jeudi 24 septembre 2015

Les lectures du hibou sur Radio Coquelicot



Les lectures du hibou sur Radio Coquelicot Emission d'une plume à l'autre



    Lundi 21 septembre a  été un grand jour pour le blog. Une émission de radio consacrée à mes coups de coeur et à mes activités autour du livre et des auteurs. Le hibou ne pouvait que se sentir bien dans un émission dont le titre est : D'une plume à l'autre. Une émission qui en appelle d'autres. Merci encore à l 'animatrice Christine Thomas-Chancel pour son accueil, sa gentillesse et merci à Martine Magnin de nous avoir mis en relation. Chose promise, chose due, voici le podcast de l'émission.






mercredi 23 septembre 2015

Souvenirs de lecture 25 : Fabienne Rivayran.



Souvenirs de lecture 25 : Fabienne Rivayran


    Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Fabienne Rivayran qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.

LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?

FR :     Je n'ai pas le souvenir d'un livre en particulier, je me souviens surtout de mon appétit de lecture. Dès que j'ai su lire avec assurance, j'ai dévoré les "Fantômette", "Club des Cinq" et autres "Michel", fournis par la famille ou bien empruntés à la bibliothèque du quartier. Ensuite dès 12 ou 13 ans, je me suis mise à piocher dans la bibliothèque familiale, alimentée par ma mère, abonnée à plusieurs clubs de lecture. Je lisais donc ce que lisait ma mère : les romans d'aventure, Alexandre Dumas, Jules Verne etc, qui emportaient la petite fille sage et peu téméraire si loin et de façon si excitante ! Les romans dramatiques : Daphné du Maurier, Pearl Buck, Robert Merle, Les soeurs Brontë, Barbara Cartland (!), qui initiaient la préadolescente au monde des adultes et aux secret de l'amouuuuuuur ! Quant aux romans policiers, rien de tel que les enquêtes d'Imogène, de Maigret ou de papa Poirot, pour découvrir la noirceur de l'âme humaine ! Je lisais des après midi entiers, j'embarquais sur mon lit comme on embarque sur un bateau, pour de longs voyages littéraires, sans oublier les vivres et la boisson ! 


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?


FR :    Comment ces lectures-là ont pu nourrir mon désir d'écrire ? Je ne le sais pas vraiment. Jusqu'à 16 ans je voulais être écrivain. A partir de 17 ans, j'ai oublié ce voeu, je l'ai enfoui dans mon ventre, loin, bien caché pour diverses raisons. Mais j'ai gardé le goût des livres, ils m'ont accompagnée, fidèles amis des jours heureux ou malheureux. Dans les livres, je trouve les réponses aux questions que je me pose, toujours ! L'envie, non, le besoin d'écrire, a refait surface il y a 10 ans, de façon impérative, à la manière d'un sous-marin dont on vide les ballasts et qui remonte à l'air libre. Par quel mystère me suis-je mise à écrire des nouvelles, moi qui n'en lisais pas ?  C'est peut-être là qu'intervient LE livre qui a eu une influence sur ma façon d'écrire. Le jour où j'ai lu Noir comme d'habitude, d'Annie Saumont, (lecture recommandée en atelier d'écriture !) quelque chose s'est ouvert dans mon ventre, dans ma tête. Depuis j'écris des nouvelles, une façon de mettre en mot le monde tel que je le vois, tel que je le sens, une façon peut-être de le rendre abordable (vivable)?


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

FR :     Aujourd'hui je lis moins qu'autrefois ! Je dois choisir : lire ou écrire ! Je lis quand je n'écris pas. Je ne sais pas faire deux choses aussi importantes à la fois. Pendant les phases d'écriture, je ne lis que pour apprendre, pour m'imprégner d'un sujet, c'est une lecture "utile", documentation, récits, etc. Puis j'écris tout occupée par mes personnages. Une fois le premier jet terminé, pendant la phase de réécriture, je peux revenir à des lectures plus "faciles".

            Voici trois livres, lus ces derniers mois qui m'ont marquée : un roman dramatique : Réparer les vivants, de Maylis de Kérangal, quel souffle, quelle énergie dans cette histoire d'amour magnifique ! Un roman d'aventure : Au bonheur des dames, de Zola, une redécouverte éclairée par mon propre vécu familial et professionnel, j'ai pris un réel plaisir à suivre l'éclosion des grands magasins accompagnée par les balbutiements du féminisme. Et pour finir un polar bien sûr : L'homme qui a vu l'homme, de Marin Ledun, un auteur que je suis depuis plusieurs années, qui met  l'accent sur les failles de notre société avec une justesse très bien documentée.


Biographie


           Je suis née en 1963 et je vis depuis toujours dans le Sud-ouest de la France sous la protection des Pyrénées. Je n'ai pas fait de longues études, j'exerce un métier qui semble incompatible avec la littérature et j'aime le thé sans sucre et le vin en bonne compagnie. Depuis bientôt 10 ans, j'ai décidé de consacrer ouvertement à l'écriture le temps volé par ailleurs. Tôt le matin ou tard le soir, je cuisine des nouvelles ancrées dans la réalité du monde et je m'entête à les soumettre aux éditeurs. A  ceux qui acceptent d'héberger mes personnages, je garde un reconnaissance éternelle. http://www.fabiennerivayran.com/

Bibliographie : 

         Face au mur (Nouvelle, Ska éditeur, mai 2015)
         Météo marine (Nouvelle, Éditions JFE janvier 2013)
         Ici, on aime (Recueil de nouvelles, Emoticourt septembre 2012)
         Au cours du marché (Recueil de nouvelles, Éditions JFE mai 2011)
         Et diverses nouvelles publiées en revue ou recueils collectifs.


     Encore un grand merci à Fabienne Rivayran pour sa gentillesse et sa disponibilité. Les titres des livres cités par Fabienne ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog apparaissent en couleur et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique d'un simple clic. Si vous ne la connaissez pas, la plume de Fabienne Rivayran est à découvrir d'urgence. 
        

lundi 21 septembre 2015

Atelier d'écriture Bric à Book : texte 1




La maison d’en-face

texte écrit pour l'atelier d'écriture Bric à Book









      Mes parents avaient choisi de fuir la ville, son stress permanent, son bruit. Mon père, médecin,  n’en pouvait plus de ses services à l’hôpital, il voulait allier un cadre de vie plus agréable à son désir d’exercer la médecine d’une manière plus éthique, plus fidèle à ses convictions, plus humaniste. Quand ils s’étaient installés à la sortie de ce petit village de campagne, la maison qui faisait face à notre nouveau domicile était déjà fermée, abandonnée mais elle ne présentait pas encore aspect délabré qu’elle a aujourd’hui.

      Pour les gosses que nous étions alors, la bicoque d’en face était un objet constant d’interrogation. Pourquoi cette maison avait-elle été abandonnée ?  Qu’étaient devenus ses occupants ? Nous nous plaisions à imaginer des histoires toutes plus sordides les unes que les autres. Elle avait été le repaire d’une bande de dangereux cambrioleurs qui avaient dû la fuir dans l’urgence, laissant leur butin planqué sous les lames du parquet. Elle avait été le lieu de crimes atroces dont le responsable finissait ses jours en prison.

