinait sa mère, non, sa famille n'était pas une famille "sans histoires". Toutes les familles ont des histoires, ces histoires qui ont marquées notre enfance et qui rejaillissent au moment de l'arrivée d'un nouveau né. Olivia Elkaim nous offre un roman, poignant, terrible, dérangeant, servi par un style direct, à fleur de peau qui va droit au but, droit au coeur.

 

mercredi 26 mars 2014

Les brumes de l'apparence



Les brumes de l'apparence de Frédérique Deghelt aux éditions Actes Sud




   Gabrielle vient d'avoir quarante ans, elle est organisatrice d'événements à succès, elle est mariée à Stan, chirurgien esthétique. Ils ont un fils Nicolas. Ils mènent une vie confortable, aisée. Un jour, Gabrielle reçoit un appel d'un notaire de province. Elle vient d'hériter d'un terrain dans la France profonde, une maisonnette délabrée au milieu des bois.


   Citadine et parisienne jusqu'au bout des ongles, Gabrielle, surprise par cet héritage soudain, deux ans après le décès de sa mère, n'a qu'une idée en tête : vendre ce terrain qui ne lui est d'aucune utilité. Elle prend aussitôt la route pour la campagne pour régler l'affaire au plus vite. A son arrivée elle est accueillie par l'agent immobilier et le notaire qui lui expliquent que ce terrain n'est pas vendable. Elle apprend que son héritage est appelé dans la région  Terre des Brumes ou Terre des sorciers.


   Le notaire lui apprend qu'elle n'hérite pas ce terrain de sa mère, mais de sa tante qui est encore en vie. Gabrielle rend visite à cette tante dont elle n'a jamais entendu parler et c'est l'histoire de toute sa famille, qui lui a été cachée, que celle-ci lui raconte. Une famille de guérisseurs, de médiums, de sorciers. Elle conseille à Gabrielle de ne pas chercher à vendre le terrain. "Il te revient, ma petite Gabrielle. Je suis sûre que tu vas y trouver les fluides et les forces dont tu auras besoin pour accomplir ce que tu vas faire." "Tu feras tant de bien à tellement de personnes."

  
   Gabrielle, cartésienne ne croit pas à toutes ces choses, elle les refuse en bloc. Le soir venu, elle n'a pas d'autre choix que de passer la nuit dans la maison. Elle va y vivre des expériences étranges qui loin de lui être désagréables vont la bouleverser même si elle n'ose encore se l'avouer.


   Les brumes de l'apparence est un roman qui traite du changement de vie. Gabrielle à quarante ans va découvrir que la vie qu'elle menait auparavant n'était qu'une vie d'apparence, une vie artificielle. Sa découverte de l'héritage familial et de ses propres dons, son passage du paraître à l'être vont remettre en question la solidité de son couple."J'ai simplement cru à l'histoire que je me racontais : celle d'une fille brillante qui était amoureusement mariée à une âme soeur. La réalité est plus prosaïque. Je ne suis qu'une bonne élève qui a épousé un corps à l'esprit  borné. Tout se répare ou rien ne va plus, et dans ce cas on meurt et on disparaît. Tout est noir ou blanc, entre les deux, ce qui est matière grise n'a pas reçu l'agrément de la Faculté de médecine. J'ai offert mon corps à la science, je n'ai plus qu'à crever dans le formol.


  Servi par le style musical,  et poétique que j'avais tant aimé dans ses précédents romans, Les brumes de l'apparence est un roman coup de coeur. Madame Deghelt, vous pouvez me compter parmi vos fans.

samedi 15 mars 2014

Eloge du chat



Eloge du chat de Stéphanie Hochet aux éditions Léo Scherr


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  Dans cet essai passionnant, Stéphanie Hochet analyse les raisons pour lesquelles ce petit animal tient tant de place dans le coeur des hommes, dans leur culture, dans leur imaginaire.


   Bien qu'il soit un animal domestique, le chat, contrairement au chien par exemple a su garder une certaine indépendance. Il aime le confort que lui offre sa vie près de l'humain mais reste jaloux de sa liberté, c'est peut être d'ailleurs pour cela que nous l'aimons tant. "Comment ne pas aller dans le sens de ce que veut le chat, cette liberté qui nous est chère, pour laquelle l'humanité continue à se battre? Notre premier réflexe n'est il pas d'embrasser cette liberté absolue? Comme si dans la relation qui nous lie à l'animal, nous faisions ce qu'on appelle en psychanalyse un transfert. Nous donnons au chat la liberté qu'il désire tant car nous aimerions nous l'accorder à nous mêmes."

