mardi 29 mars 2016

Martin de La Brochette



Martin de La Brochette de Thierry des Ouches aux éditions Daphnis et Chloé


Martin de La Brochette se rêve boucher. Avec un nom pareil pas de plus beau métier. Seulement il doit annoncer son plan de carrière à sa famille et là il tombe sur un os, voire sur la carcasse entière.

Chez les de La Brochette, famille de la haute société versaillaise, hors de question de voir un de ses rejetons embrasser un métier manuel. Quand on naît dans cet milieu, on est destiné aux grandes écoles, aux plus hautes responsabilités.

Mais Martin n’en démord pas. Il s’est toujours senti à l’étroit dans cette famille. Si différent de ses frères et sœurs. Ce monde qui lui est imposé n’est pas le sien. D’ailleurs il fait tâche à la maison. Physiquement, même, il apparaît comme un intrus sur la photo. Martin veut vivre sa vie, il refuse le formatage imposé par son milieu social. Il veut déployer ses ailes, refuse des les voir clouées à la porte de son rêve par un interdit familial.

« Étonnamment, j’aime mon statut marginalisé à mon insu dès le plus jeune âge.
Mes frères et mes sœurs sont des « Copies ». Je me sens être « l’Original ». Pour rien au monde je n’aimerais être le portrait conforme de tous ceux qui se ressemblent déjà dans le ventre de leur mère, de tous ceux qui sont lancés à pleine vitesse sur les rails de la monotonie et de la conformité programmée, de tous ceux qu’aucun mystère n’habite. Faire les mêmes études que mon père, parler avec la voix de ma mère, penser avec le cerveau des deux réunis, ce sera sans moi. »

Dans cette satire sociale, Thierry des Ouches, nous montre les difficultés rencontrées quand on souhaite sortir de son milieu, les états d’âmes de ceux qui n’osent franchir le pas et vivre leurs rêves. Il croque avec gourmandise les travers de la haute société versaillaise qui ne vit que par et pour les apparences. Les personnages semblent assez caricaturaux, mais est-ce vraiment le cas ?  Ce n’est pas gênant bien au contraire, on se laisse emporter par la verve de l’auteur, par son style jubilatoire. J’ai dégusté ce roman comme on savoure une pièce de boucher, taillée avec soin, cuite juste comme il faut. Un roman qui a un goût de revenez-y auquel je compte bien succomber très prochainement.


« Moi, ma vie, je veux l’écrire en couleur, en clair-obscur, dans des pastels de rouille aux teintes chaudes et râpeuses. Mon frère aîné et ma sœur ne cherchent pas à écrire leur vie, mais à reproduire celle qu’on leur a donnée en modèle, ce qui semble pleinement les satisfaire. Je suis vivant-vivant, eux sont des morts-vivants ; ce qui me réjouit, c’est qu’ils pensent le contraire. Comme quoi la nature est bien faite. »

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