mardi 19 mai 2015

L'importun




L'importun d'Aude Le Corff aux éditions Stock


   La naissance d'un deuxième enfant, le désir de s'éloigner du stress de la grande ville, poussent la narratrice et son mari à chercher une maison en Province. L'occasion se présente quand deux soeurs décident de vendre la maison familiale. Leur père ayant une santé fragile a été placé en maison médicalisée. Le déménagement s'organise. Il y a des travaux à faire, la cave à vider des outils et des souvenirs du vieil homme, mais tout ça peut bien attendre. Peu de temps après leur emménagement, la narratrice, écrivain de thrillers, a la désagréable surprise de voir entrer chez elle le vieil homme. Toujours en possession de sa clé, il arrive sans prévenir, n'adresse quasiment pas la parole à la nouvelle propriétaire de sa maison si ce n'est pour lui préciser qu'il est chez lui ou pour lui faire des reproches.


   La narratrice n'a pas le coeur de signaler ces visites indésirables à son mari. Il déciderait de changer la serrure mettant fin aux allées et venus du vieillard. Elle est agacée par ses visites mais n'a pas la force de priver l'ancien propriétaire des lieux de ces moments d'évasion, il doit tellement s'ennuyer entre les quatre murs de sa chambre médicalisée, lui qui était habitué à passer son temps dans le jardin ou dans son atelier à la cave. Petit à petit nos deux personnages principaux s'apprivoisent et le dialogue devient possible. Ils vont se parler de leurs blessures. Des blessures d'enfance qui ont du mal à cicatriser. Des blessures liées à la relation au père : l'absence, la violence. Ils vont peu à peu se confier, se décharger un peu du fardeau du passé. L'importun devient important.


  Dans ce roman, il est question des cicatrices laissées par l'enfance, de ces marques que l'on n'oublie pas et qui conditionnent notre vie d'adulte. La narratrice et le vieil homme se comprennent car ils reconnaissent en l'autre cette souffrance. Tous deux avaient trouvé leur refuge : pour lui la nature et sa maison (surtout son atelier à la cave),  pour elle l'écriture. Mais qui de mieux qu'une personne qui a vécu les même douleurs que vous pour vous comprendre pour se comprendre soi-même, pour enfin pardonner ?


   "Guy me fuyait, maintenant il recherche ma présence. C'est mon sale caractère, dit-il, qui a tout foutu en l'air. Il craint d'avoir été aussi égoïste que mon grand-père, aussi nerveux et dépressif que mon père. Il creuse en moi à coups de pioche pour y chercher un peu d'espoir et de lumière. Il m'étudie comme un rat de laboratoire, il aimerait isoler mes blessures, les effets exacts du comportement de mon père sur ce que je suis devenue, mon épanouissement et mes états d'âme. Et c'est son propre procès qui se déroule sous ses yeux."


  Après Les arbres voyagent la nuit, j'ai retrouvé avec plaisir la plume d'Aude Le Corff. Comme dans son précédent roman elle décortique les relations familiales, les non-dits, les remords. Les deux personnages principaux, blessés par leur enfance sont très attachants. L'importun est un roman touchant porté par la plume sensible, sincère et poétique d'Aude Le Corff. Un excellent moment de lecture.


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