Le dernier amour d’Attila Kiss de Juilia
Kerninon aux éditions La Brune au Rouergue
Attila
Kiss, cinquante et un ans est un homme solitaire, revenu de tout, qui partage
son temps entre son travail de nuit dans une usine de foie gras et son
appartement, où il passe son temps à peindre tout et n’importe quoi, se
nourrissant de conserves. Sa vie semble derrière lui, il attend la mort en
tuant le temps. Après un passé tumultueux : il a été marié à la fille d’un
homme d’affaires mafieux, il a eu une maîtresse avec qui il a eu trois filles,
une vie qu’il a du fuir, il se retrouve à présent seul, « simplifié ».
« Il se trouva seul à pleurer dans l’immense espace qu’il avait
lui-même dépeuplé, plus seul que jamais auparavant, sans maison, sans femmes, sans enfants, seul au
monde dans la grande plaine. Disons le autrement, pensa-t-il quand il parvint à reprendre le dessus sur ses sanglots, en
se rappelant que c’est d’abord la langue qui cisèle la réalité. Disons que
je ne suis pas perdu, ni seul, mais que je suis à présent simplifié. Simplifié.
Ce fut le seul mot qu’il trouva alors
pour envelopper sa tristesse comme une brassée d’outils meurtriers dans une
couverture, et la cacher à sa vue. »
Autant dire
que rien ne disposait cet homme vieillissant à trouver l’amour. C’est à la
terrasse d’un café qu’il rencontre Théodora, une jeune femme de vingt-cinq ans.
Dès leur rencontre, l’attirance est palpable et ils ne vont plus se quitter.
Mais très vite Attila se pose beaucoup de questions. Comment a-t-il pu tomber
amoureux d’une autrichienne, une
représentante de ce peuple honni, responsable de tous les maux de la Hongrie.
Si encore c’’était une jeune femme de son milieu, mais non , Théodora
Babbenberg est un riche héritière. Comment Théodora peut-elle l'aimer ? Comment lui-même peut-il être amoureux d'elle ?
L’amour est
un combat. C’est ce que nous montre brillamment Julia Kerninon dans ce superbe
roman. Il y a d’abord le temps de la conquête, puis la guerre de territoires,
chacun tentant de préserver son espace vital, les escarmouches, puis les
traités de paix. Nous suivons toutes les étapes de cette guerre d’amour entre
Attila et Théodora. Le nom même d’Attila Kiss est à lui seul un résumé du
livre. Attila figure emblématique du combat et Kiss, le baiser, symbole de l’amour.
« C’est elle qui a fait ça, et elle seule.
Elle est venue, elle m’a conquis, petit à petit, centimètre par centimètre,
elle a gravi mes montagnes, traversé mes fleuves, franchi mes ponts, convaincu
mes interprètes, plié mes espions, déjoué mes pièges, trompé ma vigilance, et
elle a gagné ma guerre. »
Je ne peux
que vous conseiller de vous laisser conquérir par ce superbe roman. La plume
ciselée, à la fois sensible et forte de Julia Kerninon m’a ébloui. Foncez !!!
« Peut-être,
lorsque nous prononçons les mots histoire d'amour, croyons nous désigner ainsi
la qualité romanesque de nos affections, la façon dont nous pouvons les réduire
a posteriori à la banalité d'un récit - mais nous oublions alors que l'autre
sens du mot histoire signifie archive, mémoire, rappelant que les passions ne
sont pas seulement des fables, mais d'abord une succession de guerres gagnées
et perdues, de territoires conquis, annexés, puis brûlés, de frontières sans
cesse réagencées. En réalité, l'histoire d'un amour repose sur les défaillances
et les concessions, les enclaves protégées, les coups d'Etat, les caresses, les
victoires, les amnisties, les biscuits de survie, la température extérieure,
les boycotts, les alliances, les revanches, les mutineries, les tempêtes, les
ciels dégagés, la mousson, les paysages, les ponts, les fleuves, les collines,
les exécutions exemplaires, l'optimisme, les remises de médailles, les guerres
de tranchées, les guerres éclairs, les réconciliations, les guerres froides,
les bonnes paix et les mauvaises, les défilés victorieux, la chance et la
géographie. Lorsque deux individus se rencontrent et cherchent à entrer en
contact jusqu'à se fondre, cela commence toujours comme commence une guerre -
par la considération des forces en présence. »
brillantissime, ça me tente fortement, merci au hibou pour cette chronique et bravo à l'auteur
RépondreSupprimerà lire avec émotion