jeudi 29 mai 2014

Il est de retour




Il est de retour de Timur Vermes aux éditions Belfond





    Un jour d'août 2011, un homme s'éveille sur un terrain vague. Aussi étrange que cela puisse paraître, cet homme n'est autre que l'ex Führer du IIIème Reich, Adolph Hitler. Désorienté, il se demande où est passé son état major et est surpris de ne pas entendre la déflagration des bombes. Il se croit toujours en 1945.  Il croise de jeunes gens bizarrement vêtus qui jouent au football et qui ne semblent pas le reconnaître.  Il sort du terrain vague et parcourt les rues découvrant  un Berlin sans traces de combat, une ville reconstruite où les voitures grouillent. Il se rend à un kiosque de journaux et s'évanouit en lisant la date sur un quotidien.


 
   Le kiosquier ému par sa détresse l'héberge quelques temps dans le kiosque et persuadé qu'il s'agit d'un sosie d'Hitler, d'un acteur, il le met en relation avec les producteurs d'une émission de télévision. Hitler atterré par ce qu'est devenue son Allemagne, et par le comportement de sa population va se servir de la télévision pour essayer de retrouver le pouvoir et remettre l'Allemagne sur les rails qu'elle n'aurait jamais du quitter.


  Ce livre présenté comme une satire, comme un livre hilarant ne m'a fait sourire qu'une ou deux fois. Les descriptions de l'état de la presse et de la débilité des programmes de télévision sont assez savoureuses.  " Tout le monde sait à quoi s'en tenir avec nos journaux : le sourd note ce que lui raconte l'aveugle, le crétin de service corrige le tout et les collègues recopient!"  Mais à part cela que dire??? Le sujet était pourtant intéressant et prometteur, mais que de longueurs, que de redondances, un style d'une lourdeur digne d'une Panzer Division. J'ai été plus d'une fois tenté d'abandonner cette lecture tant le rythme de l'histoire est lent et le style de l'auteur rébarbatif. Jamais je n'ai réussi à vraiment entrer dans le roman. Mais après tout peut-être n'ai-je pas été sensible à l'humour de ce roman!

Lecture commune avec Martine Litter'auteurs dont voici la chronique
http://litterauteurs.canalblog.com/archives/2014/05/29/29971930.html

Merci Martine pour nos échanges.


mardi 27 mai 2014

Le dernier déluge



Le dernier déluge de David Emton aux éditions Albin Michel



   C'est le nuit de Noël. Dans un Paris assailli par le déluge, Christine Petit reçoit un bien étrange colis provenant de l'entreprise où elle travaille comme réceptionniste. Ce colis lui a été envoyé par Jacques Levine chercheur chez Galaxim, un important laboratoire. Le colis est accompagné de clés et d'une carte sur laquelle est écrite une phrase énigmatique. Ne sachant que faire Christine se décide à aller frapper chez son voisin Damien pour lequel elle ressent une certaine attirance. Le colis contient un bébé enveloppé dans une membrane translucide comportant à sa surface  des capteurs indiquant les constantes physiologiques de l'enfant. Damien, journaliste scientifique lui explique qu'il s'agit d'une sorte de couveuse très sophistiquée et très coûteuse et quand il comprend d'où vient le colis il devine qu'il s'agit là de quelque chose de  potentiellement dangereux. Alors qu'ils discutaient sur ce mystérieux colis un individu fait sauter la porte de l'appartement de Christine. Les deux voisins prennent la fuite dans un Paris ravagé par les inondations, poursuivis par des tueurs à la solde de gouvernements et de multinationales.


  La course poursuite qui se joue dans le roman se déroule dans un Paris ravagé par les inondations. La ville fragilisée par son modernisme menace de s'écrouler : "C'était la sophistication de la ville moderne qui la rendait vulnérable à l'eau : l'ingéniosité de l'homme avait partout ouvert  la voie aux flots. La nature ne prenait pas seulement sa revanche sur la seule race qui ait oser persister à travers des âges, quand elle aurait dû disparaître, à l'instar de toutes ses devancières ; la nature se jouait des plus fines réalisations de l'homo sapiens et les retournait contre ses ingénieux créateurs" C'est un Paris détruit et qu'il faut évacuer de toute urgence que nous décrit l'auteur, et pourtant le préfet n'est chargé que d'une mission par le président de la république : retrouver ce nouveau né. Cela en dit long sur la potentielle dangerosité de l'enfant.


Dans ce thriller efficace, haletant David Emton nous montre que la nature peut être le pire ennemi de l'homme et que la protection de l'environnement ne doit pas empêcher l'homme de se méfier de cette nature qui a toutes les armes pour de débarrasser de son occupant le plus envahissant.


