mercredi 29 avril 2015

L'empreinte de toutes choses




L'empreinte de toutes choses d'Elizabeth Gilbert aux éditions Le livre de poche





Quelle vie que celle d'Alma Whittaker. Née avec le dix-neuvième siècle, nous allons la suivre pendant toute sa vie presque centenaire. Née de l'union de deux être forts, deux partenaires plus que de deux amoureux, elle va être influencée par les caractères bien différents de ses deux parents. Fils d'un humble jardinier de Kew Garden, le célèbre jardin botanique, Henry Whittaker est un homme du peuple, quasiment analphabète, qui dès son plus jeune âge va haïr la pauvreté et tout faire pour s'en sortir. Il va devenir voleur de plantes rares, s'introduisant la nuit dans le jardin botanique pour revendre les plantes les plus recherchées à des scientifiques et des amateurs éclairés. Dénoncé par son propre père, il va faire ses armes sur les bateaux affrétés  par le riche propriétaire de Kew Garden à la recherche des plantes rares. Il va ensuite s'installer aux Etats Unis et faire fortune dans le commerce des végétaux et notamment du quinquina. Sa femme, Beatrix Van Devender est quant à elle la fille d'une famille aisée de botanistes hollandais, une femme à la rigueur calviniste bien ancrée pour qui l'étude et la dignité sont des principes de vie.



   La vie d'Alma va se trouver, dès le plus jeune âge consacrée à l'étude. L'étude dans les livres et l'étude de la botanique sur le terrain. Elle va très vite acquérir  une connaissance encyclopédique impressionnante pour sa jeunesse et va finir par se consacrer à un pan bien obscur de la botanique, l'étude des mousses. Alma a hérité de ses deux parents, l'opiniâtreté de son père et la rigueur de sa mère. Dans sa vie, les rapports humains se limitent aux repas d'affaire donnés par son père. Elle ne développe qu'une relation limitée avec sa soeur adoptive. Pour ce qui est de la sensualité, cette femme hommasse et laide la découvre dans les livres. Des livres interdits qui lui arrivent des bibliothèques entières achetées par son père.


  Dans ce roman nous sommes donc les témoins de cette vie austère, cette vie d'étude. La vie d'Alma de révèle pourtant passionnante, trépidante, bouillonnante à l'image de ce dix-neuvième siècle qui va être celui des avancées scientifiques. Quand j'ai lu la quatrième de couverture de ce livre, de ce pavé, j'ai eu un moment de doute. Moi qui n'ai que très peu d'intérêt pour la botanique, j'avais peur de m'y ennuyer. J'avais tort. Ce livre est passionnant, nous suivons les débats intérieurs d'une femme plongée dans l'étude, nous la voyons évoluer dans ce siècle où la science va remettre en cause les bases même de la Bible. Un roman bouillonnant, foisonnant servi par une plume vive, alerte, pleine d'humour. Elizabeth Gilbert est une conteuse, et on se laisse prendre par le le récit du destin de cette femme hors du commun. Un très agréable moment de lecture.





dimanche 26 avril 2015

La part des flammes



La part des flammes de Gaëlle Nohant aux éditions Heloïse d'Ormesson



    Mai 1897. La révolution française est passée par là, la Commune de Paris également mais l'aristocratie est toujours bien présente et influente bien qu'en fin de course. C'est dans cette atmosphère de fin de règne que se déroule ce roman. Ce monde vivant en vase clos entre dîners fins, spectacles et autres plaisirs a besoin de donner un sens à sa vie. Nous découvrons le monde des dames patronnesses, ces femmes de l'aristocratie qui font oeuvre de charité en aidant les plus pauvres. Certaines par conviction profonde, d'autres pour se donner bonne conscience ou juste pour se montrer.

   "Si ces vertueuses dames patronnesses ne visaient pas à panser les plaies d'une société foncièrement inégalitaire, elles s'employaient à en apaiser les convulsions et à faire accepter aux pauvres l'injustice de leur destin. Qu'ils en saisissent la valeur rédemptrice et consentent à porter leur croix, et ils rejoindraient ces figures de la sainteté indigente, dont on se servait pour édifier les enfants des riches."


  En ce mois de mai 1897, un événement phare va avoir lieu : le Bazar de la Charité. Cette grande vente au profit de bonnes oeuvres est l'événement où il faut être. Trois femmes vont être unies par le drame qui va avoir lieu : un terrible incendie dans lequel beaucoup de ces dames patronnesses vont trouver la mort et qui va laisser les survivantes traumatisées.

  Ce roman nous montre comment un traumatisme va permettre à deux de ces femmes de redonner un sens à leur vie. Telles le phénix, ces deux femmes tourmentées vont renaître de leurs cendres suite à cet incendie. Ce drame va les mettre face à elles-mêmes, leur permettre de réfléchir sur leur vie. La part des flammes est un roman passionnant porté par la superbe plume de Gaëlle Nohant. Un roman sur la renaissance individuelle, sur la fin d'un monde qui périt dans les flammes pour renaître des ses cendres sur de nouvelles bases plus saines. Une très belle découverte.

   "Chaque fois qu'elle pensait à la duchesse d'Alençon - et elle pensait souvent à elle -, Violaine de Raezal se disait  que s'il était un bonheur possible sur cette terre, on ne pouvait  accéder qu'en laissant mourir certaines choses en soi. Toutes ces choses lourdes, encombrantes qui étaient un grenier plein d'objets cassés et poussiéreux que l'on n'osait mettre au rebut, mais qui arrêtaient la lumière."

  
   

mercredi 22 avril 2015

La nuit à rebours




La nuit à rebours de Zoé Valdès aux éditions Arthau, collection Les nuits






   Une nuit, c'est la durée du trajet en avion entre La Havane à Cuba et Paris.


   Une nuit tant attendue pour un changement de vie.


  Anisia, la narratrice de ce court récit vit sous la dictature de Castro à Cuba, une vie qu'une bourse d'études au Mexique (elle est historienne d'art), pourrait bouleverser. Mais Anisia est enceinte et le régime ne laisse pas partir les enfants, cette chair fraîche qui'l peut modeler à sa guise pour en faire l'élite de demain;

    " - Je suppose que vous aussi vous aspirez à partir.
      - Comme chaque Cubain, dis-je en plaisantant. Bon c'est ce que je voudrais le plus , pouvoir m'en aller de ce pays, mais c'est impossible désormais. Parce qu'avec un bébé il n'est pas facile de partir d'ici, les enfants sont les otages du régime.
      - Comme dans toute dictature affirma Lydia."

  Mais Anisia n'en peut plus de vivre comme cela, à la merci d'une dénonciation de voisins mal intentionnés souhaitant récupérer son appartement. Mais comment faire maintenant qu'elle est enceinte et seule. Elle a bien pensé à avorter mais a renoncé.  Toutes les nuits en attendant le bébé, elle rêve qu'elle repousse le bébé à l'intérieur d' elle-même, qu'elle l'empêche de sortir. Elle ne veut pas offrir son enfant au régime de Castro.