     Aujourd’hui nous savons que rien de tout cela ne s’est produit. Cette bicoque a connu le triste et banal destin d’une maison à la campagne. Les jeunes ont dû quitter le village pour trouver du travail. Face à l’attrait de la ville cette petite masure ne pesait pas bien lourd. Les parents ont vieilli, les enfants sont venus de moins en moins souvent, puis plus du tout au décès du père. La mère malade a été placée en maison de retraite et les enfants qui ne s’entendaient plus n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la vente de la demeure familiale. 

Mais qui voudrait de cette maison à la sortie d’un village perdu, dans une région sans attrait touristique ? A présent, les gens cherchent à s’installer à proximité de la mer ou de la montagne, surtout pas dans une plaine aussi désertée que ce tas de pierres. Quand nous revenons voir nos parents le week-end, nous nous amusons  à faire revivre ces histoires que nous nous imaginions enfants.


   Une maison abandonnée n’est pas une coquille vide. Ses murs froids abritent encore les souvenirs des gens qui l’ont habitée, qui y ont laissé des petits bouts d’eux-mêmes. Si cette maison pouvait parler, elle en raconterait des choses. Est-ce-que ce sont ces souvenirs, en cherchant à s’échapper de leur prison, en buttant contre les murs qui ont provoqué la chute du crépi par plaques ? Nul ne le sait. Toujours est-il que cette maison attend avec impatience de les libérer et d’en abriter de nouveaux.

samedi 19 septembre 2015

Avec lui



Avec lui. de Nathalie Poitout chez Alma éditeur (Rentrée littéraire 2015)





   "Paul aime Marie", "Marie aime Paul", les titres des premiers sous-chapitre sont clairs, ne trompent personne. C'est bien d'une histoire d'amour dont il va s'agir. Une histoire d'amour décortiquée de la rencontre à sa fin annoncée, inévitable.

     Nathalie Poitout fait se succéder les points de vue des deux protagonistes, leur façon d'aimer l'autre, comment ils voient leur rencontre, l'évolution de leur relation.

     Marie est une amoureuse de l'amour. Elle est conditionnée par les contes de fées qu'elle lisait enfant. Elle ne semble voir que le beau dans l'autre. Les parts d'ombre de Paul, elle ne les voit pas ou ne veut pas les voir du moins dans un premier temps. Quand enfin elle les remarque, elle pense que son amour peut les atténuer, les dissoudre.

   Quand il rencontre Marie, Paul tombe sous le charme. Mais l'homme traîne de lourds bagages. Divorcé il est visiblement toujours amoureux de son ex-femme qui pourtant lui pourrit la vie. Petit à petit il en vient à comparer les deux femmes et rarement à l'avantage de Marie.

   Avec lui est l'autopsie d'un couple. Le style est froid, les phrases courtes. Si elles disent bien la confusion des sentiments, les questionnements des personnages, elles manquent d'émotion. Elles tiennent plus de la démonstration scientifique.  Au début du livre on se prend au jeu mais on se lasse vite de ce style a minima. J'aurais aimé, pour ma part un peu plus de souffle et d'émotion dans le texte. Le thème de l'analyse de la vie d'un couple est banal mais intéressant et aurait mérité un meilleur traitement. En bref pour moi Avec lui est un roman raté. Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose, mais si c'est le cas, je ne vois pas quoi. Une chronique courte et froide pour un roman qu'il l'est tout autant.



vendredi 18 septembre 2015

Nous serons des héros




Nous serons des héros de Brigitte Giraud aux éditions Stock (Rentrée littéraire 2015)



    Olivio vit avec ses parents dans un Portugal sous le joug de la dictature de Salazar. Son père est docker et opposant au régime. Un soir il ne rentre pas à la maison. Sa mère lui explique que son père a trouvé du travail sur un cargo. Olivio part à la campagne chez sa tante pour passer quelques jours. Quand sa mère vient le chercher c'est pour partir directement en France sans espoir de retour. Du Portugal, le jeune garçon n'emporte qu'un chat découvert dans des décombres suite à un cyclone et l'image de son père. Dans le train qui les emmène vers leur nouveau pays, sa mère lui explique que ce dernier est mort dans les geôles de Salazar.

    C'est une nouvelle vie qui commence pour la mère et son fils. Ils sont d'abord hébergés par des amis portugais, réfugiés en France depuis quelques temps. Commence pour Olivio, l'apprentissage d'une nouvelle langue, d'un nouveau pays. Très vite Max entre dans leur vie. Max est pied-noir lui aussi a dû s'arracher à l'Algérie. C'est dans ce contexte qu'Olivio va devoir se construire, dans un pays inconnu, avec un beau-père avec lequel il ne se sent pas à l'aise. Il va faire la rencontre d'Ahmed un jeune algérien avec qui il va nouer une amitié particulière, ils deviennent inséparables, leurs jeux hésitent entre violence et sensualité. Avec Océano, le chat, rapporté du Portugal, souvenir d'une enfance envolée, Ahmed est le seul réconfort d'Olivio.

   Nous serons des héros est le roman de l'exil et du déracinement. Olivio arraché à son pays, à tout ce qu'il connaissait doit se réinventer une nouvelle vie. Il a perdu tous ses repères. Au fil des années l'image du Portugal, comme celle de son père devient de plus en plus floue. Quand à l'âge de 14 ans, après la Révolution des Oeillets, l'adolescent retourne au Portugal pour les vacances, il ne reconnaît plus rien, se sent comme un étranger.


    "Tout m'échappait de ce lieu qui m'avait vu grandir, on m'avait sans doute caché trop de choses, si bien que la peur me prenait quand je marchais simplement sur le trottoir et que je levais la tête vers les fenêtres aux persiennes fermées. Tout se passait à l'intérieur, et moi j'errais dehors, à essayer de ressentir, de reconnaître ce qui m'était familier, mais tout demeurait hors de portée."


    L'image de son père est celle d'un héros de la résistance à la dictature, comment se construire quand on est un petit garçon effacé, frêle à l'ombre d'un tel géant. La présence de Max, homme autoritaire, n'est pas là pour arranger les choses, pour lui un garçon se doit d'être viril, sportif, bricoleur, tout le contraire d'Olivio. Ce roman est aussi celui du passage à l'adolescence, cet autre exil qu'est l'arrachement à l'enfance, à l'innocence, l'apprentissage du monde des adultes. Un passage d'autant plus difficile pour Olivio qu'il ne correspond pas à l'image qu'a la sociéte de ce que doit être un garçon.

    "J'étais celui qu'on ignore, ou qu'on bouscule dans le couloir, celui à qui on met une tape sur la nuque dans le vestiaire du gymnase, celui qui agace. Je ne me faisais pas remarquer, j'aurais préféré ne pas avoir à me mesurer. Mais l'école est l'endroit du spectacle, la salle de classe comme un théâtre. J'évitais de lever la main mais les professeurs m'interrogeaient, me donnaient parfois en exemple . Et là je me sentais fléchir, je savais que les autres garçons n'aimaient pas les bonnes réponses, encore moins les compliments. Leur vengeance s'opérait en cours d'éducation physique. C'était discret et efficace, c'était féroce..."