   Le chat même s'il refuse les règles, qu'il se comporte de manière quasi anarchique,  a des allure de dignitaire. Dans la littérature il a souvent été utilisé pour stigmatiser les grands de ce monde. Les exemples les plus connus en la matière sont les personnages de Grippeminaud de Rabelais et de Raminagrobis dans la fable de La Fontaine Le chat, la belette et le petit lapin. Le chat y apparaît comme un personnage sournois, hypocrite, habile. "Le pouvoir qu'on prête au chat derrière ces métaphores souligne avec quelles attitudes fines et sournoises les félins se rendent maîtres des situations et savent  régner, peut être sans éthique mais avec aplomb et sans partage." Est-ce un hasard si d'habiles politiques tels que Mazarin ou Richelieu ne cachaient pas leur amour pour le félin.


   Le chat par son indépendance, par son caractère prédateur, par sa souplesse, sa flexibilité mais aussi par sa sensualité a de tout temps fasciné l'homme. Le chat suivant les époques a été adulé ou détesté, mis sur un piédestal ou pourchassé. Pourquoi de tels sentiments envers un si petit animal. Dans cet essai Stéphanie Hochet nous montre que si le chat exerce sur nous une telle fascination c'est peut être parce que notre ami à quatre pattes nous montre une image de ce que l'homme pourrait être s'il vivait aussi librement que le chat. Après avoir lu ce texte passionnant je ne regarderai plus mon chat de la même façon.

 


vendredi 14 mars 2014

La splendeur



La splendeur de Régine Detambel aux éditions Actes Sud


  Dans ce roman biographique, la vie de Girolamo Cardano, grand savant italien du XVIème siècle nous est racontée par son démon intérieur. Ce démon intérieur qui le pousse à étudier sans cesse et à élaborer des théories mathématiques. Une petite voie à laquelle il ne peut pas résister et qui va faire de lui un des plus grands savants de son temps.


   Girolamo Cardano naît au début du siècle. "Il est né à Pavie le 24 septembre 1501, sur le coup de trois heures cinq local time, avec un cortex d'exception. Dans le genre de Louis Lambert, il sera un incroyable délirant  et, pour ses performances cérébrales, encore bien plus raffiné et bien plus odieux qu'Edmond Teste." Le siècle dans lequel il naît est un siècle ravagé par la peste et les guerres, pourtant, c'est aussi un siècle de grandes découvertes, un siècle dans lequel on se passionne pour la connaissance : "Une infinité d'hommes se sentent maintenant obligés de croire ce que leur raison leur démontre, et leur nombre augmente de jour en jour. Tuer, guérir, découvrir, observer, classifier sont les grandes marottes. On est puceaux, chassieux, transi mais tout de même on peint, on sculpte, on pense, on traduit, le monde circule prolifère et transpire, on décharge chaque matin dans les rues de Pavie assez de matériau pour rebâtir une vile entière, le soleil ne se fatigue jamais, la peste non plus, les chars funèbres non plus, les hommes non plus, le lendemain ils sont à nouveau à leur poste, ils flambent sur le bûcher, ils prient...."

 
   Très jeune, Girolamo montre des prédispositions à l'étude, il a aussi un don de voyance impressionnant. Très vite il se passionne sous la férule de son père pour l'astrologie. En grandissant il se passionne également pour les disputes philosophiques, l'étude devient très vite sa raison de vivre : "Dès qu'on arrête de parler de philosophie, c'est-à-dire des choses qui lui sont familières, plus rien ne l'empêche de sombrer dans un irréversible ennui, dans une doucereuse, effroyable catastrophe d'âme. Alors l'Aimé s'accroche aux livres avec une ferveur désespérée, parce que le papier lui donne raison contre les  fantômes et contre toute espèce de divagation effroyable. Il lit."


   L'étude exerce sur Girolamo un attirance incontrôlable, c'est une pulsion quasi sexuelle qui s'empare de lui quand il travaille : "Il écrit si violemment que le bois du lit craque. Le sommier gémit comme si Girolamo engendrait un enfant, mais c'est une oeuvre qu'il enfante."  Ces prédispositions et son travail le poussent à réussir de brillantes études de médecine et à devenir à vingt-cinq ans le récteur de l'université de Padoue. Mais tous les domaines du savoir l'intéressent, il se passionne pour les mathématiques et est passionné par l'astrologie, la chiromancie.


