Zazous de Gérard de Cortanze aux
éditions Albin Michel
Ils sont
une bande de jeunes entre 15 et 20 ans. Avant ils se retrouvaient tous les
jours au café de Jo mais les circonstances les ont obligés à arrêter de se
voir. Paris vient d’être envahi par les Allemands, nous sommes en juin 1940. Une
fois la stupeur passée, Josette, Pierre, Jean tous trois lycéens, Sarah la
coiffeuse, Marie la chanteuse et danseuse, Lucienne l’apprentie mannequin et
Charlie le trompettiste américain décident de se revoir. Il faut bien continuer
à vivre malgré l’occupation.
Ces jeunes
sont réunis par leur amitié et par leur amour du jazz et du swing. Comme
beaucoup de jeunes ils ont adoptés cette musique et l’accoutrement qui va avec.
Ils sont des zazous, ils ne vivent que pour le plaisir d’être ensemble et d’écouter
leurs musiciens favoris. Comme tout le monde, ils sont touchés par les
restrictions et par la poigne allemande qui se fait de plus en plus forte.
De juin
1940 à la Libération nous allons suivre cette bande de jeunes qui malgré les
coupures d’électricité, les rafles, la délation, le manque de nourriture, va
mettre un point d’honneur à essayer de vivre comme ils l’ont toujours fait. Ils
voient le swing comme une manière de vivre, comme un moyen de résistance à l’occupant. Ils vont devoir aussi protéger leur amie Sarah, qui est juive.
« Le zazou refuse l’ordre nouveau qui lui est
imposé. C’est une attitude politique qui dicte le comportement du zazou. »
« Le swing, c’est notre
musique. Et plus que cela encore. Le swing, c’est ce qui nous rassemble, nous
unit, nous les jeunes de cette guerre que nous n’avons pas voulue et qui nous a
entraînés au fond du gouffre. Et qui a bousillé notre jeunesse. Il faut bien qu’on
s’amuse, qu’on oublie tout ça jusqu’au prochain
drame qui va nous tomber dessus. »
Avec
Zazous, Gérard de Cortanze nous offre une radiographie passionnante de la vie
sous l’occupation à Paris à travers le prisme de ce mouvement. Des romans qui
traitent de la deuxième guerre mondiale, il y en a à foison, mais ce thème est
rarement abordé. Au départ, ces jeunes, ces doux-dingues paraissent bien
inoffensifs, superficiels, mais par leur résistance aux interdits, par leur
chahut lors des divertissements officiels, par leur présence aux
manifestations, leurs petits sabotages, ils vont vite devenir une épine dans le
pied de l’autorité allemande et de Vichy. Ces jeunes, rappelons qu’ils ont entre
quinze et vingt ans, vont au péril de leur vie, choisir de résister en
défendant leur façon de vivre, en luttant culturellement et politiquement contre
la présence allemande. Cette manière de résister débouchera d’ailleurs pour
certains sur un engagement dans les réseaux de résistance plus durs. Zazous est
un roman passionnant, dramatique, entraînant comme le swing, cette musique qui
trotte dans la tête, fait vibrer le
corps, taper du pied en rythme (les références musicales sont nombreuses et
pour vous plonger pleinement dans l’ambiance du roman, vous pouvez le lire en
écoutant ces morceaux). Il rappelle que la majorité des membres de la Résistance était des jeunes, des femmes, ce qu’on oublie souvent quand on voit
des films sur le sujet, dans lesquels, bien souvent, les héros sont campés
par des hommes murs. Je vous recommande vivement ce livre que j’ai dévoré.
« - Dites-moi, professeur, qu’est-ce-que le
swing pour vous ? demande Marie, en minaudant comme une élève studieuse.
Tout le monde dispose les tables du
café comme dans une salle de classe, faisant un brouhaha terrible. Jean se prête
au jeu, et sur un ton de vieux professeur chenu, la voix tremblotante rappelant
celle de Pétain, il commence son cours.
-Mes chers enfants, j’ai décidé de
faire don de ma personne au swing, car
le swing, comme la terre, ne ment pas. Et je hais les mensonges qui vous ont
fait tant de mal. Mais qu’est-ce-que le swing , Eh bien, le swing n’est pas une
portée musicale. C’est une cheminée coupée par un fakir dans le dernier coupon
de popeline laissé par le rationnement du textile. Le swing, c’est une jambe,
un mollet. Comme le mollet de Marie, on pourrait croire ce mollet sportif, mais
regardez-le bien, il est seulement swing. Une cravate peut être swing, aussi bien
rayée que mouchetée, mais la vraie cravate swing, c’est celle de Jo, râpée et
dirty. Un monsieur, prenez Charlie, peut très bien porter des bretelles rose
bonbon, et être swing, non comme une clarinette, mais sous le nom de Charles,
comme un saxophone. J’ajouterai qu’il y a une manière swing de découper le
poulet, et une manière swing de le manger, mais ça, ce sera pour plus tard,
quand les Boches seront partis. Le baiser, mesdames, comme celui que Charlie et
Lucienne se font quand nous ne sommes pas là, peut être swing, ou « déplorablement »
contre les règles du swing lorsqu’il est bâclé. Mais, mes chers enfants, votre
vieux professeur se sent fatigué et irai bien se coucher, alors je vais
terminer sur ces mots que je vous demande de méditer : les plus grands
admirateurs du swing ne savent pas comment définir l’objet de leur admiration.
C’est in-con-tes-ta-ble-ment ce qui en fait pour eux la beauté et la grandeur.
Et j’ajouterai ceci, avant cette fois d’aller vraiment me coucher :
Goebbels le Nabot a raison de craindre le swing. Le swing fait danser les gens
au lieu de les faire marcher au pas. Le swing les fait exulter au lieu de les
mettre au garde-à-vous ! Le swing symbolise la liberté. Niggerswing,
Swingbazillus, Judenswing ! Prout ! »
Sur cette
période je vous recommande également vivement, la lecture du roman de Carole
Declercq , Ce qui ne nous tue pas… http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/09/ce-que-ne-nous-tue-pas.html
Ce livre swing, c'est une jolie promesse de souvenirs et d'émotions, merci pour la lecture du hibou, à lire sans modération
RépondreSupprimerUn récit qui devrait me plaire autant pour l'époque que pour la musique et l'amitié, la "résistance". Je le note.
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