    En nous racontant l'histoire à travers les yeux d'Olivio, en utilisant le "je", Brigitte Giraud nous plonge dans l'intimité de ce garçon en construction,  à la recherche de son identité. Une belle réussite.


Ma chronique sur Avoir un corps de Brigitte Giraud ici .

    

mercredi 16 septembre 2015

Rencontre avec Martine Magnin



Rencontre avec Martine Magnin





















     Les lectures du hibou et Le biscuit sont heureux de vous inviter à leur deuxième rencontre littéraire.






      Venez nombreux découvrir Les larmes des saules, un roman coup de coeur, et son auteur Martine Magnin dans une ambiance chaleureuse et conviviale, le samedi  26 septembre 2015 au Biscuit  à Neuville sur Saône à 15h .


       Voici ma chronique sur Les larmes des saules . http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/08/les-larmes-des-saules-de-martine-magnin.html

        Et la page du Biscuit où vous trouverez l'adresse. https://www.facebook.com/Le-Biscuit-Café-Créatif-277877318910772/timeline/

         Venez nombreux, nous vous attendons. 

Face au mur




Face au mur de Fabienne Rivayran chez Ska éditeur (édition numérique)



   Maria est excédée. Anna est passée la prendre en lui disant qu'elle avait besoin d'elle, mais depuis qu'elles sont en route, Anna reste murée dans son silence. Maria veut savoir où elles vont, le comportement de son amie l'inquiète.  Anna ne peut pas parler.

   "Je sais que mon silence la fait souffrir mais je ne parviens pas à lui parler. Comment lui dire maintenant les mots qui s'entassent au fond de ma gorge depuis si longtemps."

   Les deux femmes sont dans la voiture à l'arrêt, silencieuses. L'attente s'achève lorsqu'Anna entend le bruit d'une voiture dans le virage. Il arrive. Elles le laissent sortir de sa voiture sous la pluie et entrer chez lui. Elles frappent et Anna prétexte une panne, demande à utiliser le téléphone, pour pouvoir s'introduire chez lui.

Anna a peur mais c'est décidé, c'est aujourd'hui que son calvaire s'achève, c'est aujourd'hui qu'elle va mettre son violeur face à son crime.

    Cette longue nouvelle de Fabienne Rivayran nous met au pied du mur avec Anna et Maria. Au pied de ce mur de silence qu'elle va abattre. Elle ne peut plus se taire. Quoi qu'il en coûte tout se termine ce soir.

     Depuis deux ans Anna se tait. Elle s'est réfugié derrière ce mur de silence, un mur qui l'a isolée, un mur de protection devenu prison. Elle a bien essayé d'oublier, de gommer cette période de sa vie mais rien n'y a fait. 

    " J'ai découpé au cutter cette portion de ma vie. Découpée proprement pour ne pas abîmer le reste. Juste ça. Un trou de quelques centimètres. Il y avait avant, il y avait après. Pendant n'existait plus. J'ai cru que je pourrais tenir debout à nouveau. Un tout petit trou de rien du tout, quelques minutes, même pas une heure. Une heure dans une vie, c'est quoi ? C'est rien. Une heure sur vingt, trente, quarante ans. C'est rien une heure. C'est un trou minuscule. Je peux bien vivre avec un tout petit trou. C'est ce que je me suis dit chaque matin."

    Alors que la pluie redouble dehors, que la télévision annonce des inondations dans le secteur, ce sont les digues qui retenaient les mots en Anna qui se brisent. Anna raconte. Anna veut que son agresseur admette son crime. 

     Face au mur nous montre la tempête dans le crâne, dans tout le corps d'Anna au moment de briser le silence. Elle a peur mais n'en peut plus de se taire. Elle a besoin de confondre son violeur pour pouvoir espérer passer à autre chose, pour pouvoir se reconstruire, pour pouvoir vivre à nouveau. Tout cela est merveilleusement rendu par la plume de Fabienne Rivayran, par ses phrases courtes, rythmées. Un texte prenant, étouffant, une réussite.

    Vous voulez lire la nouvelle : c'est ici

    La plume de Fabienne Rivayran m'avait déjà séduit lors de la lecture de la nouvelle Météo marine.

mardi 15 septembre 2015

Souvenirs de lecture 24 : Jessica Nelson



Souvenirs de lecture 24 : Jessica Nelson



   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Jessica Nelson qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi ?


JN :     J'ai beaucoup lu lors de mon adolescence, j'ai la chance d'avoir eu une mère qui me donnait Frédéric Dard comme Romain Gary, Didier Van Cauwelaert et Françoise Sagan... Barjavel est l'auteur qui m'a le plus profondément marquée à cette époque. "La nuit des temps" est un de mes romans favoris, pour sa puissance dans l'émotion, l'évasion, l'imagination. Je me souviens avoir pleuré en lisant les dernières lignes...






LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

JN :    J'ai toujours écrit, sans savoir que je pouvais être romancière. Ce n'est que tardivement, lors de mes études à Sciences Po, en commençant à côtoyer des auteurs  que je lisais par ailleurs (Alexandre Lacroix pour exemple , qui était mon prof d'enseignement d'ouverture, ou Philippe Sollers et Patrick Poivre d'Arvor, croisés à la Journée des Dédicaces de Sciences Po), que je me suis dit : peut-être que moi aussi je peux écrire un livre !  Et je me suis lancée.

LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

JN :     Place Colette de Nathalie Rheims. Un livre qu'on aurait pu appeler "Détournement de majeur", et je crois qu'un article qui lui a été consacré dans Paris Match était intitulé ainsi. Il raconte l'histoire d'une fillette de douze ans qui va devenir femme et découvrir ses pouvoirs de séduction. C'est un roman très intense, qui décortique à merveille la mue de cette ado. C'est aussi un roman qui dérange, puisque l'héroïne est amoureuse d'un homme qui a trente ans de plus qu'elle. Et puis j'ai aussi beaucoup aimé "Profession du père " de Sorj Chalandon, ou "La maladroite" d'Alexandre Seurat... et puis et puis et puis....



Biographie

 Jessica Nelson est co-fondatrice des éditions des Saints Pères, chroniqueuse littéraire dans l'émission "Au fil de la nuit " (TF1) et auteur de 5 livres. Son dernier roman "Tandis que je me dénude" a été édité chez Belfond en août 2015.


     


   Encore un grand merci à Jessica Nelson pour sa gentillesse et sa disponibilité. Les titres des livres cités par Jessica ayant fait l'objet d'une chronique sur ce blog apparaissent en couleur et disposent d'un lien vous permettant d'accéder à la chronique d'un simple clic. Si vous ne connaissez pas encore la plume de Jessica Nelson, je vous recommande vivement "Tandis que je me dénude".

samedi 12 septembre 2015

Souvenirs de lecture 23 : Carole Declercq




Souvenirs de lecture 23 : Carole Declercq


     Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Carole Declercq qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?