   Anisia fait la connaissance d'une famille juive bientôt en partance pour Israël. Ils ont obtenu leur ticket de sortie suite à des accords politiques et économiques entre les deux pays. Constatant le désarroi de la jeune-femme, ils vont lui proposer d'adopter légalement sa fille pour pouvoir partir avec elle, ainsi Anisia pourra partir au Mexique, un pays libre où elle pourra récupérer sa fille. Ce déchirement est pour elle le seul moyen de sauver sa fille du régime, et de pouvoir elle-même vivre libre.

   Une nuit à rebours est un livre poignant, émouvant, un livre court mais intense dont on ne ressort pas indemne. On ressent avec Anisia, la chape de plomb qui pèse sur le pays. On  vit son déchirement à l'idée de se séparer de sa fille pour lui procurer un avenir meilleur. Parviendra-t-elle à retrouver sa fille et dans combien de temps. Un livre porté par le souffle de la révolte, par un style précis qui décrit les choses comme elles sont sans fioritures, un monde ou la peur est palpable et dans lequel quand on ne fait pas partie de l'intelligentsia, on ne peut être assuré ce que sera le lendemain. 

mardi 21 avril 2015

La violence en embuscade



La violence en embuscade de Dror Mishani aux éditions Seuil Policiers






 Le commandant Avraham Avraham est de retour à Tel Aviv après un congé sans solde de trois mois à Bruxelles. Toujours fragilisé par ses erreurs sur sa précédente enquête qui ont permis aux coupables de s'en tirer relativement bien, il rend visite à son commissariat pour se présenter à son nouveau divisionnaire. Bien qu'encore en repos, le commissaire déplorant son manque d"effectif, le commandant reprend du service. Il doit enquêter sur un fait inquiétant : une valise contenant une fausse bombe déposée près d'une crèche.


   Très vite un suspect est appréhendé suite à la description d'un témoin mais celui-ci dispose d'un alibi en béton. Avraham est vite intrigué par le personnage d'Haïm Sara. Cinquantenaire, père de deux enfants en bas âge, l'homme vend des sandwichs dans les administrations. Sa femme absente, il doit s'occuper seul des ses deux rejetons et il a eu une altercation avec la directrice de la crèche, autre personnage qui intrigue le commandant.


  C'est un commandant en proie au doute qui va enquêter. Il doute de ses capacités à pouvoir mener une enquête correctement, il doute du soutien de ses supérieurs hiérarchiques. Il est fragilisé aussi sur le plan personnel, car la femme qu'il aime, policière elle aussi, en poste à Bruxelles, semble réticente à venir le rejoindre à Tel Aviv pour l'épouser comme c'était prévu.


  Dans ce roman où les informations sont distillées lentement, le plus intéressant est la description psychologique du commandant et de son suspect, des personnages dont les réactions, dont l'évolution sont décrites avec minutie, dont les caractères sont fouillés au scalpel. Malheureusement j'ai trouvé que le point fort de ce roman était aussi son talon d'Achille. A trop vouloir nous décrire la psychologie de ses personnages, le roman perd en rythme et se traîne un peu en longueur. Toutefois, l'ensemble reste d'une lecture agréable. Ce roman est le deuxième volet des aventures du commandant Avraham Avraham mais il peut se lire de manière indépendante. Je remercie lecteurs.com de m'avoir fait découvrir ce roman et son auteur.

lundi 20 avril 2015

Souvenirs de lecture 7 : Jérôme Attal



Souvenirs de lecture 7 : Jérôme Attal



   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touché, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Jérôme Attal qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je le remercie chaleureusement pour son  temps si précieux, sa gentillesse et sa disponibilité jamais démenties.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi ?

JA        Étrangement, je ne suis devenu lecteur de roman qu'à l'âge de 19 ans. J'ai toujours beaucoup plus écrit que lu. Ce n'est pas très sérieux, n'est-ce pas? À l'adolescence j'écrivais des romans sur des cahiers d'écolier, des poèmes, des chansons que j'offrais aux filles qui me plaisaient. Bien sûr les embrasser eût été plus direct et plus malin, mais je n'avais pas assez confiance dans le monde pour ça, alors écrire m'offrait un territoire différent, sur lequel j'avais davantage de prise. Où la magie opérait sans les complications de la trivialité. Les lectures qui me passionnaient , c'étaient les BD du lieutenant Blueberry  de Charlier et Giraud, et la plupart des comics Marvel, avec une préférence pour les X Men et Daredevil que mon père m'offrait si je n'avais pas hurlé lors d'une prise de sang ou quand le dentiste manquait de m'arracher une molaire en m'ôtant son instrument métallique rempli de pâte rose  pour prendre mon empreinte dentaire. 
         

Après le baccalauréat, je suis venu habiter à Paris, seul, et là j'ai eu un véritable besoin physique de lire et de posséder des romans. C'est devenu viscéral. Je ne pouvais pas me promener dans une rue, ou me pointer dans une soirée, dans une fête, sans un livre à la main. J'ai rattrapé le temps floué des lectures scolaires obligatoires pour l'indépassable plaisir de découvrir des romans qui engagent ou réveillent quelque chose en vous, et qui vous accompagnent  solidement quand le quotidien vous foudroie. Après Daredevil, je suis resté dans les D, avec Dostoïevski et Duras. J'aimais la gravité avec laquelle Marguerite abordait cette chose bien volatile qu'est l'amour fou. Je pourrais citer Les nouvelles de Salinger et le Journal de Jean-René Huguenin, que je lisais en boucle, des heures durant, comme on écoute des disques. J'aime d'ailleurs bien l'idée d'écrire des romans comme des groupes anglais feraient de la pop music. Un romancier c'est un rocker assez misanthrope qui préfère gérer les humeurs et les emplois du temps de ses personnages plutôt que de son entourage et des musiciens qui l'accompagnent.


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

JA       Si on parle des aventures de Matt Murdock alias Daredevil, je dirai que c'est un super héros qui intervient quand quelque chose blesse sa morale personnelle, son sentiment aigu de la justice ou les sentiments de son coeur. Finalement - je m'aperçois de ça parce que je viens d'écrire un roman policier où le personnage principal décide également d'intervenir quand la vie entre en contradiction avec ce qu'il est et ce qu'il ressent - je crois qu'un écrivain intervient aussi pour réparer ou proposer quelque chose. Soit un rapport au monde, une difficulté d'être ou d'aimer, une incapacité dans la vraie vie de concevoir un monde meilleur à ses yeux. Bon, c'est une hypothèse mais elle fonctionne assez bien pour moi. J'aime aussi les romans qui engagent l'âme de celle ou de celui qui les écrit. Qu'au delà du texte on puisse ressentir à qui on a affaire. Quand j'étais enfant, dans la cour de récréation, je me souviens qu'un jour j'ai pris une petite fille de ma classe par la main, et je l'ai entraînée à l'autre bout de la cour - sous les yeux du public médusé - juste pour lui dire un secret dans le creux de l'oreille. Je ne sais plus du tout de quoi était fait ce secret, mais peut-être vient de là mon désir d'écrire. Quand j'écris, c'est pour prendre une personne par la main, pour lui dire un secret .


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur ?