  "Notre sophistication est notre faiblesse.
    Nos villes si modernes, appellent la dévastation.
    Nos corps si protégés, appellent l'anéantissement.
    La nature veille, la nature guette.
    La nature ne nous aime pas."
    


 Un roman passionnant  qui devrait vous faire passer d'excellents moments cet été.

samedi 24 mai 2014

Yellow birds



Yellow birds de Kevin Powers aux éditions Stock



   Bartle, jeune homme en quête de repères n'a pas de perspectives d'avenir, bien décidé à changer les choses il quitte le domicile familial contre l'avis de sa mère pour s'engager dans l'armée. Il y trouve un monde rassurant, un monde où il n'a pas de décision à prendre, pas de choix à faire. Il se lie d'amitié avec Murph, un garçon un peu plus jeune que lui.


   Très vite les choses tournent au vinaigre quand les deux jeunes comprennent qu'ils vont partir faire la guerre en Irak. Lors d'une soirée organisée avec les familles juste avant le départ, Bartle  fait l'erreur de promettre à la mère de Murph qu'il ramènera son fils vivant d'Irak. Nous découvrons alors l'enfer des champs de batailles avec leurs massacres, leurs exactions d'un côté comme de l'autre.


  Ce roman poignant alterne les scènes de guerre parfois à la limite du soutenables et les conséquences que le conflit a eu sur la vie de Bartle, un roman qui dénonce l'absurdité de la guerre. La guerre décrite comme un personnage ayant sa volonté propre. " La guerre prendrait ce qu'elle pourrait . Elle était patiente. Elle n'avait que faire des objectifs , des frontières. Elle se fichait de savoir si vous étiez aimé ou non . La guerre s'introduisit dans mes rêves cet été là, et me révéla son seul et unique but : continuer, tout simplement continuer. Et je savais qu'elle irait jusqu'au bout." Les soldats y sont décrits comme des morts en sursis qui ne se sentent vivants que lorsqu'ils voient tomber un camarade, ils ne se sentent vivants qu'en réaction à la mort qui frappe à côté d'eux. Ceux qui en reviennent ne sont plus que des coquilles vides seulement animées par la force de l'habitude et qui vivent dans le cauchemar de leur souvenir. Un très beau roman, très émouvant, perturbant.





jeudi 22 mai 2014

La briscola à cinq



La briscola à cinq de Marco Malvaldi aux éditions 10-18


 



Un jeune homme sort de discothèque passablement éméché. Il prend imprudemment sa voiture pour rentrer chez lui. L'esprit embrumé par les vapeurs de l'alcool il s'arrête sur une aire de pique-nique pour reprendre ses esprits et découvre dans une poubelle le cadavre d'une jeune femme. Il se rend au café le plus proche pour alerter la police qui vue son élocution perturbée par l'alcool ne le croit pas. Le patron du café lui offre d'aller vérifier ses dires et appelle la police. Dans cette petite station balnéaire de Toscane, un tel fait, rarissime, et en plus en début de saison estivale déchaîne les passions. Le patron du café, Massimo est très vite convoqué comme témoin.


 
 Ce roman nous offre une galerie de personnages haut en couleurs et des dialogues savoureux.

   " " Alors Walter, dites moi tout! Age, sexe, heure, cause divers."
      Le regard rivé sur la pointe de ses chaussures, le médecin croisa les mains dans son dos et commença
      "Age : dix-neuf ans. Sexe : féminin pour le cas où on aurait besoin d'un médecin pour l'établir. Décédée depuis au moins deux heures et au plus cinq, ni plus ni  moins. Cause de la mort : étranglement. Divers : le monde regorge de cons.""


   Dans ce roman la police en prend pour son grade, c'est le patron du bar accompagné de quatre vieillards piliers de comptoir, dont son grand-père qui vont résoudre cette affaire en en discutant au cours de parties de cartes animées. Ce roman policier a des côtés pagnoliens à la sauce italienne. Des personnages truculents, des dialogues ciselés. Un roman parfait pour cet été, pétillant comme un Asti spumante, à servir bien frais. Un régal avant ou après la sieste ou à la terrasse d'un café en savourant un délicieux verre de Limoncello bien frais!


    Roman à paraître le 05/06/14



mercredi 21 mai 2014

Elle portait un manteau rouge




Elle portait un manteau rouge de Pierre Crevoisier aux éditions Tarma




 Le roman s'ouvre sur une scène de suicide, un suicide programmé, minuté , préparé avec une précision horlogère toute suisse. Une ouverture qui nous plonge d'entrée dans l'ambiance générale du roman, un drame par moments étouffant.