CD :    Je me souviens surtout de deux lectures de troisième car j'avais un professeur de français formidable qui nous faisait aimer les textes qu'elle proposait en classe par une approche sensible. Il n'y était pas question de toutes ses âneries qui ont bouleversé ensuite l'enseignement de la littérature, héritage des élucubrations de Barthes, degré zéro de l'écriture, métalangage, qu'on nous faisait avaler en fac. D'ailleurs, j'ai très vite recraché...

             Le premier, très classique, Boule de Suif, de Maupasssant. Je suis depuis restée amoureuse de son écriture précise, concise, incisive, pleine d'ironie rentrée. Évidemment mon âme pleine d'empathie a pleuré avec Elisabeth Rousset quand, à la fin de la nouvelle les bien pensants lui tournent le dos, après le sacrifice de son corps, et mastiquent, en faisant craquer les os, leur volaille. Quelle cruauté ! Quelle noirceur ! Depuis Maupassant est devenu un auteur que je relis très régulièrement. C'est un besoin. Ainsi que son maître à penser, Flaubert. En règle générale, j'aime les auteurs dits classiques parce qu'ils écrivent admirablement, ils sont pour moi des étoiles lointaines, des modèles absolus. Je n'aime pas ce que devient la littérature aujourd'hui. Elle ne respecte absolument pas la beauté et les possibilités de notre langue. Je suis pessimiste. Les grands écrivains se sont éteints avec le XXème siècle. Je tombe parfois sur des textes intéressants mais j'ai rarement envie d'aller plus loin.
            
 La deuxième lecture. Un texte clinique, froid, détaché. L'absolue horreur de l'holocauste : Robert Merle, La mort est mon métier. L'usage du "je". Comment se glisser dans la peau d'un bourreau complet avec une bonne foi quand on est une personne aussi merveilleuse que Merle, l'humaniste, l'auteur de Fortune de France. Incroyable ! Voilà un exemple d'exercice de style abouti qui met en lumière le pouvoir fou d'un écrivain face à sa matière. C'est de l'ordre de la magie.






LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

CD :    Je ne peux pas dire que Maupassant, Flaubert ou Merle aient eu une quelconque influence sur mon désir d'écriture. Ils restent des modèles inabordables même si je me sens plus proche de Merle par la proximité de l'époque.

            Plus simplement, j'ai toujours aimé écrire. On ne s'explique pourquoi on se saisit un jour d'un stylo, d'une feuille et hop ! C'est parti. L'écriture est un besoin et il est très frustrant car la réalité se rappelle constamment à vous.

            Je me revois, relativement jeune (mes années collège et lycée), noircissant des cahiers de tout et n'importe quoi, de ce que je ne trouvais pas dans la réalité. Je me souviens avoir reconstitué une famille virtuelle sur le modèle de  celle de l'Esprit de famille, le roman-récit fleuve de Janine Boissard. Sans doute était-ce lié au fait que je suis fille unique ! Ou encore une espèce de roman picaresque, fourre-tout dont l'action se passait au XVIIIème siècle, qui est l'une de mes périodes historiques favorites avec le XXème siècle. Ces écrits naïfs ont disparu.

            Je suis revenue vers l'écriture en 2011, par la littérature jeunesse. Mon fils, en 6ème, avait décrété qu'il voulait écrire un petit livre avec les petits personnages favoris de ses jeux. Pour l'encourager, je l'ai imité. J'ai continué. Lui a arrêté (mais l'orthographe est impeccable maintenant !! Je conseille fortement ce genre d'exercices aux mamans qui ont un peu de temps : l'écriture à quatre mains). Ma fille a repris le flambeau et écrit à son tour, avec je trouve beaucoup de sérieux et de concentration pour une demoiselle de douze ans. Il n'y a bien que mon mari et mes chats qui n'écrivent pas (quoique mes chats, à la faveur de la nuit... C'est tellement intelligent, un chat !!)


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

CD :    Je continue d'explorer la littérature anglo-saxonne. Forster est définitivement mon écrivain favori. Côté USA, claque énorme avec A l'Est d'Eden (je n'avais lu que les Raisins de la colère avec ses merveilleux chapitres intermédiaires qui décrivent le lynchage programmé des petits exploitants agricoles des années trente dans un style charnel, ancré dans la terre). J'ai adoré le personnage d'Adam, notamment : j'aime quand les personnages masculins ont beaucoup de fragilité, de sensibilité. Dans un pays qui s'est construit (et continue de se construire) sur le mode de la violence, je trouve cela d'une modernité absolue. Je viens de terminer Tendre est la nuit, de Fitzgerald. Idem : un merveilleux héros, sensible, qui se sacrifie pour sa femme malade, folle, s'oublie lui-même et passe à côté de ce qui aurait pu le rendre heureux. Le jumeau de Gatsby.



Biographie

CD :    Je m'appelle Carole Declercq et je vais avoir 45 ans. Je vis dans la région Rhône-Alpes depuis 18 ans mais je suis originaire du Douaisis, dans le Nord. Je suis mariée et j'ai deux enfants. J'ai fait des études de lettres et de langues anciennes à l'Université Charles de Gaulle, à Lille. Mes années d'étudiante ont constitué l'une des meilleures périodes de ma vie. J'en garde un souvenir impérissable (hors Barthes, s'entend !!). Je m'intéresse beaucoup à l'Histoire au point d'avoir hésité en Terminale pour le choix de mon cursus. Finalement je retombe sur mes pattes en ayant pris la décision d'écrire un roman sur trame historique : Ce qui ne nous tue pas...
aux éditions Terra Nova. C'est très exigeant en termes de préparation mais j'ai gardé mes réflexes scolaires et je suis une personne calme et studieuse. Je suis heureuse d'avoir renoué avec l'écriture et j'espère pouvoir trouver le temps de continuer à écrire.


           Encore un grand merci à Carole Declercq pour sa gentillesse et sa disponbilité. Le titre de l'excellent roman de Carole apparaît en couleur et dispose d'un lien intégré vous permettant d'accéder à ma chronique d'un simple clic. Un conseil : foncez !!!!


vendredi 11 septembre 2015

Souvenirs de lecture 22 : Thierry Berlanda



Souvenirs de lecture 22 : Thierry Berlanda


  Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément marqués, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Thierry Berlanda qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je le remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.




LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?



TB :     Le livre de mon adolescence est aussi le livre de toute ma vie (jusqu'à ce jour en tout cas) : l'Odyssée. Pourquoi ? Ce qui me passionne dans ce livre c'est d'y voir des personnes ordinaires placées dans des situations extraordinaires. C'est la définition même de la littérature, et elle a été établie, de fait, par Homère il y a presque 3000 ans.






LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

TB :    Quand on se sent la force d'écrire, qu'on est dans cette nécessité de devoir le faire, encore faut-il trouver la forme dans laquelle exprimer au mieux cette énergie. De ce point de vue, le mode narratif d'Homère (l'ancêtre des jeux de plate-forme, en réalité), est idéal ; il l'a été pour moi en tout cas. Le reste (la façon d'écrire, le vocabulaire, le style, les contenus romanesques), cela vient ensuite.


