dimanche 3 avril 2016

Souvenirs de lecture 33 : Jean-Marie Palach



Souvenirs de lecture 33 : Jean-Marie Palach



Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d’où on était quand on les lisait, du temps qu’il faisait. Il m’a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d’écrire. Aujourd’hui c’est Jean-Marie Palach qui me fait l’honneur de répondre à mes questions. Je le remercie pour son  temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?

JMP : C’est difficile de faire un choix, beaucoup de livres m’ont à l’époque séduit. J’étais un gros lecteur, avec une forte inclination pour la poésie. Pendant toute mon enfance, j’ai entendu ma mère réciter des poèmes entiers, j’ai à mon tour été sensible à leur musicalité et aux émotions particulières qu’ils véhiculent. Mais j’aimais aussi les romans. J’en citerai deux, qui ont en quelque sorte encadré mon adolescence.
Le premier « Grappin d’or », de Jean Ollivier, décrit les aventures d’un garçon de Saint-Malo qui embarque sur un navire de corsaire et devient lui aussi un fameux marin. J’ai dû lire ce roman à douze ans. Il m’a fasciné, je me suis identifié au héros et j’ai bourlingué avec lui sur l’Atlantique, conquis des citadelles portugaises au Brésil, lutté au corps-à-corps après un abordage et foulé des terres auparavant inconnues des Occidentaux. Jean Ollivier a disparu de la mémoire collective. Pourtant, il a écrit de nombreux ouvrages remarquables, en particulier sur les Vikings. Ils m’offraient du dépaysement, une ouverture sur le monde, des peuples aux mœurs différentes, des paysages magnifiques, le tout avec un zeste d’aventures et de sentiments.
Le deuxième « L’attrape-cœurs » de J.D. Salinger, m’a cueilli a froid vers quinze ou seize ans. A  l’époque, je lisais plutôt les grands romans du dix-neuvième siècle. Salinger m’a projeté dans le vingtième siècle en exprimant parallèlement les doutes d’un adolescent qui correspondaient pour partie à mes interrogations du moment. Le style n’avait rien à voir avec Hugo, Zola ou Jules Vernes. Jusque là, j’avais une conception classique de l’écriture, au moins lorsqu’il s’agissait de romans. La poésie d’Appolinaire m’avait montré qu’on pouvait jouer avec les mots. Mais l’écriture de Salinger a été une révélation. Elle colle parfaitement à l’état d’esprit du personnage qui s’exprime à la première personne. Bref, ce roman m’a passionné à plusieurs titres. Ensuite, Boris Vian, Raymond Queneau et d’autres m’ont confirmé les infinies possibilités de l’assemblage des mots.



LLH :En quoi ces livres ont-ils une influence sur votre désir d’écrire ?

JMP : Ils sont surtout des références. J’aimerais qu’un de mes romans produise un jour un effet équivalent à celui que j’ai ressenti en les lisant. Ils sont des exemples d’une alchimie réussie entre les histoires et les émotions que veut transmettre l’auteur et le moyen - les mots - utilisé, peut-être même au-delà de ce que l’auteur lui-même avait souhaité, si on en juge par ce qu’est devenu J D Salinger après le succès de son roman.  Donc, je ne suis pas certain qu’ils aient eu un rôle prépondérant dans mon désir d’écrire.  En revanche, ils ont sans doute une influence sur ma manière d’écrire. Pour l’anecdote, j’ai écrit l’an dernier un roman pour la jeunesse dont le héros ressemble furieusement à celui de Grappin d’or. C’est peut-être une façon de remercier Jean Ollivier de m’avoir fait rêver.  


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de cœur ?

JMP : J’ai adoré « La fin de l’innocence » de Megan Abbott. L’histoire se déroule dans une banlieue tranquille du Midwest dans les années 80. Une gamine de 13 ans est enlevée par un voisin nettement plus âgé, père de famille, rangé, a priori sans problème. Sa meilleure amie raconte les réactions de la famille et du quartier, au fur et à mesure que l’enquête progresse. Le roman adopte volontairement un rythme lent, il est un brin subversif, le lecteur n’est pas certain qu’il s’agisse véritablement d’un enlèvement, la victime était probablement consentante. Le drame secoue les protagonistes et remet en cause des relations qui paraissaient bien établies. Comme la narratrice a elle aussi 13 ans, les bouleversements auxquels elle assiste et qu’elle décrit surviennent alors qu’elle ressent intimement des changements profonds, d’où le titre du livre. J’ai aimé ce roman. L’auteur réussit à nous captiver avec très peu d’action, tout est dans la finesse de l’évocation psychologique, c’est un tour de force.



Biographie

Né à Montauban, Jean-Marie PALACH ne passe que sept années dans la ville natale d'Ingres et de Bourdelle, mais aussi d'Olympe de Gouges. Peut-être a-t-il puisé dans l'histoire merveilleuse et tragique de la jeune femme une admiration pour le sexe dit faible, qui l'a incité à créer des héroïnes à la forte personnalité, indépendantes de caractère et parées de qualités exceptionnelles.

À sept ans, cap sur la Capitale, du moins une banlieue de classes moyennes, où les immeubles et les pavillons récents ont inexorablement remplacé les cabanes de jardin et les WC équipés de lunettes en bois. Le matin, la plupart des habitants foncent à la gare, direction Paris, d'où ils reviennent le soir, dans l'attente d'un week-end salvateur. Toutes ces existences ballotées sont un formidable matériau pour des œuvres futures.
Après le bac, Jean-Marie étudie cinq ans dans une école d'ingénieurs à Toulouse. Diplôme en poche, il entre dans l'administration, puis réussit le concours d’entrée à l’ENA et  poursuit aujourd'hui sa carrière à l’inspection générale des affaires sociales à Paris.
Jean-Marie est venu à l'écriture par les concours de nouvelles. Il a remporté le premier concours auquel il a envoyé un texte et sa nouvelle a été publiée. D'autres succès ont suivi. Encouragé par ces résultats, il a rédigé son premier roman, La Conjuration des masques, en conservant dans cet exercice la densité et la vivacité propres aux textes courts. Le roman est publié en 2012 Par Corsaire éditions. Quatre autres ont suivi : Retour aux sources (Corsaire éditions 2014) ; Souvenirs envolés (Corsaire éditions 2014), le théorème de l’uppercut (Daphnis et Chloé 2015), Du sang sur le tapis rouge (Corsaire éditions 2016).

Encore un grand merci à Jean-Marie Palach pour son temps et sa gentillesse.

Jean-Marie a publié en 2015, chez Daphnis et Chloé, Le théorème de l’uppercut. Ce roman a fait l’objet d’une chronique sur le blog, en voici le lien : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2016/03/le-theoreme-de-luppercut.html

1 commentaire:

  1. merci le HIbou pour ce portrait , longue et belle route Jean Marie, ce théorème est très séduisant

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