La maison d’en-face
texte écrit pour l'atelier d'écriture Bric à Book
Mes parents avaient choisi de fuir la ville, son stress permanent, son bruit. Mon père, médecin, n’en pouvait plus de ses services à l’hôpital, il voulait allier un cadre de vie plus agréable à son désir d’exercer la médecine d’une manière plus éthique, plus fidèle à ses convictions, plus humaniste. Quand ils s’étaient installés à la sortie de ce petit village de campagne, la maison qui faisait face à notre nouveau domicile était déjà fermée, abandonnée mais elle ne présentait pas encore aspect délabré qu’elle a aujourd’hui.
Pour les gosses que nous étions alors, la bicoque d’en face était un objet constant d’interrogation. Pourquoi cette maison avait-elle été abandonnée ? Qu’étaient devenus ses occupants ? Nous nous plaisions à imaginer des histoires toutes plus sordides les unes que les autres. Elle avait été le repaire d’une bande de dangereux cambrioleurs qui avaient dû la fuir dans l’urgence, laissant leur butin planqué sous les lames du parquet. Elle avait été le lieu de crimes atroces dont le responsable finissait ses jours en prison.
Aujourd’hui nous savons que rien de tout cela ne s’est produit. Cette bicoque a connu le triste et banal destin d’une maison à la campagne. Les jeunes ont dû quitter le village pour trouver du travail. Face à l’attrait de la ville cette petite masure ne pesait pas bien lourd. Les parents ont vieilli, les enfants sont venus de moins en moins souvent, puis plus du tout au décès du père. La mère malade a été placée en maison de retraite et les enfants qui ne s’entendaient plus n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la vente de la demeure familiale.
Mais qui voudrait de cette maison à la sortie d’un village perdu, dans une région sans attrait touristique ? A présent, les gens cherchent à s’installer à proximité de la mer ou de la montagne, surtout pas dans une plaine aussi désertée que ce tas de pierres. Quand nous revenons voir nos parents le week-end, nous nous amusons à faire revivre ces histoires que nous nous imaginions enfants.
Une maison abandonnée n’est pas une coquille vide. Ses murs froids abritent encore les souvenirs des gens qui l’ont habitée, qui y ont laissé des petits bouts d’eux-mêmes. Si cette maison pouvait parler, elle en raconterait des choses. Est-ce-que ce sont ces souvenirs, en cherchant à s’échapper de leur prison, en buttant contre les murs qui ont provoqué la chute du crépi par plaques ? Nul ne le sait. Toujours est-il que cette maison attend avec impatience de les libérer et d’en abriter de nouveaux.
voilà, maintenant j'attends les souvenirs contenus dans ces murs qui semblent muets, mais qui ont de la mémoire. Superbe, merci
RépondreSupprimerLe début de ton texte me rappellent une maison de sorcière près de la demeure de mon enfance.
RépondreSupprimerJ'aime les maisons qui ont une âme alors je suis forcément sensible à ton texte.
Et bien Cher Hibou,
RépondreSupprimerPour une première c'est une réussite !
Espérons que nous aurons des nouvelles de cette maison, dans un prochain texte. Qui sait si elle ne pourra un jour livrer ses secrets... ?
Amitié Cher Hibou
J'aime bien l'idée des souvenirs qui cherchent à s'échapper.
RépondreSupprimerTrès jolie image finale des souvenirs comme des prisonniers.
RépondreSupprimerEst-ce que les enfants reprendront la maison de leur père après sa mort ? Un autre médecin viendra-t-il assurer sa succession ?
Désertification générale ...
Très joli texte. Beaucoup de nostalgie, une pointe de tristesse et pourtant ... on ressent l'espoir. L'espoir qu'un jour de nouveaux souvenirs viennent faire revivre la maison ! J'aime beaucoup :)
RépondreSupprimerUn joli texte, cher hibou. Plein de douceur et de jolies phrases. J'espère que l'exercice t'a plu et que tu reviendras. :)
RépondreSupprimerMerci Leiloona. Oui l'exercice m'a beaucoup plus et je reviendrai c'est sûr !!
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