Souvenirs de lecture 29 : Norlane Deliz
Nous avons tous de ces lectures qui
nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust :
on se souvient d’où on était quand on les lisait, du temps qu’il faisait. Il m’a
semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que
nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d’écrire. Aujourd’hui
c’est Norlane Deliz qui me fait l’honneur de répondre à mes questions. Je la
remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.
LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus
touché et pourquoi ?
ND : J'aime les livres depuis toujours. Je suis passée
tranquillement des albums d'enfance aux livres de la bibliothèque rose, verte,
rouge et or - héritage de famille comme La famille HLM (série moins connue de
Paul-Jacques Bonzon), Alice, Les six compagnons, Puck) - et quand j'ai fait le
tour de la partie « jeunesse » de la bibliothèque de village, j'ai eu
l'autorisation de migrer côté adultes et j'ai pioché mes lectures dans les
rayons : des romans qu'on dit populaires avec des auteurs comme Sabatier,
Joffo, et bien d'autres dont j'ai oublié le nom. J'ai une tendresse
particulière pour Juliette Benzoni (Les dames de l'Orient-Express et la série
des Fiora) et pour Janine Boissard. La découverte de L'esprit de famille vers
15 ans marque le début de mon chemin d'écriture, avec la découverte de Verlaine
au collège.
LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre
désir d'écrire ?
ND : J'écrivais avant (rédactions à l'école et poésies enfantines)
mais lorsque j'ai découvert Pauline – qui devient écrivaine - et Cécile, deux
personnages de L'esprit de famille, je me suis dit « et si moi aussi
j’écrivais mon livre ? ». Ce n'est pas que ça avait l'air facile mais
les héroïnes de Janine Boissard vont au bout de leurs rêves malgré les
difficultés. Elles deviennent qui elles sont. Je n'osais pas rêver de devenir
écrivain mais je savais qu'il y avait en moi ce désir profond de l'écriture,
celle qui permet de partager ce qu'il y a en nous et de donner des émotions à
un lecteur.
Ado blessée, j'avais une histoire à raconter : la
mienne. Je me suis lancée, consciente que ça n'allait pas être simple d'écrire
une histoire en train de se vivre… Ma bouche tordue est né une dizaine
d'années après, un récit de vie avec des poèmes à l'intérieur parce que la
poésie... c'est dans mes gènes !
Dans mes influences, il y a donc aussi des poètes. Après
Maurice Carême, Prévert, les poésies de l'école, que je n'aimais pas réciter
mais que j'aimais lire (ah, le recueil Premiers poèmes, avec ses belles
illustrations d'animaux, éditions France Loisirs, que j'ai eu à 9 ou 10
ans !), le collège m'a fait découvrir Verlaine avec Soleils couchants et
« Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville » qui a
inspiré un de mes premiers poèmes d'adolescente, Partir, qui est dans mon
témoignage. Le poète est resté ma référence, ce n’est donc pas un hasard si
Verlaine est présent dans mon premier roman…
LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de
coeur ?
ND : Deux livres arrivés jusqu'à moi par le hasard des ventes
comme la braderie solidaire de livres place Bellecour à Lyon ou le déstockage
de bibliothèque...
Les dieux ont soif d'Anatole France : j'ai été très
surprise de lire si facilement une histoire sur la Terreur post- Révolution
Française, écrite en 1912 par un auteur « classique (prix Nobel de
littérature) oublié ». on suit le destin d'un jeune homme épris d'absolu
qui au nom de valeurs érigées en Vérité abdique toute humanité : le culte
justifiant des actes aussi peu justifiables que la guillotine à tout va. Il y a
une résonnance moderne surprenante… Peut-être parce qu’Anatole France a saisi
ce qui ne change pas dans le monde : les agioteurs-profiteurs, les égos,
le pouvoir, les questions de religion et de laïcité, les débats politiques
entre les modérés et ceux qui trouvent qu'ils sont trop mous, et même la
liberté des femmes ?
L'un des nôtres de Willa Carter m'a surprise de la même
manière. Prix Pullitzer en 1922, ce livre a gardé une force moderne. Un jeune fermier américain, fils d'un riche
propriétaire, peine à trouver sa place dans la société pragmatique dans
laquelle il est né. Ayant soif de culture et d'idéalisme, il trouvera à se
réaliser dans l'engagement pour la France lors de la 1ère guerre mondiale. Ce
livre aux belles descriptions fait voir la guerre de 14-18 du côté des
États-Unis, avec les propriétaires
terriens et les immigrés d'origine allemande, et aborde le sujet de l'engagement
américain, moins connu que celui de la guerre d’après.
Biographie
Lyonnaise trentenaire,
amoureuse de la vie, je trace mon chemin en semant des mots et des couleurs, au
gré des envies et des rencontres. Blessée à 12 ans par une cavernomatose qui bouscule
mon destin en me laissant une paralysie faciale et des douleurs handicapantes, je
commence par le témoignage avec Ma bouche tordue (éditions du Manuscrit, nov.
2006). Je continue en poésie la question du corps avec l’érotisme léger de
Cajoleries aguicheuses (éditions du Manuscrit, 2009), la question de l’identité
et de la vie qui se construit avec Le cœur capitaine d’une funambule
(autoédition, 2010) auquel j’ajoute des collages, autre moyen d’expression. Je
participe à quatre reprises à la revue Etoiles d’Encre des éditions Le
chèvrefeuille étoilée. Je suis mon désir d’une histoire qui se passerait à Lyon
et La voleuse devient mon 1er roman (éditions du Poutan, novembre
2015). Entre temps, un 3e recueil de poésie, Dire ma terre (Le
jardin de la rose bleue / UERA) est né. Rajoutons un certain nombre de
cartes-poèmes, des histoires jeunesse en attente… Point commun à tout
cela ? « Quand je serai grande, je serai enchanteresse ». Du
moins, j’essaie…
Encore un grand merci à Norlane Deliz dont je vous invite à
découvrir le superbe premier roman : La voleuse. Le titre de son roman
apparaît en couleur et dispose d’un lien vous permettant d’accéder directement
à ma chronique le concernant.
très sympathique cette nouvelle trouvaille, je vais aller voir ce qu'il en est de son livre , la voleuse, merci
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