L’arbre du pays Toraja
de Philippe Claudel aux éditions Stock
Le livre s’ouvre sur le voyage du narrateur, cinéaste sur
l’île de Sulawesi près de Bali. Sur cette île vit le peuple Toraja. Leur pays
est aussi appelé Terre des Morts. Il va y découvrir que pour ce peuple, la mort
est au centre de la vie, elle en est une partie intégrante, elle la rythme. Elle
est l’objet de rites particulièrement poétiques.
« Près d’un
village du pays Toraja situé dans une clairière, on m’a fait voir un arbre
particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques
centaines de mètres en contrebas des maisons. C’est une sépulture réservée aux
très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est
sculptée à même le tronc de l’arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d’un
linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de
tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme, gardant le
corps de l’enfant, dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors
peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme
patient de la croissance de l’arbre. »
A son retour en France, il apprend la maladie de son ami,
son presque frère, Eugène, son producteur. Son voyage et la nouvelle qu’il
vient d’apprendre, l’amènent à s’interroger sur la mort, sur la vie. Il en est
à la moitié de la sienne et voit ses amis, les membres de sa famille mourir peu
à peu. « Depuis quelques années la
mort m’encercle. »
Ce très beau roman nous interroge sur la mort, sur l’amitié,
sur l’amour. Que gardons-nous en mémoire de nos proches ? Comment faut-il
considérer la mort ? Comme nous, occidentaux qui jetons un voile pudique
sur elle, qui essayons de nous cacher d’elle comme si elle devait nous
oublier ? « Nous oublions notre condition passagère et
notre vie se passe sous le regard de celle qui ne nous oubliera pas . »
Ou comme les Toraja devons-nous en faire un centre de notre vie ? Le narrateur
en nous racontant ses souvenirs de son ami, lui rend un merveilleux hommage. Il
continue à le faire vivre par ses mots. « Le texte est devenu l’arbre du pays Toraja. »
Ce roman
philosophique, lumineux malgré son thème de départ, est un très bel hymne à la
vie, à l’amitié et à l’amour.
« Notre vie n’est
en rien une figure linéaire. Elle ressemble plutôt à l’unique exemplaire d’un
livre, pour certains d’entre nous composé de quelques pages seulement, propres
et lisses, recouvertes d’une écriture sage et appliquée, pour d’autres d’un
nombre beaucoup plus important de feuillets, certains déchirés, d’autres plus
ou moins raturés, pleins de reprises et de repentir. »
bonne idée, bali, que je connais assez bien, est un lieu de philosophie merveilleux, où l'ailleurs et la mort sont présents, merci
RépondreSupprimerTon avis me rassure lu d'autres blogs moins élogieux !
RépondreSupprimerBelle critique ! J'adore. Je suis presque à la fin du livre... Dommage !
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