JA        Jardins en temps de guerre de Teodor Ceric (Actes Sud) . C'est un très beau livre, l'histoire d'un type qui fuit la guerre à Sarajevo dans les années 90 pour aller visiter les jardins des artistes qu'il admire (celui de Beckett en Seine et Marne, ou de Derek Jarman en Angleterre). C'est l'idée, que dans des temps troublés, il y a toujours un petit lieu pour soi, un refuge à trouver quelque part, une terre ingrate à changer en petit carré de paradis duquel prendre soin.

             Jim Henson : The biography de Brian Jay Jones (Virgin Books). Je lis en anglais la biographie de Jim Henson, le créateur de Muppets et de Sesame Street, qui est l'un de mes héros. Je loue son génie et sa capacité à avoir su créer des personnages fiables dans le temps, inventer des chansons, raconter des histoires. Même si je suis d'un tempérament plutôt solitaire, j'aurais adoré participer à une aventure créatrice aussi stimulante et belle que celle du Muppet Show et de Sesame Street. Avec cet art de la profondeur sous l'apparence de la légèreté. 

            Le bonheur des tristes de Luc Dietrich (Le livre de poche). Un ami m'a récemment fait parvenir ce roman autobiographique à la fois poétique et poignant, pensant qu'il me plairait beaucoup - il connaît mon goût pour les aphorismes et les phrases définitives. Je suis en train de le lire. Il est vrai que tombant page 48 sur une telle phrase : "il est beau d'être un homme triste, car il s'en trouve peu." Que peut-on dire après?


Biographie

    Jérôme Attal est né à Neuilly sur Seine, a vécu à La Garenne Colombes et domaine de Marsinval dans les Yvelines, avant de s'installer à Paris à sa majorité. Il aimerait beaucoup vivre à Londres mais dans cette hypothèse compte sur vous pour que ses romans deviennent des best-sellers. Il a fait des études de cinéma, de lettres modernes et a obtenu un licence et un maîtrise d'Histoire de l'art dont le mémoire avait pour thème : Vincent Van Gogh et Francis Bacon. Comme il avait fait suffisamment plaisir à ses parents avec toutes ces études, il est ensuite devenu chanteur. Il sort un album en 2005 très axé pop anglaise avec des textes en français : Comme elle se donne. Grâce à sa rencontre avec l'éditeur Stéphane Million, il rejoint l'aventure de la revue Bordel en 2003 dès le premier numéro, une revue pour laquelle il écrit régulièrement des nouvelles avec une fidélité qui l'honore d'autant que ça s'appelle Bordel.  Comme la place était déjà prise pour devenir Francis Scott Fitzgerald, il écrit "La fêlure" pour Garou et "L'envers du paradis" pour Jenifer, deux chansons parmi plus d'une centaine à son actif. En plus, il boit davantage de thé (Pu-erh chinois, English breakfast tea) que d'alcool, ce qui le disqualifie direct pour devenir Francis Scott Fitzgerald. Il écrit et publie sous la direction de Stéphane Million plus de huit romans dont la plupart sont repris en format poche chez Pocket.  Son dernier roman  " Aide moi si tu peux" vient de paraître aux éditions Robert Laffont. C'est l'histoire d'un flic qui, face à la déliquescence du monde actuel se réfugie en souvenirs dans les années 80 de sa jeunesse.
    Scénariste et acteur quand les metteurs en scène le réclament (j'allais dire l'exigent) il a participé à plusieurs courts-métrages, le dernier en date : Alice Island de Franck Guérin pour Arte/Gulliver productions.


   Encore un grand merci à Jérôme Attal pour sa gentillesse. Les titres figurant en coloriés dans le texte disposent d'un lien intégré vous permettant d'atteindre la chronique sur Aide moi si tu peux et la chanson Comme elle se donne.








samedi 18 avril 2015

Nid de vipères




Nid de vipères d'Edyr Augusto aux éditions Asphalte




Fred Pastri est Brésilien. Il vit aux États Unis avec une chanteuse en pleine ascension. Un soir il reçoit un mail de sa soeur Isabela. Elle est en danger , il doit partir, la retrouver au plus vite.



   Quelques années plus tôt, Isabela et Fred se trouvaient chez eux en famille à  Catstanhal lorsque Wlamir Turvel, convoitant la propriété située à un endroit stratégique pour son trafic de drogue, a brisé leur vie à jamais. Sous les yeux des deux enfants il a torturé leur père, violé leur mère pour que celui-ci accepte de signer la cession de sa propriété. La famille ravagée par la douleur a dû tout quitter. Le frère et la soeur ont juré vengeance. Les années ont passé. À coups de meurtres, de corruption, de trafics en tous genres Wlamir Turvel a gravi un à un les échelons du pouvoir politique. Il est devenu le gouverneur de l'État du Parra. Fred est passé à autre chose, il s'est exilé aux États Unis pour oublier. Mais pour Isabella, après des années de préparation, après avoir gagné la confiance du gouverneur, être devenue sa maîtresse, l'heure de la vengeance a sonné.

   Ce court roman nous montre un Brésil ravagé par la violence, la corruption et le trafic de drogue. Un Brésil bien loin des côtes paradisiaques de Rio, de la samba. Un Brésil où ce sont les bandits qui mènent la danse en toute impunité.

   Ce roman sur la vengeance est un roman coup de poing. Isabelle ne vit que pour elle, que par elle, elle est déjà morte à l'intérieur.

   "Ma vie ne ressemble à aucune autre. Ma vie, c'est ma vengeance. C'est ça qui m'a fait tenir. Qui m'a gardée en vie. Et chaque fois que j'entendais parler de Wlamir Turvel, je devenais plus forte."



   Nid de vipères est un roman d'une extrême violence. La violence subie par la famille d'Isabella il y a des années, la violence qu'elle se fait subir à elle-même allant jusqu'à se prostituer pour parvenir à ses fins. La violence présente partout dans ce pays contrôlé par le trafic de drogue.


   J'ai été saisi par ce roman, par son rythmé effréné, on ne respire pas dans ce livre. On est en apnée. Le rythme du roman est accentué par le style de l'auteur fait de phrases courtes, lapidaires. L'absence de ponctuation dans les dialogues rend parfois la compréhension difficile. On ne sait pas tout de suite qui parle, mais on s'habitue vite à ce rythme sans temps mort. On est emporté par le récit. Oui ce roman est bien un roman coup de poing. A découvrir absolument.

  "Wlamir Turvel. Je suis né maudit. Mon père, jamais vu. Ma mère m'a balancé aux bonne soeurs parce qu'il fallait bien continuer à faire le trottoir. Mais aujourd'hui, ça va, pour la vieille. Je lui ai donné tout ce dont elle avait besoin. C'est comme ça quand on est un bon fiston. Je savais qu'il me faudrait lutter pour obtenir tout ce que je désirais. Rien ne serait jamais gratuit pour moi. À douze ans, je travaillais déjà, je charbonnais, j'arnaquais les cons et je me faisais mon fric. J'ai appris à vivre. J'ai tué pour vivre."


vendredi 17 avril 2015

Un coeur bien accordé



Un coeur bien accordé de Jan-Philipp Sendker aux éditions JC Lattès


  Avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle, Julia Wim vit à Manhattan. Si sa vie professionnelle est couronnée de succès, sa vie personnelle ne la satisfait pas pleinement. Elle vit seule, séparée de son compagnon, sa mère et son frère avec qui elle a peu d'affinités vivent loin et leurs contacts se résument au strict minimum. Un jour alors elle qu'elle se prépare à une importante présentation devant ses associés, elle reçoit une lettre d'U Ba, le demi-frère que son père birman avait eu de sa première épouse. Dix ans qu'ils ne se sont pas vus, même si de loin en loin ils correspondent.