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

TB :     Je lis très peu de romans français contemporains car j'ai été beaucoup échaudé. Je lis en fait surtout de la philosophie. Mais j'ai quand même fait de belles découvertes depuis ce printemps : Aime-moi ... comme tu es, de Cathy Galliègue : Good Bye Gandhi, de Mélanie Talcott ; J'entends le bruit des ailes qui tombent, de Gispy Paladini ; On a toujours besoin d'une blonde sexy en bikini pour vendre une machine à laver, de Sandra Ganneval. Les trois derniers sont des thrillers qu'un éditeur serait bien inspiré de publier, quitte à en travailler certains aspects avec les auteures ; c'est toujours le cas, c'est très normal et ce ne serait pas un gros travail car ces trois auteures sont très douées. Le premier est mon chouchou, parce qu'il appartient à un genre que je ne prise pas a priori, et qu'il m'a tout de même carrément embarqué. 


Biographie

             J'ai vécu dans beaucoup d'endroits en France, mais je suis un parisien de naissance et de conviction (même si j'aime toutes les régions de France). Depuis 7 ans, je vis exclusivement à Paris, en famille.

Romancier :
         
             J'écris un livre tous les 18 mois à peu près. Ecrire est vital, publier est une perspective agréable.

- 3 de mes romans sont publiés aux éditions La Bourdonnaye ( deux sont des thrillers)
   L'un d'eux sorti en 2014, est d'ores et déjà un succès ( L'Insigne du Boiteux) La suite vient de paraître : La fureur du Prince.

- 2 de mes nouvelles sont publiées, l'une chez La Bourdonnaye (dans le recueil Pentatracks), l'autre en ligne sur le site Imminences.


Philosophe :

           Je suis intervenu plusieurs fois à l'Université de Louvain (colloques ou journées doctorales, à l' ENS dans le cadre des ateliers de la Société française de Philosophie, au Collège international de Philosophie ou pour des conférences un peu partout ailleurs.

Publications :

- Presses Universitaires de Louvain (La vie et les vivants, 2013)
- Revue Implications philosophiques (Chair et Corps, 2014)
- Revue des cahiers jungiens de Psychanalyse (La filiation comme Incarnation, 2015)
- Revue Arkhaï (Michel Henry : la source grecque cachée, à paraître en octobre 2015)

Exemples de conférences :

- Nevers, octobre 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=pgeFPvE2RkI

- Lycée Henri IV, dans le cadre du séminaire "Philosophie du management : pour une éthique de l'acuité", mai 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=k-r3BvR2CwQ

- IAE de Metz, Université de Lorraine "Le management, épreuve charnelle", mai 2015
  https://www.youtube.com/watch?v=syv4oeDpljU

- BNF Paris "Le désir d'autrui", novembre 2015


Enfin il m'arrive d'écrire et d'enregistrer des chansons dont voici un simple exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=9CY7DsKqRhk


  Encore un grand merci à Thierry Berlanda pour sa gentillesse et sa disponibilité. Les titres des livres cités par Thierry faisant l'objet d'un article sur ce blog sont colorisés et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique d'un simple clic.

jeudi 10 septembre 2015

La fureur du Prince



La fureur du Prince de Thierry Berlanda aux Editions La Bourdonnaye




   Jeanne Lumet ne vit plus depuis sa rencontre avec Le Prince, ce serial killer qui a bien failli mettre un terme à sa vie et à celle de son fils (voir L'insigne du boiteux). Elle vit claquemurée chez elle, n'assure plus ses cours, confie le plus souvent son fils à son ex-compagnon. Elle ne parvient pas à refaire à surface. 

    Le Prince remis des blessures subies lors de son arrestation doit être transféré à la centrale de Clairvaux, véritable forteresse dont il est impossible de s'échapper, des travaux ont d'ailleurs été effectués pour accueillir ce personnage bien encombrant.

    Jeanne pense que le fait de voir Le Prince dans sa cellule pourrait la soigner  de sa peur permanente de le voir ressurgir. Accompagnée de François Savant, elle va rendre visite au commandant Falier avec qui elle avait réussi à mettre fin aux massacres perpétrés par le serial killer. Falier est maintenant à la retraite et ne peut rien faire pour aider son amie dans sa          démarche.

   Le matin même du transfert du Prince à Clairvaux, une commission d'experts déclare que le Prince n'est pas responsable de ses actes et ordonne son transfert dans un centre de soins de haute sécurité dirigé par le docteur Turner. Ce changement suscite le débat entre les partisans d'une solution radicale, ceux qui pensent que ce type d'individus est irrécupérable et ceux qui comme le docteur Turner pensent qu'ils peuvent être soignés et réinsérés.

   "-Je reste quand même sur mes positions aussi, parce que les partisans de la psychiatrie carcérale traditionnelle sont forcément dans l'erreur. Et ils sont dans l'erreur, parce que la civilisation et la démocratie vont partout de pair avec une amélioration de la condition des malades, y compris s'ils sont auteurs d'homicides, et même de meurtres monstrueux. Et je suis convaincue que cette amélioration de leur condition est dans l'intérêt même de la société tout entière. Ou alors, si la doctrine des modernes est erronée, il faut admettre que la civilisation et la démocratie le sont aussi, et par essence.
       Parce que la psychiatrie de boucher, ou même d'électriciens, c'est dans les dictatures qu'on la pratique encore ! Vous savez, quand un pays commence à renvoyer ses fous en prison ou au poteau ou au bûcher, c'est toujours un signe de régression morale, puis de perversion politique, et enfin de délitement social, qui finit par abîmer l'ensemble des ses habitants."

    Peu de temps après son transfert Le Prince parvient à s'évader dans un bain de sang. Qui a bien pu aider un tel psychopathe à s'évader car il n'a pas pu le faire sans complicité ? Jeanne parvient à vaincre sa peur pour se lancer avec l'aide de Falier aux trousses du criminel. Elle retrouve avec déplaisir son ancien mentor, le professeur Bareuil. Elle est toujours persuadée que ce dernier l'avait faite intégrer à l'enquête pour se venger d'elle car elle était la cause de son handicap. Bareuil est le dernier à avoir eu contact avec Le Prince avant son évasion.

   Ce deuxième volet de la trilogie du Prince est tout aussi passionnant que le premier. Le style fluide et rythmé nous fait tourner les pages sans que l'on s'en rende compte. Le caractère des personnages est encore plus approfondi que dans le premier opus, ils sont tous attachants, chacun dans leur style. Jeanne en femme névrosée, apeurée qui transcende ses peurs quand elle est au pied du mur. Falier en flic à la retraite, en bout de course qui ne parvient pas à se détacher de cette affaire dans laquelle il a envoyé des hommes au casse-pipe.  Le Prince psychopathe que l'on ne peut détester totalement car il est aussi une victime. Et enfin le Professeur Bareuil personnage odieux que l'on adore détester. Ce thriller est une très belle réussite et j'attends avec impatience le dernier volet de cette trilogie passionnante. 

