lundi 22 octobre 2018

La révolte



La révolte de Clara Dupont-Monod aux Éditions Stock


Le roman s’ouvre sur un entretien entre Aliénor et ses trois fils. Pour Henri, Richard Cœur de Lion et Geoffroy, le moment est d’importance, solennel. Aliénor est une femme éduquée, chose rare à l’époque, une femme de peu de mots. Elle respecte trop le verbe pour l’utiliser à tort et à travers, même avec ses enfants. La Duchesse d’Aquitaine et Reine d’Angleterre a une mission à leur confier : renverser leur père : Henri II Plantagenet.

Après dix-neuf ans de mariage, Aliénor est en colère. La parole d’Henri n’a pas été respectée. Elle devait rester maîtresse chez elle en Aquitaine, mais Henri ne lui laisse que des miettes.

« La colère de ma mère est d’une autre nature. Les trahisons l’ont grandie. D’élan, elle est devenue force. Elle a planté ses crocs si profond dans sa mémoire qu’elle est devenue caillou. La colère n’irrigue plus le corps, elle se concentre sur le cœur et sa fonction première : cogner pour respirer. Comme je voudrais avoir la même ! Elle fabrique des vengeances en forme d’honneur. Pour Aliénor, la haine est une colère qui vieillit bien. »

Malgré le soutien de son ex-mari, Louis VII, roi de France, la révolte tourne court. L’armée d’Aliénor est défaite et elle restera emprisonnée pendant quinze ans. Mais elle n’a pas dit son dernier mot. Dans ce grand jeu d’échecs qu’est la politique, elle place ses pions.

Clara Dupont-Monod nous présente Aliénor d’Aquitaine à travers les yeux et les mots de son fils, Richard Cœur de Lion. Il nous raconte une femme éduquée, intelligente, forte, froide. Une féministe avant l’heure. Une reine qui entend régner et ne pas limiter son rôle à celui d’une pourvoyeuse de territoires et d’incubatrice d’héritiers. Un personnage moderne qui a pesé sur le monde de son temps.

Aliénor, malgré la défaite, est une fine politique. Mécène avisée elle utilise les troubadours, les poètes de l’époque pour entretenir sa légende, pour que la flamme de la révolte ne s’éteigne pas.

« Nous réparerons. « Relève ce qui est détruit, conserve ce qui est debout. » Je n’ai pas renversé ton père, c’est vrai, mais j’ai gagné la guerre des mots. Il y a la prophétie dont je t’ai parlé. Mais d’autres textes portent ma trace. Les chansons, les poèmes, les livres que j’ai initiés ou inspirés sont les témoins de ma victoire. Mon armée, ma vraie, celle qui passe les siècles et ne plie devant personne, c’est la littérature. Le Plantagenêt peut bien roucouler avec Rosemonde, violer Aélis et enfermer sa femme… Les temps retiendront les pages que j’ai fait écrire. J’ai nourri, abrité, encouragé les poètes. Je leur ai commandé des histoires qui me survivront, comme on lâche un oiseau. On le perd de vue mais on sait qu’il traversera les pays. »

Je vous recommande fortement la lecture de ce passionnant roman qui met l’accent sur la psychologie d’Aliénor. Une femme de pouvoir en avance sur son temps. Un récit que j’ai dévoré tant j’ai été impressionné par la superbe plume de Clara Dupont-Monod.

« Voilà, Richard, pourquoi j’estime la foi et déteste la religion. La première grandit l’homme, la seconde l’affole. La foi est une valeur intime. Et l’intime, par définition, n’est pas une question collective. Il n’y a que la religion pour décider qu’une croyance personnelle, profonde et secrète, doit sortir du cœur et se muer en système de régence. L’hérésie, elle est là. Lorsqu’on décide qu’un sentiment deviendra texte de loi. Alors, seule la religion peut faire passer des atrocités pour des bienfaits. »


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