  Simultanément à la réception de cette lettre, Julia se met à entendre une voix. Une voix qui devient de plus en plus présente, qui l'empêche de faire sa présentation. Une voix de femme qui lui pose des questions sur sa vie. "Qui es tu?  Pourquoi es tu seule" puis qui tient des propos effrayés parfois dans une langue inconnue. Cette voix va bouleverser sa vie. Julia ne peut pas croire qu'elle devient schizophrène. Sa seule amie, Amy, artiste peintre ,bouddhiste convaincue,  va la persuader de faire une retraite dans un monastère. Elle va y rencontrer un moine qui va la convaincre que la voix qui parle en elle est l'âme perturbée d'une femme dont elle doit comprendre l'histoire pour la faire taire.  Le moine birman reconnaît sa langue dans les propos de la voix. Julia décide dont d'aller retrouver son demi-frère en Birmanie et de lui demander son aide pour faire taire cette voix envahissante. Julia et U Ba vont se mettre sur la piste de Nu Nu et de son histoire. L'histoire d'une femme morte il y a quelques années et dont la vie a été bouleversée par un choix qu'elle a dû faire, un choix impossible.

Ce roman, c'est le choc des cultures entre un occident qui ne voit que le profit , la réussite professionnelle, les plaisirs immédiats et l'orient plus versé dans la spiritualité, plus intéressé par l'écoute de son coeur, de son âme que par celle de son corps. En Birmanie, toutes les questions que Julia se posait sur sa vie sans s'en rendre compte vont venir la frapper de plein fouet. L'histoire de Nu Nu, le dilemme qui va ravager sa vie, va placer Julia face à sa propre vie, la questionner sur ses choix.


Un coeur bien accordé nous interroge sur nos vies, sur ce qui est important pour nous. La course à la réussite de Julia ne la rend pas heureuse alors qu'U Ba qui n'est pas attaché aux biens matériels, qui écoute son instinct, qui écoute son coeur,  mène une vie satisfaisante. Ce livre tombe parfois dans les clichés mais il est porté par une telle poésie, la poésie du coeur, une poésie teintée d'orientalisme, une poésie si exotique,  qu'on s'y laisse prendre. Savons nous vraiment écouter notre coeur, ne suffirait-il pas de peu de choses pour l'accorder? Un excellent roman qui aurait pu être un coup de coeur sans cette vision un peu trop manichéenne  du monde.


  "Comment une mère peut-elle partager son amour?
 Si l'amour venait sous forme de perles, de feuilles ou de grains de sable, elle pourrait les compter et les répartir avec équité.
 S'il venait sous la forme d'une grosse masse chaude et douce comme une galette de riz, elle pourrait la couper en morceaux de taille égale.
 Ou sous la forme d'un liquide épais  et parfumé, elle pourrait le verser goutte à goutte dans des verres qu'elle offrirait à ses deux enfants.
 Mais l'amour ignore la justice. L'amour suit ses propres lois. Même l'amour d'une mère."

Un grand merci à Babelio et son opération Masse Critique de m'avoir fait découvrir ce roman et son auteur.



mercredi 15 avril 2015

Souvenirs de lecture 6 : Léonor de Récondo



Souvenirs de lecture 6 : Léonor de Récondo


   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Léonor de Récondo qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie chaleureusement pour son temps si précieux, sa gentillesse et sa disponibilité jamais démenties.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué, et pourquoi ?




LDR   Cent ans de Solitude de Marquez. J'ai découvert grâce à ce livre la littérature sud-américaine qui repousse très loin les frontières du réel avec l'imaginaire. Dans ce livre tous les mondes se mélangent et on y croit et c'est splendide. Je me suis dit qu'en littérature il fallait oser.






LLH : En quoi ce livre a-t-il influencé votre désir d'écrire?

LDR   Ce livre m'a fait rêver. Beaucoup d'autres aussi. J'ai voyagé grâce à eux, j'ai vibré, pleuré. Un jour j'ai eu envie de passer de l'autre côté du miroir et de tenter, à mon tour, de prendre les lecteurs par la main...


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur?

LDR    J'ai beaucoup aimé D'argile et de feu d'Océande Madeleine, Chemins de Michel Lesbre et Danser les ombres de Laurent Gaudé.



Biographie

  Léonor de Récondo, née en 1976 débute le violon à l'âge de cinq ans. A l'âge de dix-huit ans, elle obtient un bourse qui lui permet de partir étudier au New England Conservatory of Music à Boston. Elle devient le violon solo du NEC Symphonic Orchestra de Boston. À son retour en France elle fonde la quatuor  à cordes Arezzo . Elle est lauréate du concours international de musique baroque Van Wassenaer (Hollande) en 2004. Léonor de Récondo a enregistré une quinzaine de disques (Deutsche Grammophon, Virgin, K617, Alpha, Zig -Zag Territoires) et a participé à plusieurs DVD (Musica Lucida)

  En octobre 2010, paraît son premier roman, La grâce du cyprès blanc, aux éditons Le temps qu'il fait. Chez Sabine Wespieser éditeur, elle publie en 2012 Rêves oubliés, roman de l'exil familial au moment de la guerre d' Espagne. Pietra viva (Sabine Wespieser éditeur 2013) , plongée dans la vie et l'oeuvre de Michel Ange, rencontre un très bonne réception critique et commerciale.

  Avec Amours (Sabine Wespieser éditeur 2015) Léonor de Récondo fait exploser les cadres de la conformité bourgeoise pour toucher à l'éclosion du désir, la prise de conscience de son propre corps, la ferveur et la pureté d'un sentiment qui balayera tout. Un roman qui a obtenu le Prix RTL -Lire et le Prix des Libraires 2015.

Sources de la biographie : swediteur.com


  Encore un grand merci à Léonor de Récondo pour sa gentillesse. Pour l'instant seul Amours est chroniqué sur le blog et figure donc en colorisé et dispose d'un lien permettant d'accéder directement à la chronique. Les autres roman de Léonor seront chroniqués très prochainement.





Max et les poissons



Max et les poissons de Sophie Adriansen aux éditions Nathan



   En récompense de son prix d'excellence, Max a reçu Auguste, un poisson rouge. Un poisson rouge tacheté de jaune, comme lui. Depuis qu'il s'est fait recenser, il porte une étoile jaune sur la poitrine. Max la trouve belle son étoile mais depuis qu'il la porte ses camarades de classe sont méchants avec lui.

    "- Regardez le youpin avec son étoile de mer!
    François m'a lancé en riant :
     - Ça pue, une étoile de mer! T'aurais pu te rincer!"

