Quand Dieu boxait en
amateur de Guy Boley aux éditions Grasset
Quand un père décède, pour ses enfants, c’est un monde qui s’éteint,
celui de l’enfance.
Avec Quand Dieu boxait en amateur, Guy Boley rend un vibrant
hommage à son père disparu. Mais qui était ce père ?
René, le père de l’auteur est né à Besançon, dans le même hôpital
où il mourra, trois étages plus bas. Élevé seul par sa mère, veuve, René n’a qu’un
ami, Pierrot. Ils sont inséparables. Leur territoire de jeux, c’est le dépôt
ferroviaire, au milieu de locomotives en réparation et de wagons mis au rebut.
Tous deux passent leur temps plongés dans les livres. René voue une passion au dictionnaire tandis que Pierrot est féru de mythologie. Ce goût pour les mots
désespère la mère de René. Elle décide de le mettre à la boxe.
« Ça fait les
hommes, la boxe, affirme sa mère. Tout comme la gnôle, les tranchées, l’enclume
ou le pas de l’oie. C’est pour ça qu’elle l’a inscrit au club, afin qu’il
entre, en costaud, dans le troupeau des mâles, qu’il accède à l’âge adulte en
gentleman couillu. Sa plus grand peur est que son fils devienne quelqu’un d’efféminé.
Elle sait que les gamins du quartier lui mettent parfois des baffes et que lui,
indolent, ne répond jamais. Il faudrait qu’il sache faire la différence entre
gentillesse et faiblesse. Mettons-le à la boxe, se dit-elle, ça lui apprendra,
dans un premier temps sinon à frapper, du moins à esquiver. Le reste finira par
suivre. »
Très tôt, René doit aller travailler. Il sera forgeron. Un
salaire de plus ce n’est pas du luxe. Pierrot quant à lui a rencontré Dieu, il
va au séminaire.
Adultes, malgré leurs trajectoires différentes, René et
Pierrot restent inséparables. Même si René ne s’adresse plus à son ami qu’en l’appelant
Monsieur l’Abbé. Pierrot passionné de théâtre décide d’offrir à René, devenu
champion de France de boxe amateur, le rôle principale dans sa pièce de théâtre :
La Passion de notre Seigneur Jésus Christ. Il sera Jésus pendant dix ans. Ce rôle
accentuera encore le statut de star locale de René.
Qu’en est-il des relations entre René et son fils. Enfant, l’auteur
admirait son père « ce héros », cet être virevoltant qui après le
travail organisait des dîners opérette où il poussait la chansonnette
accompagné de sa femme. Pour lui, Jésus c’est son père et chaque année lors de
la représentation théâtrale, il souffre à la mort du Christ et revit quand il ressuscite.
À l’adolescence et à l’âge adulte, l’admiration béate laisse la place au
mépris.
« Il était
pourtant beau, mon père, et ce jusqu’à la fin. J’aurais dû m’en souvenir quand
il s’est mis à boire et à déchoir. Plutôt que de le mépriser. Ingérence d’Œdipe
ou méfaits de mon propre alcoolisme, je ne parvenais plus à le voir autrement
qu’en double et ne choisissais de lui que son mauvais côté. J’aurais dû rester,
ou redevenir l’enfant aux yeux de braise, extasié et muet face au ring, à la
scène ou la forge. J’aurais dû l’aider quand il fuyait de partout, ramasser sa
couronne, sa ceinture, l’auréole, poser le tout en vrac sur sa tête de Roi, me
mettre à ses genoux et réciter la liste de ses nombreux bienfaits. »
Quel bel hommage rendu à un fils par son père. Quand Dieu boxait
en amateur est un superbe livre où saigne encore la blessure causée par cette
distance qui s’était creusée entre l’auteur et son père. La style de Guy Boley
est plein de sincérité, de force, de tendresse, parfois de cruauté. Pour
paraphraser Mohamed Ali décrivant son style de boxe, ses mots volent comme le
papillon et piquent comme l’abeille. Ils font mouche !
« Car c’était
lui, mon père, qui fut tout à la fois mon premier homme, ma première parole, ma
première étincelle et ma première aurore. »
Un grand merci à Guy Boley pour ce bouleversant moment de
lecture. Merci aussi à Netgalley et aux éditions Grasset de m’avoir permis de
découvrir ce bijou.
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