Sukkwan Island de David Vann aux éditions Gallmeister

C'est un homme instable qui s'installe avec son fils sur cette île pour vivre ni plus ni moins comme les trappeurs. Un homme qui se pose des questions sur sa vie, sur son passé d'homme à femmes qu'il regrette. Il veut s'amender renouer contact avec son fils, en communion avec la nature. Mais la tension est palpable entre cet homme qui semble incapable de se tenir à une décision, incapable de finir ce qu'il a commencé en prévision du rude hiver qui les attend, et son fils venu presque à contre-coeur pour faire plaisir à son père qu'il sait fragile. Un père qui le jour paraît sûr de lui et passe ses nuits à pleurer.
"Ses sanglots repartaient de plus belle, mi-pleurs, mi-cris. Ils pouvaient se déclencher n'importe quand , ils avaient une volonté propre, et si pleurer était censé soulager, ce n'était pas le cas pour lui. C'étaient des sanglots terrible, de ceux qui blessent et qui transforment tout en une épreuve de plus en plus insupportable, et s'ils lui faisaient passer le temps, ils semblaient à chaque fois ne plus vouloir s'arrêter."
Au fur et à mesure que l'histoire avance un terrible huis-clos s'installe entre le père son fils. Un huis clos amplifié par cette nature qui isole, qui étouffe, qui effraie. Une nature qui catalyse, qui met en exergue le caractère des hommes, leurs peurs, leurs insuffisances, leurs fragilités.
"A travers la ramure des arbres, il aperçut quelques étoiles pâles, mais bien plus tard, après que le ciel se fut découvert. Il avait froid et il frissonnait, son coeur battait toujours, la peur s'était ancrée plus profond, s'était muée en une sensation de malédiction, il ne retrouverait jamais la route vers la sécurité, ne courrait jamais assez vite pour s'échapper. La forêt était horriblement bruyante, elle masquait même son propre pouls. Des branches se brisaient , chaque brindille, chaque feuille se mouvait dans la brise, des choses couraient en tous sens dans le sous bois, des craquements bien plus lourds aussi, un peu plus loin, sans qu'il sache vraiment s'il les avait entendus ou imaginés. L'air de la forêt était épais et lourd, il se fondait dans l'obscurité comme s'ils ne faisaient qu'un et se ruait sur lui de tous côtés.
J'ai ressenti cette peur tout ma vie pensa-t-il. C'est ce que je suis."
Sukkwan Island est un roman noir, lourd, pesant, on se sent étouffé autant par cette forêt omniprésente que par cette tension psychologique entre les personnages. Un roman si noir qu'on a par moments envie de le poser, de l'abandonner, mais l'auteur réussi ce tour de force de rendre son texte si fascinant, qu'on ne peut plus le lâcher une fois commencé. A lire absolument même s'il faut parfois s'accrocher.
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