Jardinière du Seigneur d'Yves Lériadec aux Editions Anne Carrière
Alors qu'il est un étudiant dilettante, notre homme laisse un jour son ennui guider ses pas vers l'église Saint Séverin. Ce n'est pas la croyance qui l'y mène, juste la recherche d'un endroit calme. C'est là qu'elle apparaît, des fleurs à la main.
"Vous êtes réapparue. Avec des fleurs blanches et bleues dans un vase que vous avez posé devant l'autel. Allant et venant depuis la travée latérale, vous avez fleuri le lutrin, la statue de la Vierge, le crucifix. A chaque fois posant le vase, reculant, observant, déplaçant un peu. Et vous n'êtes plus revenue.
Dans cette église, je vous aimais déjà."
Notre amoureux transi n'ose aborder cette femme qui le subjugue, mais il revient tous les matins pour l'observer. Il la surnomme Jardinière du Seigneur. Enfin la rencontre a lieu, une tendre et chaste relation se noue. Le narrateur se rend compte qu'il fait partie d'un triangle amoureux. Il a un rival, et celui-ci est de taille : Dieu. Quand il apprend que sa belle est partie à Marseille pour prononcer ses voeux, il est désespéré. Il se jette à corps perdu dans les études et se décide à réussir pour essayer de l'oublier. Il multiplie les conquêtes féminines mais pas une ne lui fera ressentir le même frisson. Il va même se marier par dépit mais c'est un échec.
Pour mettre de la distance entre eux, il va fuir. De l'Inde, au Pérou et jusqu'en Afrique du Sud. Mais le destin est cruel et il ne va cesser de la croiser, chaque rencontre ravivant ses blessures à peine cicatrisées. La belle est missionnaire.
Jardinière du Seigneur est un roman tout en sensibilité, tout en poésie, une poésie simple, empreinte de douceur. Un livre à la fois mélancolique et plein d'humour. On suit l'évolution du personnage de l'amoureux transi à l'homme d'affaires couvert d'honneurs mais insatisfait, cherchant toujours à fuir cet amour impossible, peinant à trouver un sens à sa vie. Jardinière du Seigneur est tout simplement un livre tendre qui fait du bien et c'est déjà beaucoup par les temps qui courent. Un roman à l'écriture sobre, poétique et rythmée que je recommande.
"Vous ne serez pas mère.
De vous, l'enfant ne paraîtra pas. À vous, le don premier sera interdit.
Vous ne connaîtrez pas le tressaillement intime, le ventre qui se tend, le jaillissement ultime.
Vous ne sentirez pas la bouche sur votre sein, la bave sur votre peau, la main crispée sur votre doigt .
Vous ne recevrez pas les dessins maladroits, cadeaux tout de guingois, visites dans le lit du matin.
Aucun achat de cartables, maillots du grand champion, tenues pour faire comme les autres.
Les pleurs de la nuit ne vous dérangeront pas, ni les cris des jeux fous, ni la musique hurlante.
Vous ne veillerez pas sur l'angoisse de l'examen, la stupeur de l'échec, l'explosion victorieuse.
Personne ne vous réclamera pour les bobos mineurs, vagues à l'âme désœuvrés, entêtantes peines de coeur.
Nulle séparation, aucune première fois vers l'école, le bout du monde, l'être aimé.
De tout cela vous serez privée.
Alors, vous persistez ? "
saisissant, mais est ce que ça me fera du bien ? j'hésite, j'y reviendrai, merci !
RépondreSupprimerCe livre est une de mes plus belles lectures de l'année :)
RépondreSupprimer