Contours du jour qui vient de Léonora Miano aux éditions Plon

Musango qui vivait dans une famille aisée, va se retrouver du jour au lendemain à la rue et va découvrir un pays qu'elle ne connaît pas vraiment protégée qu'elle était par ce cocon familial privilégié. A travers le parcours de Musango, c'est l'Afrique que nous découvrons. Elle est d'abord recueilli dans un centre pour enfants nécessiteux puis enlevée et séquestrée dans une maison à la campagne où elle sert de domestique. Elle est en charge de nourrir des femmes qui partent "tenter leur chance" en Europe "faire l'Europe", souvent contraintes et forcées. Ce véritable réseau de prostitution est l'une des sources de revenu de La Porte Ouverte du Paradis l'une des sectes qui pullulent dans le pays, abusant de la crédulité des gens.
C'est une Afrique exsangue que nous découvrons, une Afrique qui telle la mère de Musango chasse ou laisse partir ses enfants, ses forces vives. Les jeunes des familles aisées partent faire les études en Europe et ne reviennent pas où s'ils reviennent ce n'est pas pour aider leur pays à s'en sortir. "La Guyane est à ma connaissance leur unique désir. Ils se fichent bien d'étudier pour devenir des roi borgnes au pays des aveugles, comme tous ces gens bardés de diplômes qui ne nous servent à rien, qui ne reviennent au pays que pour écraser les ignorants d'une médiocrité portant le label de l'Occident."
Nous découvrons un continent marqué par l'inaction et la résignation, un continent qui a été ravagé par la colonisation : D'autres sont venus, disais-je. S'ils ont jadis creusé des routes, c'était pour accéder à chaque millimètre de terrain dont il y avait quelque chose à tirer. S'ils ont soigné nos maux, c'était parce que nous devions être forts pour travailler. S'ils ont bâti des écoles c'était pour nous apprendre à ne plus nous aimer, et à oublier le nom de nos ancêtres. Ils ne voulaient pas seulement notre terre et notre sueur. Il leur fallait notre âme." Mais la colonisation si elle est largement coupable de cet état de fait n'est pas la seule coupable. Les dirigeants ne semblent pas avoir de vision d'avenir et de gérer les problèmes au jour le jour et l'élite découragée préfère quitter le continent pour une Europe plus prometteuse.
A travers les yeux de Musango, jeune fille très lucide, c'est une image sans concession de l'Afrique que nous voyons, une Afrique qui vit dans le passé : "L'inventaire finira bien par s'imposer d'un moment à l'autre, et nous admettrons que la patine du temps ne peut suffire à conférer de la valeur à tous nos usages." Une Afrique qui a perdu son identité et qui sans cette identité ne peut se construire d'avenir : "Ce que vous devez faire pour épouser les contours du jour qui vient, c'est vous souvenir de ce que vous êtes, le célébrer et l'inscrire dans la durée. Ce que vous êtes n'est pas seulement ce qui est passé mais ce que vous ferez. Si la paix, qui est aussi l'amour s'allie à la vérité, qui est une autre figure de la justice, ce que vous accomplirez sera grand."
Un très beau roman sans concession, écrit dans un style plein de souffle et de poésie.
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