   A la veille de son anniversaire, les adultes  parlent d'une rafle qui aurait lieu le lendemain. Max ne comprend pas ce mot, alors il le cherche dans le dictionnaire. Mais non demain c'est son anniversaire. Il a demandé un poisson pour tenir compagnie à Auguste et il sait que sa soeur lui a préparé un cadeau. Demain c'est jour de fête.

   Dans ce roman jeunesse, Sophie Adriansen nous parle de l'horreur, de la rafle du Vel d'Hiv, cet épisode si sombre de notre histoire lors duquel des familles  juives ont été arrêtées, parquées au Vélodrome d'Hiver avant déportation. Mais elle le fait de façon touchante, émouvante , en nous faisant vivre ce drame, à travers les yeux d'un enfant de huit ans. L'horreur n'y est jamais décrite directement, elle est juste suggérée ce qui la rend encore plus forte. La naïveté enfantine avec laquelle Max vit les événements nous touche au plus profond. L'innocence de l'enfance face à la barbarie des adultes.

   Tout livre qui explique aux enfants et rappelle à leurs parents, les ravages que peuvent causer la haine de la différence, l'horreur qu'elle peut engendrer est  le bienvenu. Sophie Adriansen, nous livre ici un livre plein de pudeur et d'intelligence qui devrait être étudié en classe. Un très beau point de départ pour une discussion en famille sur la différence. Et que c'est utile en ce moment où tous le fanatismes, les racismes, le nationalismes sont de plus en plus présents. Un beau roman  pour rappeler aux enfants et à leurs parents les horreurs passées. C'est malheureusement nécessaire tant l'être humain semble dépourvu de mémoire.


   "On s'entasse. je n'ai plus revu Daniel. Je ne sais pas ce qui se passe, mais j'ai peur. Parce que papa, maman et Hélène ont peur eux aussi. je le sens. Et quand les grands ont peur, c'est comme une couverture toute râpée par laquelle passe le jour : ça ne protège plus de rien."


mardi 14 avril 2015

Lignes de fuite




Lignes de fuite de Val McDermid aux éditions Flammarion


   Stéphanie Harker et son fils Jimmy se préparent à prendre en avion bien décidés à profiter de leurs vacances. Alors qu'ils franchissent les contrôles de sécurité l'alarme sonne déclenchée par une plaque métallique que la jeune femme a dans la jambe suite à un accident. Pendant qu'elle est fouillée, elle est témoin de l'enlèvement de Jimmy. Elle se lance à la poursuite du ravisseur mais est rapidement maîtrisée par les agents de sécurité qui ne l'écoutent même pas. Interrogée par un agent du FBI, elle va lui raconter toute son histoire.


   Encore une affaire d'enlèvement d'enfant. Rien de nouveau sous le soleil peut on penser dès les premières pages. Grave erreur. Toute l'histoire tient en la personnalité des deux personnages principaux. L'une, Stéphanie Harker, écrivain fantôme, comme on dit aux États Unis, et la femme pour et sur laquelle elle écrit, Scarlett Higgins, starlette de la téléréalité dont les frasques font la une de tous les magazines et journaux à scandale. 


   On y découvre les liens qui se tissent entre l'écrivain et son sujet d'étude. Un rapport dont l'évolution est au coeur du récit, au coeur du suspense. La description du métier de nègre est passionnante et celle de la téléréalité, ce monde si peu réel , sans concession. Val Mc Dermid parvient à nous captiver en distillant les informations au compte goutte, elle tisse sa toile fil à fil pour nous capturer dans ses filets, pour nous captiver.


   Mon seul regret dans cette lecture somme toute très agréable, une fin que j'ai trouvée un peu tirée par les cheveux, un peu trop rocambolesque à mon goût. Mais l'ensemble reste un thriller psychologique passionnant, d'une redoutable efficacité.

Ce roman a été l'objet d'un lecture commune avec Sophie du blog Amis-Lecteurs. Vous trouverez le lien pour sa chronique ici.

dimanche 12 avril 2015

Argoun




Argoun de Marie Garnier aux éditions  L'étincelle



    Édouard, attablé à une terrasse sur la place Stanislas à Nancy se souvient de cette évidence, de ce coup de foudre qu'il avait eu pour Julie cinq ans plus tôt. Longtemps il n'avait pas osé l'aborder, la suivant, l'épiant. Il avait découvert son adresse personnelle, professionnelle mais il n'osait toujours pas franchir le pas. Elle était trop belle. Puis il avait saisi sa chance, la relation s'était nouée, une relation profonde, parfaite pour elle, pas pour lui. Elle ne voyait en lui qu'un ami, un confident un frère. Lui voulait beaucoup plus, il voulait tout.

   "Édouard était heureux de vivre auprès de Julie. Il espérait secrètement qu'un jour , elle saurait l'aimer autrement , d'amour, de cette passion qui l'animait un peu plus chaque jour jusqu'à devenir insupportable. Une relation fusionnelle, qui bientôt allait devenir pour Édouard une souffrance terrible."


    Un jour, n'en pouvant plus, il décide de disparaître, de fuir sa douleur. Pour gagner cet amour il a un plan : partir,  ne laisser à Julie qu'une lettre. Une autre viendrait par la suite pour lui annoncer son décès. Tout est planifié. À Prague il a rendez-vous avec Bernd , un ami de jeunesse médecin. Son pari, changer de traits, d'identité pour conquérir sa belle. Se débarrasser de son physique qui n'a pas su séduire Julie et qui le dégoûte. Qu'elle tombe enfin amoureuse de lui mais sous les traits d'un autre.  Leur périple va conduire les deux amis dans des contrées dangereuses où ils vont se faire enlever par les troupes tchétchènes. Édouard y subira la torture, la faim, la négation de son identité. Seuls l'image de Julie et son amour pour elle, l'aideront  à tenir.


   Dans ce roman psychologique, dans ce roman d'amour, Marie Garnier nous distille les informations au compte goutte. La construction du récit en flashbacks successifs renforce la tension psychologique , le suspense. Est-il possible de séduire la femme qu'on aime, et qui nous aimait en tant qu'ami sous les traits d''un autre tout en gardant sa personnalité?  Peut-on vivre un amour en niant ce physique qui fait partie de notre identité, en se débarrassant de ce corps avec lequel nous nous sommes construits tant bien que mal? Telles sont les problématiques que Marie Garnier explore avec brio dans ce roman passionnant.




  

vendredi 10 avril 2015

La soudure


La soudure d' Alain Guyard aux éditions Le Dilettante


   Quand Ryan met le nez dans ses comptes le dix du mois, il réalise à quel point la situation est critique, il ne lui reste plus que 19 euros pour tenir jusqu'à la fin du mois. Maintenant qu'il compte fonder une famille avec Cyndie, qu'ils veulent avoir un enfant il va falloir qu'il change de vie. Mais comment faire pour joindre les deux bouts, pour faire la soudure d'un mois sur l'autre quand on ne vit que d'expédients, de petites combines :  une seule solution s'asseoir sur sa conscience et se "réinsérer" dans la délinquance, la vraie, l'organisée, celle qui rapporte.