   Dans ce roman bouillonnant, Régine Detambel nous montre l'énergie créatrice, l'obsession de connaître qui ont animées Girolamo Cardano. Un désir de savoir si puissant que plus rien d'autre ne comptait pour lui, un appétit à expliquer, à élucider qui lui coûta sa famille,  ne manqua pas d'irriter le pouvoir religieux de  l'époque et qui lui valut maille à partir avec l'Inquisition. Un roman passionnant servit  par un style énergique et rythmé.

mercredi 12 mars 2014

Contours du jour qui vient




Contours du jour qui vient de Léonora Miano aux éditions Plon


   Dans un Mboasu (état imaginaire) ravagé par la guerre qui vient de s'achever, nous suivons le parcours de Musango, petite fille de neuf ans alors que son père vient de mourir. Musango, est rendu responsable par sa mère de tous les maux endurés par la famille et notamment de la mort de son père. La petite fille est victime d'une anomalie sanguine qui, pour sa mère, est le signe qu'elle est possédée par le mal. Dans un première temps sa mère la torture pour tenter d'extirper le démon de son corps, puis, sur les conseils de Sésé, la voyante locale, elle va la bannir, la jeter à la rue.


   Musango qui vivait dans une famille aisée, va se retrouver du jour au lendemain à la rue et va découvrir un pays qu'elle ne connaît pas vraiment protégée qu'elle était par ce cocon familial privilégié. A travers le parcours de Musango, c'est l'Afrique que nous découvrons. Elle est d'abord recueilli dans un centre pour enfants nécessiteux puis enlevée et séquestrée dans une maison à la campagne où elle sert de domestique. Elle est en charge de nourrir des femmes qui partent "tenter leur chance" en Europe "faire l'Europe", souvent contraintes et forcées. Ce véritable réseau de prostitution est l'une des sources de revenu de La Porte Ouverte du Paradis l'une des sectes qui pullulent dans le pays, abusant de la crédulité des gens.


   C'est une Afrique exsangue que nous découvrons, une Afrique qui telle  la mère de Musango chasse ou laisse partir ses enfants, ses forces vives. Les jeunes des familles aisées partent faire les études en Europe et ne reviennent pas où s'ils reviennent  ce n'est pas pour aider leur pays à s'en sortir. "La Guyane est à ma connaissance leur unique désir. Ils se fichent bien d'étudier pour devenir des roi borgnes au pays des aveugles, comme tous ces gens bardés de diplômes qui ne nous servent à rien, qui ne reviennent au pays que pour écraser les ignorants d'une médiocrité portant le label de l'Occident."

   Nous découvrons un continent marqué par l'inaction et la résignation, un continent qui a été ravagé par la colonisation : D'autres sont venus, disais-je. S'ils ont jadis creusé des routes, c'était pour accéder à chaque millimètre de terrain dont il y avait quelque chose à tirer. S'ils ont soigné nos maux, c'était parce que nous devions être forts pour travailler. S'ils ont bâti des écoles c'était pour nous apprendre à ne plus nous aimer, et à oublier le nom de nos ancêtres. Ils ne voulaient pas seulement notre terre et notre sueur. Il leur fallait notre âme." Mais la colonisation si elle est largement coupable de cet état de fait n'est pas la seule coupable. Les dirigeants ne semblent pas avoir de vision d'avenir et de gérer les problèmes au jour le jour et l'élite découragée préfère quitter le continent pour une Europe plus prometteuse.


   A travers les yeux de  Musango, jeune fille très lucide,  c'est une image sans concession de l'Afrique que nous voyons, une Afrique qui vit dans le passé : "L'inventaire finira bien par s'imposer d'un moment à l'autre, et nous admettrons que la patine du temps ne peut suffire à conférer de la valeur à tous nos usages." Une Afrique qui a perdu son identité  et qui sans cette identité ne peut se construire d'avenir : "Ce que vous devez faire pour épouser les contours du jour qui vient, c'est vous souvenir de ce que vous êtes, le célébrer et l'inscrire dans la durée. Ce que vous êtes n'est pas seulement ce qui est passé mais ce que vous ferez. Si la paix, qui est aussi l'amour s'allie à la vérité, qui est une autre figure de la justice, ce que vous accomplirez sera grand."

