mercredi 25 mai 2016

Souvenirs de lecture 37 : Julia Kerninon


Souvenirs de lecture 37 : Julia Kerninon


Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d’où on était quand on les lisait, du temps qu’il faisait. Il m’a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d’écrire. Aujourd’hui c’est Julia Kerninon qui me fait l’honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH :Quels livres lus dans votre adolescence vous ont le plus touchée et pourquoi ?
           
            JK : Le plus important, c’était La Cave de Thomas Bernhard, le récit autobiographique de son expérience d’apprenti dans un magasin de condiments, ses phrases interminables et bouleversantes, et sa façon de répéter au début, je voulais aller dans le sens opposé. J’ai trouvé ça brillant, et c’était merveilleux d’apprendre qu’on pouvait écrire comme ça, en prenant autant d’ampleur, en construisant quelque chose avec un effet boule de neige, en répétant les mots parce qu’il faut les répéter pour les comprendre, et même en traduction on sentait la solidité de la langue allemande riche de verbes, et ça rendait tout si précis et émouvant. Et Bernhard est tellement hostile, il a tellement de raisons d’être hostile, et en même temps il est tellement fin. Pendant des années, ça me paraît incroyable, mais j’ai eu seulement ce livre-là de lui – même si c’était la meilleure chose que j’avais lue, je n’ai pas pensé à en chercher d’autre. Et puis, quand j’avais vingt-cinq ans, je vivais à Rome et j’ai vu Maîtres Anciens dans la devanture d’une bouquinerie, et c’était encore mieux que La Cave. C’est une splendeur. Il y a tout dans ce livre. On peut même le lire à voix haute tellement il est parfaitement écrit. C’est un peu bizarre, parce que je lis principalement des auteurs anglais ou américains, et je fais une thèse de littérature américaine, pourtant mon auteur préféré est un Autrichien.

LLH : En quoi ces livres ont-ils eu une influence sur votre désir d’écrire ?

            JK : Je ne crois pas que ça se soit passé comme ça. J’ai toujours écrit, même quand j’étais petite fille. Ce ne sont pas les livres que j’ai lus qui m’ont donnée envie d’écrire, ce sont les livres que j’ai vus, toute mon enfance, partout dans la maison de mes parents, les livres que je les ai vus lire, eux. Ça semblait la seule chose vraiment importante. 

LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de cœur ?

            JK : Il faut qu’on parle de Kevin, de Lionel Shriver. Je l’ai lu en une journée l’hiver dernier, et je l’ai relu deux fois depuis, je trouve que c’est à tous points de vue un chef-d’œuvre. Même chose pour Le Rabaissement de Philip Roth, c’est vraiment un livre incroyable. Et là j’ai sous les yeux un livre que j’ai lu il y a dix ans mais que je viens juste d’acquérir enfin, Portrait de Picasso en jeune homme, par Norman Mailer. Je n’aime pas les romans de Mailer, mais ce livre est peut-être ce qu’il a fait de mieux. Je lis majoritairement de la fiction, mais j’ai un faible pour les livres sur les peintres, les livres d’économie ou d’histoire comme ceux de Naomi Klein ou Congo, de David Van Reybrouck. Et j’ai récemment été complètement fascinée par la biographie de Gertrude Stein par Nadine Satiat. Et aussi La Cuisine totalitaire, par Wladimir et Olga Kaminer. Je suis très heureuse qu’il existe autant de livres.


 Biographie :



Crédit photo : Vincent Fribault
            Je suis née à Nantes en 1987. Entre vingt et vingt-cinq ans, j’ai vécu à Budapest, Birmingham, Berlin et Rome, j’ai été serveuse, baby-sitter, traductrice, j’ai publié deux romans jeunesse sous pseudo, en 2007 et 2009, aux éditions Sarbacane, et trois poèmes dans l’anthologie de slam Blah. Mon premier roman en littérature générale, Buvard, a été publié en 2014 et le deuxième, Le Dernier Amour d’Attila Kiss, en janvier 2016. J’ai reçu pour ce dernier une bourse d’écriture de la Fondation Lagardère. Je vis à Paris, je termine ma thèse de littérature américaine et j’écris des livres.



Encore un grand merci à Julia Kerninon pour sa gentillesse et sa disponibilité. Le roman de Julia, Le dernier amour d’Attila Kiss publié aux éditions La Brune au Rouergue a été chroniqué récemment sur le blog, en voici le lien : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2016/05/le-dernier-amour-dattila-kiss.html

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