   Sur la voie de la "réinsertion" Ryan va faire la connaissance de personnages hauts en couleurs qui vont l'aiguiller, le conseiller. Tout d'abord il y a l'avocat marron, protecteur de tous les trafics, Maîte Carré, dit maître Cube, qui va l'orienter vers la voie la plus conciliable avec ses idéaux. Ce sera le vol. Sur son chemin il va croiser aussi le Capitaine, ancien capitaine de la marine marchande qui va lui expliquer  le système capitaliste. À l'aide de son cher Homère, il va lui montrer que le vol  est justifiable, que l'État lui-même est un voleur. Avec l'aide d'un clan de gitans et sous la direction spirituelle du Capitaine, ils vont devenir des malfrats cultivés et adulés, ridiculisant la police et les politiques. Le vol va devenir pour eux un acte quasi mystique.


   "- Copain, j'ai compris ma place dans l'univers : je suis un serviteur de Kali. Et maintenant, j'ai une très sainte mission : héracliter tous les malheureux bourgeois, et les aider à plus se cramponner aux choses...
       Il tourna sur lui-même au milieu de la carrée, le bénouze en bas du cul, chancelant, les yeux bizarrement phosphorescents et faisant des moulinets avec ces sabres invisibles dans des postures approximatives d'art martial, il beugla :
      -On va piller humaniste mon pote !...Aider les gens à lâcher prise en les détachant de leurs biens de ce monde ! Puis il tituba jusqu'à Ryan et l'attrapa à la nuque, sa bouche contre la sienne, mêlant leur haleine alourdie de ganja, il murmura avec des accents vibrant d'émotion :
      -Frère, toi et moi, à partir de maintenant, on va chouraver mystique."


    La soudure est un roman picaresque , il raconte la vie de gens qui vivent en marge de la société, à son dépend, il tourne en ridicule ce monde dans lequel nous vivons. Ce roman jubilatoire, hilarant par moment n'est pas que cela, c'est surtout une critique sans concession du monde capitaliste, un roman éminemment politique et social. Un roman foisonnant, joyeusement politiquement incorrect porté par un style plein de verve et de poésie. La poésie de la zone,  la poésie manouche, s'y mêlent brillamment à la poésie des anciens, la poésie antique. Alain Guyard écrit avec fougue, avec jubilation et nous emporte dans son souffle. Un roman qui ne peut pas laisser indifférent.

    "Nous croyons saisir la terre ferme mais de l'eau s'échappe de notre poing serré. Toute forme transitoire. Toute possession est illusoire. Tout circule dans l'univers, mais il est des hommes, et ce sont les plus malheureux, qui veulent arrêter le flux du monde. Ce sont eux qui décrètent que le monde est à eux, que les choses leur appartiennent.
     -Pourquoi ils font ça? demanda le Manouche.
     -Sans doute parce qu'ils ont peur de mourir. Ils ont peur du flux qui les emporte. Alors ils font tout pour le freiner en voulant posséder les choses à jamais."


jeudi 9 avril 2015

La guerre a son parfum



La guerre a son parfum de Jean-Louis Nogaro aux éditions du Caïman




   Saint-Étienne 1944 : les affaires sont de plus en plus dures pour Lucien Bornier. Les Allemands à qui il refourguait sa marchandise sont aux abois, ils préparent leur départ. Même s'il a essayé tant bien que mal de ménager la chèvre et le chou pendant le conflit pour parer à toute éventualité, le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas très bien vu par les résistants.  Voulant faire un dernier coup avant de tirer sa révérence  et de quitter Saint-Étienne pour aller se refaire une virginité ailleurs,  il dénonce un gamin allemand muet à la Gestapo, le faisant passer pour un terroriste pour quelques billets. Autant dire que les affaires de Bornier ne sentent pas bon du tout.



   "La fin de la guerre n'était pas vraiment une bonne nouvelle pour lui, même s'il avait assuré ses arrières. Apprécié de la milice , Lucien Bornier, dit l'Embaumé, avait su en outre, tisser de solides amitiés dans tous les camps. Il donnait même de menus coups de main à la Résistance quand la situation se présentait. Et il traficotait avec les Boches. Eux, ils payaient, et bien."


   Saint-Étienne 2007, les pafumeries Martinaud sont attaquées les unes après les autres par un gang qui ne dérobe que les parfums fantaisie, se désintéressant des meilleurs produits. Ernest Cafuron va enquêter sur cette affaire pour protéger sa petite amie qui travaille dans un magasin de la chaîne qui pourrait bien être le prochain sur la liste des malfrats. Quelles sont les relations entre les deux affaires?


   Je n'en dirai pas plus sur l'intrigue de ce court roman efficace traité de main de maître par Jean-Louis Nogaro. Un roman sans temps mort servi par un style énergique et plein d'humour malgré la noirceur du propos. Les personnages à l'image de Bornier ou de Cafuron, y sont particulièrement bien  campés.  Un bon moment de lecture et une belle découverte pour moi de cet auteur que je ne connaissais pas avant de le rencontrer à Quais du Polar cette année.


mercredi 8 avril 2015

Comment Thomas Leclerc 10 ans 3 mois et quatre jours est devenu Tom l'Éclair et a sauvé le monde




Comment Thomas Leclerc 10 ans 3 mois  et quatre jours est devenu Tom l'Éclair et a sauvé le monde de Paul Vacca aux éditions Belfond



   Ce 14 octobre 1968, la journée avait pourtant commencé comme d'habitude. Le même train train quotidien réglé comme du papier à musique,  orchestré avec précision par Pauline, la maman de Tom, chef d'orchestre à la rigueur helvétique. Tout était bien en ordre. Pourtant ce jour allait être pour ce jeune garçon de 10 ans, 3 mois, et quatre jours, le jour de la révélation. Ce jour là, ce petit garçon solitaire, presque muet, plongé dans son monde intérieur, allait devenir par un concours de circonstances plus qu'heureux le buteur providentiel de son équipe de foot en cours de sport. Suite à cet événement et à sa victoire dans sa course contre le bus scolaire, un constat s'impose à lui. Il n'est pas Thomas Leclerc, il est Tom l'Éclair. Ses dons ne se limitent finalement pas aux mathématiques.  Cette prise de conscience s'approfondit le jour où, alors qu'il est dans la salle d'attente de son médecin, entendant sa mère  chuchoter avec celui-ci sur son cas, il découvre les super héros dans un magazine de bande dessinée oublié par un petit patient. Tout est clair, Tom est comme eux , il est investi d'une mission : sauver le monde.


  Tom, bien que cela ne soit jamais clairement dit, car ses parents ne veulent pas lui en parler, allant même jusqu'à refuser les diagnostics des médecins successifs qu'ils consultent, souffre clairement d'une forme d'autisme, sûrement le syndrome d'Asperger. Cette mission de super héros dont il se sent investi va le pousser à prendre sur lui pour réaliser son destin, celui qu'il voit dans les aventures de ses héros favoris. Comment sauver le monde quand on vit reclus dans le sien? Comment sauver le monde même quand on est un super héros mais qu' on ne dispose pas d'un ami, d'un acolyte? Oh certes les missions de Tom sont limitées du moins dans un premier temps mais il faut bien commencer par quelque chose, sauver un chien par exemple ou essayer de sauver le couple des ses parents qui part à la dérive.