    Un très beau roman sans concession, écrit dans un style plein de souffle et de poésie.

lundi 10 mars 2014

L'instant précis où les destins s'entremêlent




L'instant précis où les destins s'entremêlent d'Angélique Barbérat aux éditions Michel Lafon


  "J'aimerais remonter à l'instant précis où les destins s'entremêlent" Une phrase énigmatique prononcée par la mère de Kyle alors qu'il n'avait que cinq ans. Il se souvient de cette phrase qu'elle prononçait en sortant de la salle de bain, des lunettes de soleil sur les yeux. La mère de Kyle était une femme apeurée, guettant sans arrêt par la fenêtre l'arrivée de son mari. Un jour le petit Kyle découvrit sa mère allongée dans son lit, la tête reposant sur un oreiller rouge de son sang.


    Coryn est la seule fille d'une famille nombreuse aux revenus modestes et aux valeurs strictes. Isolée parmi dix garçons elle a vite appris à résister aux brimades nombreuses et variés de ses frères. Très vite, elle est devenue  comme une servante pour ses parents. Quand elle atteignit l'âge de seize ans, son père remarquant sa beauté et voulant lui éviter de gâcher sa vie en cédant aux tentations proposées par la vie,  décida de l'envoyer travailler au restaurant de son parrain plutôt que de continuer des études. Il chargea le parrain de la jeune fille d'observer si ses charmes agissaient sur ses clients et de l'appeler au cas où les choses se préciseraient. Jack Brannigan ne fut pas long à succomber aux charmes de la belle. Jeune homme ambitieux et prometteur, il représentait un beau parti pour la jeune fille et le mariage fut vite conclus.


    Après la mort de sa mère, Kyle fut confié à sa demi-soeur aînée, une fille que sa mère avait eu d'une précédente union. Enfant renfermé Kyle montra très vite un don pour le piano et la musique en général. "Lorsque Kyle jouait, il n'aurait pas su dire si la musique sortait par ses doigts pour glisser sur les touches ou bien si le piano l'habitait au point de découvrir son âme. Il jouait,il vivait. C'était tout." Sa mère lui en avait donné quelques notions. Kyle s'accrocha avec talent à la musique comme à une bouée, comme un moyen d'expression de sa rage. Très vite avec trois amis il créa un groupe de rock qui petit à petit commença à se faire un nom.

   
    De son côté Coryn découvrait la vie de femme mariée et la vraie personnalité de son époux, personnage jaloux et violent, la frappant et la forçant au devoir conjugal. De cette union naquirent plusieurs enfants. Un jour alors qu'ils se promenaient , Malcolm échappa à la surveillance de sa mère alors que Kyle arrivait en voiture. Kyle ne put éviter l'accident. Il se précipita vers le petit garçon et sa mère. Le garçon n'eut qu'un bras cassé mais Kyle et Coryn furent subjugués par cette rencontre. Kyle qui se souvenait de sa mère vit tout de suite qu'il avait à faire à une femme battue en écoutant Coryn lui parler de son mari avec de la terreur dans les yeux. Il lui remettra la carte de sa soeur, qui, marquée par le destin tragique de sa mère, victime de la violence conjugale,  avait crée une maison pour accueillir les femmes battues.


    Dans ce roman nous allons suivre les destins entremêlés de Kyle et de Coryn, deux êtres qui ne vont cesser de se suivre. Deux être liés par une souffrance commune, une souffrance dûe à la violence conjugale. : "S'il existait dans l'univers un comptable chargé de relever le nombre de fois où, à des milliers de kilomètres de distance, Coryn et Kyle avaient "senti" l'autre, il aurait eu le tournis en faisant l'addition finale."
 Après leur rencontre, sans se voir ils ne vont cesser de sentir la présence de l'autre

 
    Un superbe roman sur la violence conjugale, sur l'amour qui va de soi, la rencontre entre deux êtres qui étaient appelés à se trouver et que rien ne pourra séparer, ni la distance, ni les circonstances.  Un roman très émouvant plein de suspense.

mardi 4 mars 2014

Maladie d'amour




Maladie d'amour de Nathalie Rheims aux éditions Léo Scheer


   Alice et Camille, la trentaine sont amies depuis l'enfance. Alice est une actrice en recherche de rôle. Elle rêve de jouer les grands personnages du répertoire. Côté coeur, elle multiplie les histoires d'amour avec des hommes mariés. Chaque fois, elle espère que ce sera le bon, que l'homme tiendra enfin sa promesse de quitter son épouse actuelle pour elle. Alice, elle est mariée avec un notaire, leur couple paraît être l'image du couple idéal. Elle a deux enfants et une vie bien rangée.