    Les lectures du hibou recevront Thierry Berlanda le 14 novembre à Neuvile sur Saône au Biscuit. Il viendra nous présenter les deux premiers romans de cette trilogie.  Amis Lyonnais ou de passage venez nombreux. 

mardi 8 septembre 2015

Ce qui ne nous tue pas...



Ce qui ne nous tue pas... de Carole Declercq aux éditions Terra Nova (Rentrée littéraire 2015)



    Le 12 mai 2012, Sebastian Von Wreden se fait agresser par des hooligans à la fin d'un match de foot. Bilan : des côtes cassées et le visage salement amoché. Sa mère, haute fonctionnaire au gouvernement fédéral allemand n'ayant pas le temps de s'occuper de lui, décide de le conduire à la demeure familiale. Sebastian, connaît très mal sa famille, les relations entre sa mère et sa grand-mère étant très tendues.

     Constatant le désir de Sebastian de mieux connaître sa famille, sa grand-mère, Marianne, lui raconte son histoire. Une histoire qui nous transporte à Paris pendant la deuxième guerre mondiale.

   Janvier 44 à Paris. Les Parisiens attendent avec impatience un débarquement des troupes alliées qui les libèrera de l'occupation allemande qu'ils subissent depuis quatre ans. Les réseaux de la résistance s'organisent pour préparer le terrain à ce débarquement tant attendu. Le réseau Poitiers, en charge du renseignement, surveille le capitaine Von Wreden, officier à l'Abwehr, le service du contre-espionnage allemand. Cet homme a un péché mignon : les femmes, brunes à la peau laiteuse de préférence. Quand Marianne, membre d'un réseau étudiant, entre dans la pièce dans laquelle son frère a été convoqué par le réseau, les dirigeants n'ont plus aucun doute, c'est elle qu'il leur faut. Elle correspond parfaitement aux goûts du capitaine.

   "Voyons, comment présenter en restant polis ? "Bonjour, mademoiselle, nous allons vous fourrer dans le lit d'un officier allemand au beau milieu d'un service de contre-espionnage. Autant vous dire : un panier de crabes. Votre mission sera de tenir le plus longtemps possible, bien qu'il n'aime pas prendre ses aises avec une fille en particulier. Vous devrez photographier les rapports qui vous seront indiqués, contourner la sécurité, nous les faire parvenir sans vous faire prendre, éventuellement lui trouver la peau avec un engin fourni par la maison s'il vous surprend - on vous montrera comment faire le plus de dégâts - et vite vous carapater sans que nous ayons les moyens de vous faire de la souricière." Présenté comme ça elle ne pouvait pas dire non. On pouvait même se laisser aller à lui demander, puisqu'elle parlait allemand, de leur communiquer les petits extras qu'elle entendrait."

   Marianne, jeune "oie blanche" qui n'a "vu le loup" qu'une fois, accepte la mission. Nini, habituée de ce genre d'exercice est chargée de la former. Très vite, le jeune capitaine est attiré par la belle brune. Marianne aurait pu tomber plus mal, le capitaine est charmant et bien fait de sa personne mais c'est un ennemi et  la jeune femme ne perd pas de vue sa mission. Elle va se retrouver face à un choix cornélien entre son attirance, son amour pour Maximilian et son devoir

   Ce qui nous tue pas... c'est le roman de l'engagement, celui de ces femmes qui pour défendre leur patrie n'ont pas hésité à faire don de leur corps. Ces femmes qui comme Nini à la libération ont été insultées, traitées de femmes à boches, violées tondues, souvent par des résistants de la dernière heure trop heureux de masquer leur passé trouble par ce déchaînement de violence. C'est un roman d'apprentissage : Marianne, jeune femme de l'aristocratie délaissée par ses parents trop occupés par leurs mondanités, va devoir apprendre à survivre, à résister, à se battre en ses temps de guerre où toutes les passions humaines sont exacerbées. C'est un roman d'amour, celui d'une rencontre entre deux être que tout aurait dû opposer. Ce roman contient tous les ingrédients du roman populaire dans ce qu'il a de plus noble, il est porté par style vif , brillant plein de verve et d'humour qui donne encore plus de force au récit. Vous l'aurez compris ce premier roman a été pour moi un coup de coeur, je vous le recommande vivement.

   "Nini n'eut pas le droit à une tonte en public avec un écriteau et un bain salvateur dans une fontaine parisienne. Elle fut enfermée dans une cave avec deux femmes à Boches authentiques, dont une qui avait déjà eu deux enfants de son soldat de deuxième classe. Toutes les fois où elle voulut ouvrir la bouche pour parler, on la frappa à coups de poings. Une prémolaire se déchaussa. L'ossature de son visage se morcela. Ses lèvres éclatèrent à plusieurs reprises et ses yeux passèrent par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Elle fut violée jusqu'à trois fois par jour pendant une semaine. Et quand tous ces héros glorieux de la Libération eurent fini d'exercer leur traitement purificateur sur ces Françaises infestées par la vermine boche et estimèrent qu'elles pouvaient repasser sans danger de contamination, dans le patrimoine national, on la relâcha complètement folle de douleur sur le pavé parisien.

samedi 5 septembre 2015

Tandis que je me dénude



Tandis que je me dénude de Jessica L. Nelson aux éditions Belfond (Rentrée littéraire 2015)


   Angelica Rivière est professeur de français dans un lycée parisien. Elle vient de publier son premier roman dans une maison d'édition importante. A son retour de vacances, elle est contactée pour participer à une émission phare, un talk-show, occasion unique pour elle, auteur inconnu, de présenter son livre.

    C'est la peur au ventre qu'Angelica se présente à cette émission en direct donc sans filet. Elle est mal à l'aise car très vite elle se rend compte qu'elle n'est pas là pour parler de son livre, ou si peu. L'animateur et le chroniqueur orientent les questions pour faire de l'audience, le moins que l'on puisse est qu'ils ne sont pas bienveillants.

    Au fur et à mesure que l'émission se déroule, c'est à une véritable lutte intérieure que nous assistons chez Angelica. Une lutte entre ce qu'elle veut montrer d'elle, ce qui est perçu d'elle par les animateurs et les invités et par les téléspectateurs, et celle qu'elle est vraiment. L'oeil inquisiteur et impudique de la caméra va la plonger dans ses failles, dans son histoire personnelle, dans son intimité, dans son moi profond. Aiguillonnée par "L'ombre", sa petite voix intérieure qui la met face à ses contradictions, paniquée à l'idée de ce que va pouvoir dire d'elle "Le homard", ce blogueur qui la harcèle et la dénigre en continu sur internet, le puzzle de sa vie se met en place par petites touches et réveille ses traumatismes. C'est une  mise à nu violente qui a lieu sous nos yeux.

