Même les pêcheurs ont le mal de mer de
Diane Peylin aux éditions Les Escales
Salvi
Orozco est fils et petit-fils de pêcheurs. Il a fui son île, une île volcanique
pas nommée ou la seule activité est la pêche. Salvi a le mal de mer mais est-ce
la seule raison pour laquelle il a décidé de rompre avec un avenir tout tracé ?
Chez les
Orozco, hors la pêche, point de salut. On vit dans un île ou seule la mer, le
travail rythment les journées. Le reste du temps on se repose, on se nourrit.
Ce qui caractérise cette famille, c’est la monotonie, le silence. Les jours se
suivent et se ressemblent. On ne se parle pas. Les mots doivent être utiles à
la vie quotidienne. Pas de mots d’amour, pas de communication.
C’est cette
atmosphère de plomb que Salvi a décidé de fuir. Comme son père et son
grand-père, il aurait pu lutter contre le mal de mer et embrasser la carrière
de pêcheur. Salvi vit maintenant sur le continent où il travaille dans le
domaine de l’informatique la journée et se produit comme clown, le soir. Une
lettre lui annonçant le décès de son grand-père va le forcer à retourner sur l’île
sur laquelle il n’a plus remis les pieds depuis neuf ans, depuis le décès de
son propre père. Ce retour au sources lui permettra-t-il de combler les vides
de son histoire, les mots seront-ils enfin dits ? Pourra-t-il enfin vivre
sa vie pleinement ?
Tour à tour
le père et le grand-père s’expriment. Nous sommes plongés dans cette famille
dans laquelle les hommes sont durs au mal, taiseux, où les femmes meurent
jeunes. Les Orozco semblent victimes d’une sorte de malédiction. Chez les
Orozco, on travaille et on se tait. Les seuls mots gratuits prononcés sont ceux
des histoires, des contes racontés par le grand-père. Et pourtant, il y aurait
des choses à se dire dans cette famille. Des secrets qui pèsent et qui
empêchent de se construire. La malédiction qui frappe les Orozco est celle de
ces maudis mots non-dits. Ces mots qu’on n’utilise pas de peur de blesser mais
qui sont encore plus dangereux lorsqu’ils sont tus. Ces mots d’amour, d’affection
qui manquent cruellement. Comme l’île elle-même, cette absence de mot est une
prison dont il est difficile de s’échapper. Qu’il est dur à franchir ce mur du
silence.
Cette malédiction,
c’est aussi celle de la reproduction du schéma paternel sur plusieurs
générations. Les pères sont là pour assurer la subsistance quand ils ne fuient
pas. Leur rôle est limité à cela. L’homme doit être fort, sans faiblesse. Cette
image faussée dès le début les ronge, les rend malheureux. Les femmes,
elles-aussi, sont contaminées par ce silence. Elles s’étiolent, en meurent ou
se réfugient dans la folie.
Même les pêcheurs ont le mal de mer est un roman
poignant, émouvant, passionnant. Plus que le mal de mer, c’est un profond mal
de vivre que ressentent ces trois hommes (le grand-père, le père, et le
petit-fils), un mal de vivre encore plus persistant du fait qu’il n’est pas
exprimé. Diane Peylin a parfaitement su rendre ce poids du silence dans la
famille, ce lent poison du secret. Un très beau roman dont vous ne sortirez pas
indemne.
merci Denis. Belle découverte apparemment !
RépondreSupprimerJ'adore ce genre d'histoire! Merci <3
RépondreSupprimerdans la mer du silence, ne flotte que des poissons morts.
RépondreSupprimermerci pour ta chronique , très tentée encore, par ces maudits mots non dits, et ce lent poison du secret, C'est juste ma tasse de thé.