jeudi 16 juin 2016

Tango tranquille



Tango tranquille de Verena Hanf aux éditions Le Castor Astral


Violette, bourgeoise vieillissante, vit seule dans son appartement de Bruxelles dont elle a hérité. Cet héritage lui a permis également de quitter son travail. Après une rupture amoureuse, Violette a décidé de vivre seule, d’éviter le plus possible le contact avec ses contemporains, famille ou amies. Ses sorties se limitent à ses courses et ses visites à celles de la  femme de ménage. Cette solitude, elle l’a choisie.

« N’avez-vous jamais pensé à tout laisser, délaisser, lâcher ? Vous libérer de toutes ces relations humaines lourdes d’un passé commun, chargées d’histoires remâchées, accommodées, rafistolées ? Couper les liens sociaux trop serrés, abandonner leurs nœuds, fuir un présent pesant ? Partir pour vivre seul, autre part, en inconnu ? Choisir votre rythme, seul maître de votre temps, seule conteuse de vos histoires ? Avouez-le, vous en rêvez aussi, de temps en temps, dans vos moments de lassitude en profondeur de puits, de grande fatigue, de bruits. Juste partir, claquer les portes ou les fermer en douceur. Respirer, revivre – libre et autonome. »

Enrique est un jeune Bolivien sans papiers. Il est venu tenter sa chance à Bruxelles, pour envoyer de l’argent à sa famille très pauvre. Il vit chez sa sœur et ça lui pèse. Il  lui paie un loyer, il n’est toléré que parce qu’il met du beurre dans les épinards du couple. Il en a assez de cette vie, il se sent seul, il vivote de petit boulot en petit boulot mais une fois le loyer payé et l’argent envoyé à sa famille il  ne lui reste plus grand chose.

« Avez-vous déjà été contraint de parler à vous-même ; juste pour entendre une voix qui s’adresse à vous gentiment ? Juste pour entendre des mots encourageants ? Juste pour vous dire, au petit matin, « Vas-y, lève-toi, relève-toi, tu la supporteras, cette solitude, tu t’y habitueras. Tu trouveras ton chemin vers les raisins à portée de main, tu les partageras avec ceux que tu aimes, avec ceux qui t’aiment, qui ne t’oublieront pas dans ton exil, en terre plate, froide, loin de la tienne. »

Ces deux êtres que tout sépare, l’âge, le milieu social, la couleur de peau, vont pourtant de rencontrer. Enrique va aider Violette à ramasser ses  pommes de terres échappées de son cabas. Pourtant elle avait fait un détour pour éviter ce jeune basané qui aurait pu en vouloir à son sac.

Ces deux solitudes, l’une « choisie », l’autre subie vont peu à peu s’apprivoiser. Violette va s’adoucir, fuir son train-train quotidien au contact du sourire lumineux d’Enrique. Elle va vouloir l’aider, lui rendre un peu de cette douceur qu’il lui a donnée par ce sourire. L’un et l’autre vont vivre cette rencontre comme un bouleversement positif.


Tango tranquille est un roman touchant, émouvant, tendre et drôle parfois. Un roman à deux voix qui nous permet de vivre cette histoire au plus près des personnages. D’entrer totalement en empathie avec eux. Un très beau roman plein d'espoir et d'humanité, porté par la plume poétique, à la fois acerbe et tendre de Verena Hanf.

« Que puis-je pour lui ? Lui filer un passeport ? Le protéger des policiers ? L’initier à la Belgique, aux bons côtés du pays ?  Le plat pays qui est le mien ? Tu sais, Enrique, il n’y a pas que les moules, les frites, la bière et les querelles linguistiques. Il y a aussi Brel, Bruges, les BD, l’Atomium, l’Art Déco, les Ardennes, les musées, Magritte, la mer du Nord, la Grand-Place, le chocolat Côte d’Or. Ridicule, Violette. Et d’ailleurs : qu’attendrais-je de lui ? Qu’il me fasse la conversation ? Qu’il ramasse mes pommes de terre ? Qu’il m’offre un sourire ? Qu’il soit ma Plume des Vents ? Mon enfant, le fils que je n’ai pas eu ? Oh Violette, dans quelle nouvelle dépendance t’es-tu embarquée ? »


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