Chaque seconde est un murmure d’Alain
Cadéo aux éditions Mercure de France
Iwill a
dix-neuf ans le jour où il devient un homme. La mutation s’est faite d’un seul coup, brutalement dans la douleur.
C’est dans la tôle froissée et dans le sang qu’a éclos cet homme que nous
découvrons. Dans cet accident, il a perdu son amour, la seule personne (à part
sa sœur) qui le comprenait, qui l’aimait pour ce qu’il était.
Du jour au
lendemain Iwill a tout quitté. Quittant le monde des hommes, des concessions,
des apparences pour celui de la route. Il marche sur les sentiers, arpente les
chemins, sa vie est dans le mouvement. Il ne s’arrête que de temps en temps, pas
longtemps, juste pour se reposer. Le rythme de son cœur s’est calqué sur celui
de ses pas et sur celui des mots, ces mots qu’il décompose en lettres, tant il
a de mal à les prononcer, Iwill est bègue.
« Le seul métronome
qui calme vraiment mon coeur c’est la cadence de mes pas sur des routes sans
fin. »
Un jour, les pas d’Iwill
l’emmènent à Luzimbapar. Un coin perdu, retiré. Il y fait la rencontre de
Laston, homme au sourire permanent, accompagné d’une meute de chiens féroces.
Laston le conduit chez lui. Iwill fait la connaissance de Sarah, sa femme, plus
jeune que son hôte. Iwill s’installe pour quelques jours. Sarah lui offre
un livre de comptes vierge sur lequel il
a pour mission d’écrire sa vie. Il ne pourra repartir que lorsque le cahier sera
entièrement rempli. Iwill est perdu. Il ne sait que penser de ce couple. Entre
la bonhommie de Laston, l’attirance qu’il éprouve pour Sarah, il ne se sent pas
libre. Ce lieu au nom aux consonances exotiques, est-il une oasis sur son
chemin ou une prison dorée ? Quelle serait la réaction des chiens s’il
décidait de partir sans avoir rempli sa mission ? Le mettraient-ils en
pièces ? Comme Shéhérazade dans Les contes des milles et unes nuits, sa
vie ne dépend-t-elle que des ses mots ?
J’avais découvert, l’année
dernière la plume d’Alain Cadéo. J’avais été charmé par la musique de ses mots
et la profonde humanité qui ressortait de son roman Zoé. Aux mêmes causes, les mêmes effets, j’ai
encore une fois été transporté par la petite musique de l’auteur, par ses
personnages à la marge du monde mais d’autant plus humains. Par Iwill, cet homme détruit par la perte de son amour, par sa volonté (will en anglais) de
rester debout, en mouvement pour ne pas mourir, pour vivre au rythme de ses
pas, au rythme des ces mots qui le fascinent. Amoureux des mots, de leur
musique je ne peux que vous recommander ce très beau livre. Quant à moi, j’attends
avec impatience le prochain Alain Cadéo.
« Ne rien attendre... C'est difficile, pour nous qui avons un pied
dans la matière et un autre déjà dans le vide.
Il reste si peu de choses dans le creux de notre dernier lit. Ça
ne pèse pas bien lourd, un crâne et ses millions d'images sur l'oreiller d'une
agonie.
Et dans chaque être, aussi petit soit-il, il y a pourtant, je
vous le jure, ce qui ressemble à l'infini. »
« Sacré Laston ! Son rire, face à mes petites phrases
sèches et inaudibles, est comme un bâton de vanille dans un verre de bile. Il a
le chic pour me refouler en selle. L'humain c'est formidable. Ça a beau être
pourrissant, corrosif, destructeur, hystérique, parfois ça badigeonne la vie
d'une grand coup de tout neuf. Et rien qu'avec un rire, ça vous glisse une
image digne de tout l'Himalaya , ça vous recapitonne le moral de neige toute
fraîche, un vrai bain de jouvence, un truc à ressusciter les morts. »
« Mais enfin ça ne veut rien dire, la liturgie des couples
est toujours un mystère et leurs messes ont pour les autres, l'énigmatique
valeur de sacrements intraduisibles. »
Vous retrouverez ici ma chronique sur Zoé : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/02/zoe.html
et ici, les Souvenirs de lecture d'Alain Cadéo : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/06/souvenirs-de-lecture14-alain-cadeo.html
déjà séduite par Zoé, je vais me laisser envahir par ces nouvelles secondes de Cadéo, à lire sans modération, et merci pour la chronique, à suivre
RépondreSupprimerBelle chronique qui donne envie bien entendu de se plonger dans ce roman, ce que je ne manquerai pas de faire puisqu'il doit arriver au cabinet sous peu. Bel été et bonne lecture à tous ! CM
RépondreSupprimerBon dimanche
RépondreSupprimerMerci pour cet article
Ce livre a l'air vraiment bien. Je le mets dans ma wishing list :)
Je ne sais pas pourquoi mais le résumé ainsi que la couverture appellent à une certaine douceur, à une certaine poésie... et j'ai l'impression que ton avis va dans ce sens, je pourrai très facilement me laisser tenter par ce livre plus que prometteur :)
RépondreSupprimerUn papillon qui s'échappe d'entre les barbelés vers une lumière heureuse...
Supprimerque la nuit n'éteint pas :3