Concours pour le Paradis
de Clélia Renucci aux Éditions Albin Michel
Venise,
le 20 décembre 1577. Un terrible incendie ravage le Palais des Doges. Seul un
orage providentiel parvient à sauver la structure de la bâtisse mais les dégâts à
l’intérieur sont importants. La Salle du Grand Conseil est particulièrement
touchée. Son joyau, l’immense fresque Le Paradis, est dévorée par les flammes.
Un
concours est organisé pour remplacer ce chef-d’oeuvre qui faisait la gloire de
la république vénitienne. Cinq artistes sont nommés : deux grands noms,
Tintoret et Véronèse, un peintre reconnu, Zuccaro et deux jeunes peintres prometteurs, à peine sortis
de l’atelier paternel, Palma le Jeune et Bassano.
Le
tableau devra être à la gloire de Venise, au faîte de sa puissance après la
victoire conte les ottomans à Lépante, mais aussi respecter les canons religieux
édictés par le concile de Trente. L’Inquisition veille. Il faudra aussi ménager
Rome, la grande rivale pour ne pas attiser les tensions.
Le
tableau ne sera achevé et exposé à l’admiration du public que le 7 mai 1592
soit 15 ans après l’incendie.
La
première partie du roman traite de l’organisation du concours, des dissensions
entre les conseillers de la commission d’organisation. Les concurrents se
mettent au travail, ils doivent proposer leurs esquisses. L’auteur met l’accent
sur la rivalité entre les deux figures tutélaires de l’art vénitien : Le
Tintoret et Véronèse. Deux personnalités bien différentes. Le Tintoret est un
personnage bougon, bourru tout entier consacré à son art. Véronèse, quant à
lui, est un artiste de génie mais plus dilettante, un mondain. Entre ces
deux-là, tous les coups sont permis.
«Ce qui l’amusait le plus, c’était que le maître
du clair-obscur ne pourrait jamais l’accuser de plagiat, ou il lui faudrait
admettre avoir concouru avec une esquisse vieille de dix ans.
Ce genre de raisonnement digne de
Machiavel plaisait à Véronèse qui, en plus d’avoir une âme d’artiste, possédait
celle du plus roué des courtisans. Que la République crie au génie pour un
faussaire et chasse l’honnête homme comme un paria, voilà à quoi voulait
désormais arriver Véronèse. »
La
deuxième partie nous montre tout le processus artistique, la réalisation du
tableau. L’auteure nous plonge dans les affres de la création. Les moments de
doute qui succèdent à l’euphorie. Elle nous montre tout le travail des
ateliers, celui des petites mains, des apprentis qui préparent la toile. La
création d’une telle œuvre est un travail d’équipe, même si seul le maître
apposera sa signature sur la toile.
En
refermant ce livre, je n’ose imaginer la somme de documentation ingurgitée par
l’auteure. A l’image des différentes opérations réalisées par les apprentis des
ateliers de l’époque pour apprêter la toile, un vrai travail de romain. Que de
patience avant de voir l’œuvre finale prendre forme sur le papier. Un premier
roman passionnant, éblouissant qui nous plonge dans la vie des artistes de la
Renaissance à Venise.
Une
auteure à suivre.
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