Même le scorpion pleure de
Guy Rechenmann aux Éditions Cairn
Depuis son installation sur le Bassin d’Arcachon, Augustin
était devenu un ami proche, un père spirituel pour Anselme Viloc. Aujourd’hui,
notre flic de papier enterre celui qu’il aimait tant.
Augustin, marin pêcheur retraité, force de la nature à la
santé insolente, est mort subitement. Rupture d’anévrisme. Il n’aura pas
profité longtemps de sa retraite. Sa maison, le chalet Rousseau, Augustin l’avait
vendu en viager à un jeune homme qu’il appréciait. Il était ravi que celui-ci
prenne sa suite, même s’il n’était pas pressé de quitter ce monde. Le viager
aura été de courte durée.
À l’enterrement de son ami, Anselme est choqué par l’attitude
du nouveau propriétaire qui dissimule mal sa satisfaction et son sourire. Les
sens du policier se mettent en alerte. Il soupçonne quelque chose de louche. Il
fait part de ses doutes à son commissaire qui lui rit au nez. La mort est tout
ce qu’il y a de plus naturel. Comment tuer quelqu’un par rupture d’anévrisme.
Anselme ne lâche pas le morceau, il fait confiance à son intuition.
Le décès de ce père de substitution ravive en Anselme, sa
blessure originelle. Il ignore tout de sa naissance, de sa famille. Cette fois,
il ne peut plus repousser cette enquête très personnelle. Il a attendu trop
longtemps. Il est temps pour lui de découvrir ses racines. Cette recherche est
nécessaire à son équilibre. Mais pour cela, il a besoin de vacances.
« La recherche de
l’équilibre, ce maître mot qui, ajoutée à la volatilité de la vie, m’ordonne d’aller
fouiller à nouveau au risque de
rencontrer des monstres ou peut-être des fantômes. La quête de mon passé n’est
possible qu’en période de repos. La perte d’Augustin, un père spirituel, me
renvoie vers mon père naturel. Il est l’heure. Il me faut du calme, mais aussi
du courage. On habille toujours son ignorance par son imaginaire, on l’embellit.
J’ai attendu longtemps. Toute ma vie n’a été faite que de hauts et de bas, oh,
des petits hauts et des bas bien profonds. Maintenant ça y est, le regard des
autres ne m’effraie plus, je suis prêt à sauter dans le vide. J’ai un parachute
accroché dans le dos, je le sais et le temps n’est plus un problème. Il faut
que je sache. Winston Churchill disait : « Un peuple qui oublie son
passé n’a pas d’avenir », idem pour l’homme. »
Les démarches administratives d’Anselme pour découvrir ses
origines, ne donnent rien. Les documents relatifs à sa naissance semblent s’être
évaporés. Il doit trouver un autre moyen. Ses doutes concernant le décès d’Augustin
le titillent. Il s’en ouvre à David, son ami, le patron du restaurant L’Escale
où il a ses habitudes. Celui-ci lui révèle un cas similaire de viager express,
cette information confirme à Anselme son intuition. Il faut enquêter. Il met
Jérémy, son adjoint, sur le coup.
David recommande à Anselme de s’adresser à un astrologue
pour le guider dans sa recherche sur ses origines. Le thème astral qui lui fait
l’homme de l’art est bluffant mais ne répond pas à toutes les questions, c’est
une bonne base de travail. L’astrologue adresse Anselme à un thérapeute qui
pourra l’aider par un travail de régression à résoudre le mystère de ses
origines. Anselme est persuadé que la résolution de son enquête personnel
conditionne celle des viagers. Il en a l’intuition.
J’ai retrouvé avec plaisir Anselme Viloc, le flic de papier
ainsi que sa tribu : sa femme, sa fille, Jérémy son adjoint, David son
ami, et Lilly, cette petite fille au Q.I. de 180 rencontrée dans le premier
volet des aventures d’Anselme, qui sait si bien secouer le policier.
Ici, pas de coups de feu à tous les coins de rues, pas de
courses poursuites interminables, pas d’hémoglobine. Anselme Viloc est un
observateur, un contemplatif. Oh, bien sûr il passe du temps sur le terrain,
mais ses enquêtes il les résout en mettant les pièces du puzzle en ordre, bien
à l’aise dans son transat face au Bassin d’Arcachon. Heureusement qu’il a Lilly
pour le pousser dans ses retranchements, pour le forcer à agir. De contemplatif
il devient contemplactif.
J’aime les romans policiers de Guy Rechenmann, tout en
finesse, tout en introspection, en monologues intérieurs. Des romans pleins de
poésie et de psychologie. Même le scorpion pleure est le quatrième volet des
enquêtes d’Anselme Viloc. Il peut se lire indépendamment des autres mais je
vous recommande fortement toute la série.
Monsieur Rechenmann, je ne vous remercie pas, la lecture de
votre roman m’a fait veiller jusqu’à quatre heures du matin !
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