Le festin du lézard de Florence Herrlemann
aux éditions Antigone 14
Isabelle,
jeune femme de 25 ans vit avec sa famille dans une maison cossue. Son père est souvent absent pour affaires. Son
frère a quitté le foyer familial, il est
séminariste. Isabelle est donc souvent seule avec sa mère.
A l’ouverture
du roman, la jeune femme est appelée par sa mère. Le docteur Marceline est venu
lui rendre visite. La mère en a fait un
prétendant qu’Isabelle refuse. Il la dégoute. Isabelle va se rebeller.
Elle va affronter sa peur. La peur de cette mère autoritaire, énorme qui a tout
d'une ogresse.
Tout au
long du roman, Isabelle se confie à son ami
Léo. Un ami qui ne répond jamais, qui ne parle pas mais l’accompagne en
permanence. On découvre la vie de le jeune femme. Une vie de recluse. Elle n’a pas le
droit de sortir hors du parc et n’a accès qu’à quelques pièces de la maison.
Isabelle est terrorisée par sa mère mais elle
veut fuir, elle veut rompre ses
chaînes en finir avec cet isolement quel qu’en soit le prix. C’est une véritable guerre entre les
deux femmes. Le père et le frère d’Isabelle, eux, ont déjà rendu les armes.
« Je la hais de
m'avoir mise au monde et de m'en faire le reproche. Encore et encore. Je la
révulse parce que j'existe. Elle ne supporte pas ma présence, elle l'endure.
Elle nous fait, cette haine, des jours visqueux, poisseux, gluants. Le poison
coule dans nos veines, nous sommes immunisées. Nous n'avons plus aucune limite,
nous excellons en la matière, nous en avons oublié nos coeurs et nos âmes.
C'est la guerre, Léo. À chaque guerre son vainqueur ? Laquelle de nous deux
sera la vaincue ? Je suis la seule qui tienne encore le coup, père et Avril ont
courbé l'échine. Simone Lintruse ne va pas tarder à les suivre. Moi je résiste. »
La maison est elle aussi un personnage de l’histoire. Un personnage inquiétant. Avec ses pièces interdites, verrouillées),
elle est pour la jeune femme, pleine d’interrogations. Des questions nous nous en posons aussi sur la vie d’Isabelle. Que se passe-t-il dans cette famille ?
Qui est Léo , cet ami toujours présent mais muet ? Pourquoi la chambre d’Isabelle
a-t-elle des barreaux aux fenêtres ? Isabelle sera-t-elle au menu du festin de l'ogre lézard qu'est sa mère ?
Le festin du lézard est un roman ou le lecteur,
comme l’héroïne est constamment en équilibre, sur la corde raire, entre
abattement et espoir, entre rêve et réalité. L’écriture de Florence Herrllemann,
ce monologue d’Isabelle adressé à Léo, est faite de phrases courtes,
haletantes, presque scandées qui rendent l’enfermement et l’étouffement d’Isabelle
palpables. On les ressent physiquement. Ces mots qu’elle adresse à son ami sont
des cris de désespoir, des appels à l’aide.
Ce roman est de ces livres dont on ne sort
pas indemne. Un livre qui bouscule, qui
met mal à l’aise, qui vous hante tout au long de sa lecture et qui continuera
de le faire longtemps après. Un livre qui ne peut pas se lire d’une traitre tant
par moments cette impression d’étouffement est forte. Quelle belle découverte
que celle de ce roman et de la plume de son auteur. Une plume très onirique, hypnotique. C’est un énorme coup de cœur.
J’attends le prochain avec impatience.
« Je hais le rêve, il n'est que mensonge et
imposture. C'est un simulateur, un traître, un lâche, courant comme un toutou
derrière la Réalité, sa vieille copine, toujours prêt à lui lécher les pieds.
Celle-là, je la hais avec son air arrogant, cette façon brutale qu'elle a de
nous ouvrir les yeux avec tant de hargne, en nous regardant de haut. Odieuse
et misérable Réalité ! Tu reviens toujours, inexorablement, comme une vague qui
avale tout sur son passage. Je te hais parce que tu me prives, me voles, me
dépouilles de tout ce que j'ai de plus précieux. Le Rêve est ton hameçon, et tu
nous tiens au bout de ta ligne, la gueule ensanglantée. Je te méprise de toutes
mes forces, parce que tu m'ôtes tout espoir. Parce que je n'ai pas le pouvoir
de chasser la pluie, parce que je n'ai pas le pouvoir de changer un lundi d'automne en un dimanche
de printemps, parce que ma balancelle pourrit quelque part dans la vieille
grange, parce que Mère n'a jamais aimé les balancelles, parce que Mère a brûlé
les nappes et les serviettes assorties qu'avait brodées tante Émilie, parce que
Mère n'est pas de celles qui se réjouissent des préparatifs d'un repas de
famille. Parce que quand Mère ouvre les bras, ce n'est pas pour les resserrer
autour de moi. »
heureusement que ce sujet insupportable est porté par une écriture de cette qualité, merci au Hibou pour cette chronique venue du coeur et des tripes
RépondreSupprimersi je le gagne pas au concours, je l'achète! mais je tente ma chance avant LoL
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