La révolte de Clara
Dupont-Monod aux Éditions Stock
Le roman s’ouvre sur un entretien entre Aliénor et ses trois
fils. Pour Henri, Richard Cœur de Lion et Geoffroy, le moment est d’importance,
solennel. Aliénor est une femme éduquée, chose rare à l’époque, une femme de
peu de mots. Elle respecte trop le verbe pour l’utiliser à tort et à travers, même
avec ses enfants. La Duchesse d’Aquitaine et Reine d’Angleterre a une mission à
leur confier : renverser leur père : Henri II Plantagenet.
Après dix-neuf ans de mariage, Aliénor est en colère. La
parole d’Henri n’a pas été respectée. Elle devait rester maîtresse chez elle en
Aquitaine, mais Henri ne lui laisse que des miettes.
« La colère de ma
mère est d’une autre nature. Les trahisons l’ont grandie. D’élan, elle est
devenue force. Elle a planté ses crocs si profond dans sa mémoire qu’elle est
devenue caillou. La colère n’irrigue plus le corps, elle se concentre sur le cœur
et sa fonction première : cogner pour respirer. Comme je voudrais avoir la
même ! Elle fabrique des vengeances en forme d’honneur. Pour Aliénor, la
haine est une colère qui vieillit bien. »
Malgré le soutien de son ex-mari, Louis VII, roi de France,
la révolte tourne court. L’armée d’Aliénor est défaite et elle restera
emprisonnée pendant quinze ans. Mais elle n’a pas dit son dernier mot. Dans ce
grand jeu d’échecs qu’est la politique, elle place ses pions.
Clara Dupont-Monod nous présente Aliénor d’Aquitaine à
travers les yeux et les mots de son fils, Richard Cœur de Lion. Il nous raconte
une femme éduquée, intelligente, forte, froide. Une féministe avant l’heure. Une
reine qui entend régner et ne pas limiter son rôle à celui d’une pourvoyeuse de
territoires et d’incubatrice d’héritiers. Un personnage moderne qui a pesé sur
le monde de son temps.
Aliénor, malgré la défaite, est une fine politique. Mécène
avisée elle utilise les troubadours, les poètes de l’époque pour entretenir sa
légende, pour que la flamme de la révolte ne s’éteigne pas.
« Nous
réparerons. « Relève ce qui est détruit, conserve ce qui est debout. »
Je n’ai pas renversé ton père, c’est vrai, mais j’ai gagné la guerre des mots.
Il y a la prophétie dont je t’ai parlé. Mais d’autres textes portent ma trace.
Les chansons, les poèmes, les livres que j’ai initiés ou inspirés sont les
témoins de ma victoire. Mon armée, ma vraie, celle qui passe les siècles et ne
plie devant personne, c’est la littérature. Le Plantagenêt peut bien roucouler
avec Rosemonde, violer Aélis et enfermer sa femme… Les temps retiendront les
pages que j’ai fait écrire. J’ai nourri, abrité, encouragé les poètes. Je leur
ai commandé des histoires qui me survivront, comme on lâche un oiseau. On le
perd de vue mais on sait qu’il traversera les pays. »
Je vous recommande fortement la lecture de ce passionnant
roman qui met l’accent sur la psychologie d’Aliénor. Une femme de pouvoir en
avance sur son temps. Un récit que j’ai dévoré tant j’ai été impressionné par
la superbe plume de Clara Dupont-Monod.
« Voilà, Richard,
pourquoi j’estime la foi et déteste la religion. La première grandit l’homme,
la seconde l’affole. La foi est une valeur intime. Et l’intime, par définition,
n’est pas une question collective. Il n’y a que la religion pour décider qu’une
croyance personnelle, profonde et secrète, doit sortir du cœur et se muer en
système de régence. L’hérésie, elle est là. Lorsqu’on décide qu’un sentiment deviendra
texte de loi. Alors, seule la religion peut faire passer des atrocités pour des
bienfaits. »
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