   Alice après un énième déception amoureuse décide d'en finir avec ces relations vouées à l'échec qui sont son lot depuis si longtemps. Elle veut comme son ami se trouver un homme libre, bon attentionné. Un jour elle appelle Camille
tout excitée. De sa précédente liaison, elle avait gardé en "souvenir" le prénom de son bien aimé tatoué dans le bas du dos et voulant faire du passé table rase elle avait décidé de consulter un chirurgien esthétique pour faire effacer cette preuve d'amour caduque. Elle raconte à Camille son coup de foudre, réciproque, avec le Docteur Costes, la star des chirurgiens esthétiques.


   Camille qui voit l'histoire se répéter et qui veut éviter à son amie une nouvelle désillusion décide de rencontrer le chirurgien pour en savoir plus sur ses intentions envers son amie fragilisée par ses nombreux échecs affectifs. Elle découvre en l'interrogeant que ce que dit Camille ne correspond pas à la version du docteur Costes. Qui des deux dit la vérité? Camille se souvient, que, fait étrange alors qu'elles sont amies depuis si longtemps, elle n'a jamais rencontré aucun des hommes mariés qui ont jalonné la vie d'Alice.


   Dans ce roman Nathalie Rheims explore la frontière entre l'amour fou, l'amour total et la folie amoureuse. L'amour est il une maladie? On dit "tomber amoureux" comme on dit "tomber malade". Ici il est question d'érotomanie, une maladie décrite comme suit dans le dictionnaire Larousse : Illusion délirante d'être aimé par quelqu'un. L'érotomanie est une pathologie grave qui peut mener l'individu qui en souffre à être violent envers lui même ou envers l'objet de son illusion, lorsque l'amour se révèle non réciproque.


   Camille qui semblait heureuse en ménage mais qui vivait par procuration la vie amoureuse tellement plus romanesque de son amie va au travers son enquête sur la relation d'Alice avec le chirurgien découvrir les extrêmes auxquels peut conduire l'amour quand celui-ci devient pathologique. Un roman passionnant qui lève le voile sur une pathologie très méconnue.

lundi 3 mars 2014

Des amours dérisoires






Des amours dérisoires de Virginie Carton aux éditions Grasset



  Vincent, jeune architecte célibataire cherche à établir une relation durable avec une femme. Il veut en finir avec les relations d'un soir. Un jour il rencontre Marine dans un zoo, il l'aborde en s'étonnant de la bizarrerie des iguanes. Au lieu d'être sur la réserve et de se demander ce que peut bien cacher cette entrée en matière pour le moins originale, Marine est attendrie et attiré par ce Galant niais.

 

   Peu de temps après Marine le recontacte et l'invite à venir chez elle. Pensant que cette soirée est la bonne, Vincent se munit de sa brosse à dents ( on n'est jamais trop prudent) estimant qu'il a de fortes chances de découcher. Arrivé chez Marine, il constate qu'il n'est pas seul. C'est à un véritable Cocktail chez Mademoiselle qu'il a été convié. Il y croise un homme dont la tête lui dit quelque-chose, en effet, c'est Jean-Pierre François, l'inénarrable interprète de "Je te survivrai" dont Marine est chargée d'écrire l"'autobiographie" (Marine est nègre). Très vite une relation suivie s'installe entre les deux amants mais Vincent s'ennuie, Marine est très casanière. Vincent regrette ses folles soirées d'avant Marine.


 
   Nos deux tourtereaux ont un couple d'amis Paul et Juliette qui semblent être le couple parfait. Vincent lassé par le côté terne de Marine aimerait bien aller faire un tour Au pays des merveilles de Juliette. Juliette, moins farouche que les apparences le laissaient supposer finit par prendre l'initiative et par conclure avec Vincent qui finalement avec les filles à un succès fou.