  Il est touchant ce petit Tom qui se débat contre ses habitudes, qui essaie de sortir de sa zone de confort pour accomplir la mission dont il se sent investi. Le lecteur voit le monde à travers ses yeux, il le lit à travers ses mots d'enfant de 10 ans et des poussières. Un monde en vase clos que ses parents ont créé pour lui pour le protéger, un univers quadrillé pour le rassurer, mais dans lequel ils s'enferment, dans lequel ils ont de plus en plus de mal à respirer.


  On admire Pauline, la maman courage, qui met sa vie entre parenthèse pour prendre soin de son fils, qui même si elle refuse les diagnostics des médecins, organise sa vie pour protéger son petit Tom si fragile.

  Paul Vacca nous livre un roman touchant, tout en sensibilité, un roman porté par la douce poésie de l'enfance, par son imaginaire, car même s'il est autiste, même s'il est différent, Tom a les mêmes désirs que ses petits camarades,les mêmes aspirations. Il ne les exprime pas de la même façon c'est tout. Un superbe roman que je vous recommande ardemment.

   "C'est devenu une manie.
     À la récréation, Palma  traverse le mur invisible de Tom, entre ses arbres-mondes, et s'installe à ses côtés. Elle lui parle. Sans attendre qu'elle lui réponde oui qu'il engage la conversation. Elle parle comme si elle se confiait à son journal intime. Sans ordre ni censure, se reprenant souvent, donnant l'impression parfois de raturer ce qu'elle vient de dire, pour le rectifier par petites touches, assurant seule les questions et les réponses, riant parfois à ce qu'elle dit  ou mimant la perplexité, les yeux vers le ciel et l'index sur sa bouche boudeuse.
    Que raconte-t-elle? Tom n'en a aucune idée. Il ne l'entend pas. Ce qu'elle dit glisse sur lui comme une goutte d'eau sur le duvet d'un canard. Il a réussi  à recréer un autre mur invisible autour de lui. Lui reste totalement mutique, sans prendre la peine d'opiner de la tête ou de faire semblant de l'écouter. Il attend que cela cesse. Reste qu'il ressent toujours ce même malaise, comme la première fois. Le sentiment d'être prisonnier de ses tentacules.
    Et de sa bulle de Malabar.
    Demain de toute façon il change d'endroit."

lundi 6 avril 2015

La mer d'Innocence



La mer d'innocence de Kishwar Desai aux éditions de L'Aube



    Simran Singh est en vacances avec sa fille adoptive, Dugar. Elles comptent bien profiter des plages paradisiaques de Goa. Alors qu'elle n'a la tête qu'à ses vacances bien méritées, Simran reçoit un bien étrange message de la part de son ancien amant, Amarjit, policier à Delhi. Un message sous forme d'une vidéo inquiétante. Une vidéo apparemment tournée à Goa dans laquelle on voit une touriste britannique se faire agresser par des Indiens. Simran sait bien que si Amarjit lui a envoyé cette vidéo, ce n'est pas innocent, il souhaite qu'elle mène sa propre enquête. Simran finit par se laisser convaincre , elle va découvrir une Goa bien différente de son image de carte postale.


    Qu'est devenue Liza, la jeune anglaise de la vidéo. Elle semble avoir disparu, est-elle seulement encore en vie? L'attitude de Marian, sa soeur, est plus qu'ambiguë, elle cherche sa soeur mais ne semble pas être très encline à aider Simran dans ses recherches. Dans les pas de Simran, nous découvrons l'envers du décor de Goa. La violence, la corruption, la disparition de touristes étrangers, le trafic de drogue, les réseaux maffieux voilà la réalité de cette destination de rêve pour les anciens hippies.


   La mer d'innocence est ma première lecture d'un auteur indien. Kishwar Desai nous livre une photographie sans complaisance d'une Inde vérolée par les trafics en tous genres. Une Inde où la femme est considérée comme un objet de plaisir qu'on peut prendre de force sans encourir de châtiment beaucoup plus grave qu'une tape sur la main. Cette enquête fictive est mise en relation pendant tout le roman avec un fait divers bien réel celui là : le viol d'une jeune indienne par six hommes dans un bus à Delhi. Une violence contre les femmes dénoncée par Kishwar Desai dans tous ses romans, celui-ci étant le troisième de la série mettant en scène le personnage De Simran Singh.


   Qu'il est attachant le personnage de cette travailleuse sociale, énergique, libérée, qui vit sa vie de femme célibataire comme elle l'entend dans une Inde où la femme doit rester à sa place. J'ai aimé le fait que l'enquête soit menée par une travailleuse sociale, une femme habituée aux difficultés rencontrées par ses compatriotes, une femme portant un regard plus humain sur toute l'histoire que ne le ferait n'importe quel flic. L'enquête "policière" est passionnante, mais semble bien secondaire. Ce roman est avant tout une critique virulente de la violence (surtout celle envers les femmes), et de la corruption qui gangrènent l'Inde. Une belle découverte pour moi. Je lirai avec plaisir les deux précédents volumes de cette série.

   "En fonction de la région du monde dans laquelle elles grandissent, les filles d'aujourd'hui semblent presque piégées par la pression de leur entourage, l'influence du commerce et le poids de la tradition. D'un côté on risque de les exploiter sexuellement si elles adoptent une attitude trop libérale et de l'autre, des traditions ancestrales leur volent leur enfance. Dans tous les cas, elles sont victimes de leur propre culture. Certaines jeunes filles aux États-Unis et au Royaume Uni ont des relations sexuelles - et même des bébés - dès l'âge de onze ans tandis que dans certaines régions de l'Inde, on force des petites filles à se marier alors qu'on devrait les laisser jouer ou aller à l'école."

dimanche 5 avril 2015

Leibniz ou le meilleur des mondes possibles




Leibniz ou le meilleur des mondes possibles de Jean-Paul Mongin aux éditions Les Petits Platons



    Leibniz est à l'hiver de sa vie. C'est un vieil homme qui a consacré sa vie à essayer de recenser toutes les connaissances. Chaque soir il reçoit la visite de Théodore, un jeune garçon à qui il demande de raconter sa journée, ce qu'il a appris à l'école. Théodore, quant à lui apprécie les histoires de l'érudit. Un jour Théodore s'interroge sur l'incapacité de Dieu ou son absence de volonté à empêcher le mal. Leibniz va lui raconter une histoire pour lui faire comprendre sa vision du monde.


   Puisant son inspiration dans le polythéisme de l'Antiquité, le savant va faire réfléchir le jeune garçon sur le fait  que les dieux et par extension Dieu, avant de créer le monde tel qu'il est, a analysé toutes les combinaisons possibles et que celle qu'il a retenue, est le meilleur des mondes possibles. Un monde où si le mal est présent, il fait partie d'un ensemble. Si le tableau final a quelques imperfections, c'est la plus belle oeuvre possible qui nous est présentée.