    Tandis que je me dénude est un roman passionnant, qui vous happe par ses phrases courtes et rythmées reflétant le tourbillon intérieur dans lequel est plongé Angelica.  La jeune femme est confrontée à son image et le lecteur lui-même se projette et se questionne sur ce qu'il montre de lui, cette image amplifiée, déformée, biaisée par le miroir déformant des réseaux sociaux, de la caméra, du regard de l'autre. Cette exposition, que dévoile-t-elle de ses failles, de ce qu'il est réellement ? Ces masques que nous revêtons consciemment ou non, n'en disent-ils pas plus sur nous que nous le pensons ?  Un deuxième roman très réussi, j'attends la suite avec impatience. 

   "L'un de mes travers est de ne pas oser m'imposer. Rester discrète, à ma place, c'est cela qui soulage temporairement la malade timide en moi sans toutefois la satisfaire. Car je supporte mal qu'on ne me voie pas. Qu'on ne m'entende pas, d'autant que je suis incapable de couper la parole à qui que ce soit. Ainsi me voilà partagée, c'est mon petit drame sur lequel personne ne coulera une larme, entre mon désir de discrétion et de grâce (ne pas relever la faute ou l'erreur d'autrui fait partie de ma conception de l'élégance) et celui de m'imposer."

   "Je suis estomaquée par tant de malveillance de la part d'un être avec qui je n'ai pas échangé et à qui je n'ai pu causer aucun tort, hormis celui d'exister. Internet, meilleur allié des libertés et du savoir, porte ouverte à mille dérives et harcèlements moraux. Ce qu'écrit cet homme est diffamatoire, infondé, voilà j'en frissonne car une rumeur aujourd'hui se répand plus vite et salement qu'une épidémie. Quarantaine pour celui qui en est le centre."

vendredi 4 septembre 2015

Korzen



Korzen de Baptiste Boryczka chez Lemieux Éditeur (Rentrée littéraire 2015)




   Korzen est la capitale d'un pays imaginaire situé en Europe. Cette ville est florissante. Il fait bon y vivre. C'est un creuset où se mêlent les populations venues de pays variés. C'est là que vivent les trois personnages principaux.

   Paul a quitté Paris où il n'avait plus de perspectives pour s'installer à Korzen sur les conseils d'un ami. Avec son aide il y a trouvé du travail et un appartement. Paul vit seul dans ce logement modeste. Une seule chose le dérange : l'odeur qui semble sourdre mystérieusement des murs de sa chambre. Paul se sent bien à Korzen même s'il a trop de mal avec la langue du pays pour se sentir complètement intégré. Lors d'une fête entre amis, il  rencontre Kitta, une jeune femme du cru. Très vite une idylle se noue entre eux.

   Piotr est un jeune garçon de onze ans. Ses parents ont quitté la Pologne pour trouver du travail. Son père est empolyé à la restauration des bâtiments de la ville. Piotr est un garçon intelligent qui se pose beaucoup de questions. Cela fait trois ans qu'il habite à Korzen et parle parfaitement la langue, sans accent. Quand il n'est pas avec ses parents rien ne laisse penser qu'il est étranger. Piotr étudie la clarinette à l'école de musique de la ville.

   Yoon-Ji a été adoptée à sa naissance par un couple de Korzenois. Elle est d'origine coréenne. Elle a toujours vécu dans ce pays, y est presque née mais ses traits asiatiques l'empêchent d'être considérée comme une native. Yoon-Ji joue de la clarinette dans l'Orchestre National de Korzen et enseigne la pratique de son instrument à l'école de musique de la ville.

   Au fur et à mesure que le roman avance, les choses prennent une mauvaise tournure pour nos trois déracinés. L'ambiance se fait plus lourde. Mais quelle est cette odeur qui suinte des murs de l'appartement de Paul et quel est ce liquide rouge qui s'écoule du trou dans son mur ? La légendaire tolérance de Korzen serait-elle en train de se détériorer ?

    Korzen est un roman choral à trois voix dans lequel les destins des personnages vont s'entrecroiser. Ils vont tous trois rencontrer des difficultés car ils sont ou ont l'air d'étrangers. Korzen est une fable très agréable à lire sur le déracinement et la montée de la haine de l'autre. Un bon premier roman même si je l'ai trouvé un peu simpliste pour être pleinement convaincu. 



jeudi 3 septembre 2015

Ressources inhumaines



Ressources inhumaines de Frédéric Viguier aux éditions Albin Michel (Rentrée littéraire 2015)



      L'hypermarché, ce lieu où nous passons chaque semaine pour remplir nos placards et nos réfrigérateurs, est le décor de ce roman. Mais ici ce sont le coulisses qui nous sont décrites. Nous sommes plongés dans ce lieu où travaillent des centaines de personnes.

      Elle (son nom n'est jamais mentionné) a 22 ans au début du roman. Sa vie est vide, elle ne ressent rien. Après un BTS, elle se décide à postuler pour un stage dans un hypermarché proche de chez elle car il faut bien qu'elle fasse quelque chose de sa vie. Il faut bien combler ce vide.

      "J'ai fait un rêve étrange.
       J'ai rêvé que j'étais une poche.
       Une poche plate et sans relief, parce que vide...
       C'est étrange de se rêver en poche.
       C'est un rêve qui me plaît.
       J'ai pensé, une poche est utile si on la remplit...
       Une poche ne sert qu'à ça  : être remplie !
       Mais alors par quoi ? Et par qui ?"

     Elle se présente donc, poche vide, dans cet hypermarché. Très vite son manque total d'ambition va lui permettre de s'adapter à ce monde déshumanisé qu'est la grande distribution. L'employé a un poste, il doit remplir des objectifs, respecter des consignes, mais surtout ne pas se faire remarquer sinon il finit en exemple. Finir en exemple, c'est se faire licencier pour que les autres employés restent à leur place.

     Elle se sent bien dans cet univers qui l'occupe qui la remplit sans qu'elle ait à faire trop d'efforts. Son désir de ne pas faire de vagues va l'amener à franchir les échelons rapidement par la promotion canapé. Et là encore elle va occuper son poste de chef du service textile en faisant tout ce que l'on attend d'elle mais pas plus avec l'aide de son amant, son ancien chef de service muté dans un autre établissement. Tout se passe pour le mieux pour elle ce poste lui convient bien, elle ne veut surtout pas évoluer car elle a besoin de ce regard de ces supérieurs sur son travail, de leur assentiment.

      Tout va se gâter dans le seconde partie du roman avec l'arrivé de "Lui", "L'autre", un jeune stagiaire, comme elle autrefois. Son approche du métier, de la vie va la mettre face à celle qu'elle pourrait être par opposition avec celle qu'elle paraît être. Il va lui montrer qu'il y a une autre façon de travailler, de vivre : rester soi-même. Ce soi-même qu'elle ne connaît pas et qui lui fait si peur.

       Dans ce roman froid, glaçant, dérangeant c'est le monde du travail dans la grande distribution qui nous est décrit mais l'histoire aurait pu se dérouler dans n 'importe quelle grande entreprise. Ressources inhumaines est la description d'un monde qui broie les individus, qui interdit toute initiative, tout développement personnel. Un roman au réalisme sociologique qui fait froid dans le dos porté par une plume tout aussi froide, nette, précise, sans fioritures. Une belle réussite.