    Des amours dérisoires est un roman rafraîchissant, un peu comme ces chansons françaises des années 80 dont les références émaillent le récit. Un air d'été tout léger , tout léger comme le chantait  Antoine. C'est la première fois qu'en parcourant un roman je passe mon temps à chanter ces airs qui nous collent au coeur et au corps. Un roman qui se lit d'une traite et qui a le goût sucré de nos années d'adolescence, des années bercées par ces chansons que l'on prend toujours plaisir à écouter et à reprendre en coeur.

Rêve d'amour



Rêve d'amour de Laurence Tardieu aux éditions Stock


 
   Alice, jeune traductrice vient d'enterrer son père. Un père avec lequel elle entretenait une relation basée sur le silence, sur le non dit. De sa mère morte alors qu'elle était toute petite elle ne garde que très peu de souvenirs. Son père a effacé tout souvenir d'elle.

"Je serre les poings dans mes poches, j'ai froid aux mains soudain, j'en veux à mon père, j'aimerais recommencer la bataille de boules de neige  et lui faire mal, lancer les boules sur lui de toutes mes forces, j'aimerais qu'il tombe dans la neige et qu'il ne se relève pas, qu'il reste là, que la neige recouvre son corps, qu'il n'en reste aucune trace , comme lui-même a effacé les traces de ma mère, j'aimerais l'abandonner à ses souvenirs, mais on n'abandonne pas un père, ma bouche tremble, mes yeux me brûlent, je ne veux pas pleurer, ma bouche tremble de plus en plus, je sens mon visage se déformer, j'essaie de respirer, une première  larme roule le long de ma joue, j'ai honte de ne pas être capable de retenir mes pleurs..."


   La jeune femme cherche à reconstruire l'image de sa mère depuis longtemps mais ne dispose d'aucun élément. Sur son lit de mort son père lui révèle quelque chose qu'il avait essayé de lui dire plusieurs fois sans jamais y parvenir. Sa mère aimait un autre homme, un artiste peintre. Alice, une fois son père décédé va donc se décider, après avoir longtemps hésité à aborder cet homme pour avoir des informations sur sa mère, pour pouvoir se construire une image d'elle, pour parvenir à se construire elle-même.

"C'est idiot n'est-ce pas? C'est idiot. Tout le monde me le dirait : je ne pourrai pas retrouver ma mère à travers l'homme qu'elle a aimé, il y a vingt-cinq ans, quelques mois avant de mourir. C'est une illusion. Je vais me faire du mal. Je ne trouverai rien, seulement un visage étranger qui me racontera, s'il y consent, quelques moments enfuis qui leur auront appartenu et parmi lesquels je n'aurai pas ma place. Ce sera "il" et "elle", ce ne sera pas "nous". Ce sera "elle" hors de moi, hors de ma vie, hors de mon temps. Une fois encore, je me heurterai au vide, à l'absence. Une fois encore j'aurai perdu ma mère;"


  Par ses rencontres avec le peintre Alice va peu à peu se faire une image de sa mère, artiste peintre elle-même et de l'amour fou qui les unissait. Ces échanges vont lui permettre de se poser des questions sur son propre rapport à l'amour.


   En même temps qu'elle enquête sur sa mère,  Alice écrit. Au départ ce qui devait être un livre pour enfants ce transforme en ce livre que nous sommes en train de lire. Elle écrit pour combler un vide, celui laissé par sa mère et celui dû à l'amour qu'elle ne connaît pas. "Depuis j'écris. J'ai remplacé la possibilité de l'amour, par la possibilité de l'écriture. J'ai peur aussi, mais c'est une autre peur : je sais que l'écriture ne m'abandonnera pas. J'ai même l'espoir fou qu'elle me comble. Qu'elle comble les vides, qu'elle comble l'enfance. Je ne veux pas croire un instant que je me trompe. D'une certaine manière, je sais que je mets ma vie en jeu."


   Avec Rêve d'amour, Laurence Tardieu nous livre un roman intimiste, sur  le deuil, l'absence, les non-dits, mais aussi sur l'amour. Un roman servi par un style à fleur de peau, à fleur de plume, un style empreint de délicatesse et de poésie. Il est de ces romans qui se lisent à voix haute
pour mieux en savourer le goût des mots. Un goût qui comme celui d'un bon vin reste longtemps en bouche une fois le livre refermé.