    "Ne seras tu pas le plus heureux des hommes, mon Théodore, si tu apprends à reconnaître dans le monde une exquise perfection ? Tu la verras d'autant mieux que tu deviendras savant, et que tu étudieras les astres ou les toutes petites choses. Et plus tu comprendras que l'univers, dans son ensemble, surpasse les voeux les plus sages et manifeste la bonté de son créateur, plus tu t'enflammeras de l'amour de Dieu, plus tu brûleras d'imiter à ta faible mesure sa divine justice. Tu seras ainsi toi-même comme une une petite divinité dans ton département, capable d'une manière de société avec Dieu, et tu travailleras à composer, avec les autres hommes, une divine cité, le plus parfait état sous le plus parfait des princes."


   Un grand merci à Babelio de m'avoir fait découvrir ce livre jeunesse  par son opération Masse Critique. Ce petit ouvrage  de Jean-Paul Mongin, magnifiquement illustré par Julia Wauters, nous présente sous la forme d'un conte philosophique la pensée de Leibniz. La collection Les Petits Platons  a pour vocation de faire sortir la philosophie de son ghetto élitiste, de rendre accessible au plus grand nombre des concepts philosophiques abscons. Ce petit livre très bien écrit est un excellent moyen de favoriser la réflexion des enfants sur notre monde et d'inciter à la discussion avec les parents qui y trouveront aussi leur compte. Une très belle initiative.



vendredi 3 avril 2015

QDP2015 Rencontre privilégiée avec Nicci French


QDP 2015 Rencontre privilégiée Nicci French Lecteurs.com





 Quelle ne fut pas notre surprise à Leila de Leeloo s'enlivre et à moi-même le jeudi 26 mars, de nous voir tous les deux sélectionnés par lecteurs.com pour une rencontre privilégiée, le 28 mars, avec le couple d'auteurs britanniques Nicci Gerrard et Sean French, plus connu sous le pseudo Nicci French. Et privilégiée, cette rencontre le fut car nous étions six avec les auteurs pour un petit-déjeuner convivial et surtout mémorable.


    

Avec le sourire, Nicci French se présentent à nous, nous demandent nos prénoms et nous invitent à ouvrir le débat. Débat que Nicci fait l'effort de commencer en français, et qui se poursuit par la suite en anglais avec l'aide d'une traductrice qui fut vite débordée par la fougue de Nicci qui contrairement à Sean, se laissait emporter par son élan.


    Toutes les questions se résument en une : comment Nicci et Sean arrivent à travailler à quatre mains, pour Nicci French alors que chacun a une carrière d'écrivain de son côté. Le but étant de créer un style propre à cette tierce personne qu'est Nicci French qu'ils surnomment "le fantôme".


  
Sean travaille dans leur abri de jardin, coupé de toute technologie, dans le calme. Il écrit un chapitre, l'envoie à Nicci qui le relit et le modifie si nécessaire et attaque le chapitre suivant.

  







Nicci travaille dans l'atelier sous les combles entourée d'objets rassurants. Dans cette pièce, elle trouve l'énergie et la sérénité nécessaires à la création.

  




 La principale règle, fixée au début de leur collaboration, est de ne pas revenir sur les modifications apportées par l'autre et de ne jamais communiquer dessus. Personne ne doit savoir qui a écrit telle ou telle phrase. Cette règle est la clé de leur réussite littéraire et de la survie de leur couple. Car des couples d'auteurs, il y en a eu, mais ils n'ont pas duré longtemps. A l'évocation de notre projet d'écrire cette chronique à quatre mains, Nicci nous a présagé la fin de notre amitié! :)







   Nous tenons à remercier Nicci French de leur disponibilité et leur gentillesse et nous tenons à les rassurer sur le fait que notre amitié a résisté à l'écriture de ce billet.

    Un grand merci aussi à lecteurs.com d'avoir organisé cette rencontre qui restera le point fort de notre Quais du Polar 2015!












On a tué tous les Indiens



On a tué tous les Indiens de Jules Gassot aux éditions Robert Laffont




  Benjamin Chambertin est à l'aube de ses trente ans. A l'heure des premiers bilans autant dire que la situation n'est pas reluisante. Ce passionné de cinéma qui se voyait réalisateur doit se contenter d'un poste d'administrateur de production, son rôle se borne à établir les fiches de paie et à gérer les notes de frais. Mais surtout, Julie, son amour depuis sept ans vient de le quitter. Toute rupture est un deuil et Benjamin va s'y heurter de plein fouet.

   "C'est quoi une rupture? Deux êtres qui se disent au revoir en sachant qu'ils ne se reverront jamais. Deux enfants qui font la guerre, pas dans le même camp. Deux joueurs avec les mauvaises cartes qui ne veulent pas perdre. Une rupture c'est un truc dégueulasse qui arrive par surprise. C'est le gouffre  où l'on sombre comme lorsqu'on est amoureux. Une rupture c'est la mort qui change de nom parce qu'on est toujours vivant."

  Nous allons suivre Benjamin dans dans les différentes étapes de son deuil. Si le deuil comporte sept étapes : le choc, le déni, la colère et le marchandage, la tristesse, la résignation, l'acceptation et la reconstruction, ce sont surtout  la colère et la tristesse qui suintent des pages de ce livre. La colère contre Julie qui l'a quitté et contre la société de consommation qui transforme l'amour en produit. Un produit que l'on consomme et que l'on jette dès qu'il ne fonctionne plus comme on le voudrait, qu'on remplace par une autre histoire sans chercher à le réparer. Une colère et une tristesse qui vont prendre la forme d'une fuite en avant pour Benjamin. Un lent suicide à coup d'alcool, de tabac et de drogue.

   "Je cherche le bien dans l'horreur de la nuit. Laisse moi me perdre dans ta tête, je veux pénétrer les méandres de ton cerveau, je suis le venin qui te fera mal, tu vas adorer, je veux te défoncer et moi avec. Paris la nuit, tous les coups sont permis. Mélange de sexe et de sang, intraveineuses de liberté, tout ça pour quoi? Ne plus sentir son corps, ne plus avoir de limites, s'éclater le crâne contre les murs, aller aux enfers avec de parfaites inconnues pour voir si la Terre est ronde. La vie est une maladie que je soigne au whisky."

   Un énième roman sur la rupture me direz-vous. Oui le thème est éculé mais il est traité avec force et de manière originale. De courts chapitres de deux ou trois pages dont le titre fait référence à un western. On retrouve ici la passion de l'auteur pour le cinéma. Mais pourquoi cette référence au western en titre de chaque chapitre? Le western montre la vie et l'amour tels qu'ils sont, une lutte où les plus faibles sont décimés. Avec ce premier roman très réussi Jules Gassot a su me toucher par la sincérité, la fougue, la verve de sa plume à fleur de peau, une plume très prometteuse. J'attends la suite avec impatience.

   "Pourquoi sommes nous là? La philosophie, la religion, qui de l'autre a enfanté la suivante? À force de chercher, de ne rien trouver, l'homme s'est inventé ses propres mythes, ses croyances exubérantes, et pour finir toutes ses appréhensions ont accouché de leur missel : la carte bleue. Nous sommes ici pour l'utiliser. Un nouvel être, une nouvelle carte. À chaque étape, une carte supplémentaire. En accumuler un maximum c'est la garantie d'aller au paradis. Pour l'enterrement on présente la facture, les crédits à payer, les emprunts tout propres pour recouvrir la bassesse de notre condition."