       "Je n'agis pas pour obtenir des récompenses et un grade supérieur. Je travaille pour moi, pour me réaliser. Le vrai pouvoir, c'est celui qui laisse les fulgurances et les intuitions de ses collaborateurs s'exprimer. Le pouvoir absolu, c'est de savoir que l'on ne détient pas la vérité. Le pouvoir ultime, c'est de mettre en place les conditions de la liberté pour tenter d'approcher de cette vérité. Les collaborateurs qui organisent leur travail en fonction de ce que "pourrait" penser le pouvoir et en fonction de l'image qu'ils projettent, conduisent la société vers la stagnation, voire la chute? "
 


      

mercredi 2 septembre 2015

La logique de l'amanite



La logique de l'amanite de Catherine Dousteyssier-Khoze aux édtions Grasset (Rentrée littéraire 2015)



   Nikonor Pierre de la Charlanne est centenaire, il vit seul dans son château. Ce vieux nobliau corrézien pour meubler ses longues soirées de solitude entreprend de rédiger ses mémoires. Il veut poser ses souvenirs sur le papier avant qu'il ne soit trop tard.

   "Pour des raisons qui deviendront claires beaucoup plus tard, j'entreprends de rédiger un volume de mémoires, comme disent les Anglais. Nous sommes le 1er février, j'ai probablement quelques semaines de répit devant moi avant d'être rattrapé par les événements."

  Nikonor est le fils d'un noble de Corrèze passionné de mycologie et d'une anglaise. Il hérite de son père son goût pour les champignons. Mais alors que la passion de son père était plus académique et plus globale, l'intérêt de Nikonor se porte exclusivement sur les cèpes et les amanites. Il est attiré par leur esthétique et leurs propriétés. 

   L'homme nous raconte sa vie, son enfance typique de la noblesse au début du XXème siècle. Il revient sur ses expériences avec ses différents précepteurs qui défilent, ne restant jamais bien longtemps et il nous décrit sa haine farouche et étrange pour sa soeur jumelle Anastasie. Au fur et à mesure que l'on avance dans le livre, le personnage devient de plus en plus inquiétant et de plus en plus attachant.

    Passionné comme on l'a vu de mycologie, mais aussi de littérature, car quand il ne part pas à la recherche de ses précieux champignons, notre héros passe son temps à lire, Nikonor émaille son récit de références mycologiques et littéraires érudites. Son récit est également saupoudré d'expressions anglaises (héritage de sa mère) et le moins qu'on puisse dire est qu'il maîtrise à la perfection l'art de l'understatement britannique.

    Avec La logique de l'amanite, Catherine Dousteyssier-Khoze nous offre un roman jubilatoire. Un récit à la langue riche, relevé d'une bonne dose d'humour noir à l'anglaise. On sent le plaisir que l'auteur a pris à écrire ce roman et on se délecte à sa lecture. Un bon plat de champignons, savoureux mais vénéneux à souhait. Le seul reproche que je puisse faire à ce roman tient à son début, les références scientifiques à la mycologie y sont un peu trop nombreuses, mais une fois ce cap passé, quel régal !

  "Baudelaire s'est lourdement trompé en ratifiant le mythe de l'île tropicale. Tout un pan de l'histoire littéraire est à récrire. Il eût tellement mieux fait d'aller cuver ses excès de jeunesse dans quelque forêt continentale moussue. Ne serait-ce qu'à Fontainebleau ou Tronçais. Ce ne sont pas des forêts exceptionnelles, j'en conviens, on est loin de la qualité végétale des forêts corréziennes ou russes mais, malgré tout, elles valent bien les forêts tropicales primaires de l'île de la Réunion."





mardi 1 septembre 2015

La cache



La cache de Christophe Boltanski aux éditions Stock (Rentrée littéraire 2015)




   Chaque famille a son roman, son histoire, mais que dire de celle de la famille Boltanski ?

   L'auteur a vécu son enfance avec ses grands-parents dans l'hôtel particulier de rue de Grenelle. Dans ce cocon familial où tout le monde vit ensemble sous la férule de la "Mère -grand", femme diminué par la polio mais au caractère bien trempé.

   Les origines de la famille du côté du grand-père tiennent plus de la légende que de l'histoire proprement dite. On ne sait que très peu de choses des arrière-grands-parents. Ils seraient venus d'Odessa en Ukraine mais leur identité est incertaine et quand l'auteur y est allé pour faire son enquête, il n'a trouvé aucune trace d'eux. Chacun dans la famille connaît des bribes de leur passé mais elles ne convergent pas forcément.

   Dans ce roman autobiographique, il y a deux personnages principaux : la grand-mère et la maison. Cette maison dont personne ne sort sauf en cas de nécessité, cette maison est un abri. Dans la famille Boltanski personne ne se promène à l'air libre car tous les membres vivent dans la peur.

   "Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité de l'homme et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l'a transmise très tôt, presque à la naissance."

   Les Boltanski vivent donc en vase clos. Les enfants ne vont pas à l'école, ils ont des précepteurs. Quand il faut sortir, tout le monde monte en voiture. La voiture est une véritable extension de la maison, de ce cocon protecteur.

   "Ils ne s'aventuraient hors de la maison que motorisés. Assis, l'un contre l'autre, à l'abri d'une carrosserie, derrière un blindage, même léger. Dans Paris, ils circulaient à bord d'une Fiat 500 Lusso, de couleur blanche. Une voiture simple, maniable, rassurante, à leur échelle, avec sa rotondité, sa taille naine, son compteur de vitesse gradué jusqu'à 120 km/h, son moteur bicylindre à l'arrière qui produisait un râle, un toug-toug de vieux canot crachotant. Ils la garaient dans la cour pavée, face au portail, prête à partir, le long de l'aile principale, presque agglutinée au mur, comme la capsule de sauvetage d'une fusée."

  La famille vit dans la peur depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Depuis que le grand-père, juif,  dut disparaître dans une cache aménagée sous un parquet dans la maison pour éviter les rafles nazies. 

   L'originalité de ce roman tient à sa construction,. L'auteur aurait pu raconter l'histoire de sa famille de manière chronologique mais cela aurait été trop classique pour une famille aussi originale. Il nous raconte l'histoire familiale en nous parlant de la maison. Il nous fait faire le tour du propriétaire de ce corps donc chaque membre de la famille est un organe. En passant de pièce en pièce, il nous narre l'histoire des siens. Chaque pièce avait sa fonction, chaque pièce a une histoire à raconter, l'histoire de cette famille.

   Comment peut-on vivre ainsi dans la peur permanente en vase-clos ? Comment peut-on s'épanouir dans une telle famille ? Et pourtant les Boltanski ont réussi chacun dans leur domaine, du médecin, à l'artiste, de l'écrivain au sociologue, tous s'en sont sorti malgré cet isolement. La cache est un roman passionnant du fait de l'histoire de la famille, de son originalité remarquablement mise en valeur par la construction du récit. Un excellent premier roman.