    Vincent à l'annonce de la mort de son frère dans un accident de voiture se rend chez celui-ci, très vite il comprend que l'accident n'en n'est pas un. Dans le nid d'aigle de son frère, une maison au bord d'un gouffre (le symbolisme n'est pas fortuit) il découvre des dessins, les esquisses d'une femme en rouge, et un carnet. Le carnet raconte la rencontre de son frère, photographe avec une mystérieuse femme en rouge qui va l'obséder, il va tout faire pour retrouver cette femme croisée sur un quai de gare. Entre ses deux êtres, va naître une relation tout en passion, en sensualité, en violence, une relation marquée par la destruction. La rencontre de deux êtres blessés, pleins de failles,  qui vont réouvrir d'anciennes blessures. Vincent à travers le récit de son frère, à travers les mots qu'il a écrits, va découvrir un homme qu'il ne connaissait pas, un homme fragile, marqué, blessé.


   "Anna est revenue. Elle m'a lancé un appel joyeux. Toujours cette capacité à feindre d'oublier les déchirures. Mais elle n'oublie pas. A la moindre averse, les détails imperceptibles reprennent vie, ma culotte à l'envers, le ton de ma voix, le regard d'une autre femme, cinq minutes de retard, mon air de dromadaire, une seconde d'hésitation, une sale tronche, l'électricité de l'air, un vin éventé, une idée saumâtre, l'atmosphère du soir , un parfum empoisonné, un nuage devant les yeux, l'humeur d'un chien, le souvenir d'autres tempêtes, le feu sous la braise, l'acrimonie naît de toutes les étincelles. Parfois je me demande si Anna ne règle pas ses comptes avec son histoire à elle, une histoire qui ne me concerne pas  sinon que je réveille chez elle des réflexes pavloviens en touchant des cicatrices encore vives. Elle refuse d'en parler."


   Avec Elle portait un manteau rouge, Pierre Crevoisier nous offre un premier roman tout en tension, en violence, un roman intense aux scènes tour à tour dures, insoutenables, sensuelles, le tout servi par un style tantôt cru tantôt très poétique qui sert à merveille la description de cet amour destructeur. Un roman palpitant qu'on ne peut plus lâcher une fois commencé.

mardi 20 mai 2014

Après quoi on court



Après quoi on court de Jérémy Sebbane aux éditions MA Editions



   Nous suivons dans ce roman deux garçons et deux filles pendant leur adolescence, de l'âge de quinze ans à vingt-cinq ans. Pendant ces dix ans nous allons être les témoins de leurs histoires de coeur, beaucoup, mais aussi de leurs aspirations professionnelles, nous allons assister à leurs errements, à leurs trahisons, à leurs petites victoires.


    Aaron et Michael sont amis depuis l'enfance, même si pour Aaron les choses sont plus compliquées car il est amoureux de son ami. Il ne veut rien lui avouer car il a peur de perdre sa belle amitié. Dana vient se greffer au duo et devient la petite amie de Michael, elle voit clair dans le jeu d'Aaron et une forte rivalité naît entre eux. Lisa elle est très attirée par Aaron même si elle comprend vite que son amour est voué à l'échec.


   Tout au long de ce roman à quatre voix les personnages nous prennent à témoins, ils nous racontent de manière à la fois directe et pleine de pudeur leur questionnements autour de l'amour, de la sexualité, mais aussi de la politique, de la culture, nous livrant une véritable photographie de la société des années 2000. On les voit réagir aux attentats du 11 septembre 2001, au choc du résultat des élections présidentielles de 2002, aux affrontements au Moyen Orient. Le lecteur revit avec eux cette période et se souvient de comment il a réagit à ces événements. Un roman qui peut sembler léger au premier abord mais qui pose beaucoup de questions sur l'évolution de la société et sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte.


   "Le temps avait passé. Il avait balayé quelques évidences, il m'avait mis face à des difficultés et à des dilemmes que je n'aurais pu imaginer.
     J'avais décidé de grandir . Et apprendre à grandir malheureusement, c'est apprendre à renoncer.
     J'avais fait le bon choix. Enfin, je crois."

samedi 17 mai 2014

La bête des Saints Innocents




La bête des Saints Innocents de Jean d'Aiglon aux éditions Flammarion


    Nous sommes en 1590. Le royaume de France est plongé dans le chaos suite à l'assassinat du roi Henri III. Son héritier légitime est rejeté par une partie de la population car huguenot. Henri de Navarre doit petit à petit, reprendre possession de son royaume par la force. Avec ses troupes il fait le siège de Paris, une capitale aux mains de La Sainte Ligue, groupement de catholiques acharnés. Très vite la famine ravage les rues de la capitale. Mais les ligueurs ne veulent pas céder.

    "Et pour cause, dans les meilleures maisons de Paris, on avait faim. Les serviteurs ne recevaient qu'une demi-livre de pain ou de bouillie par jour et étaient contraints de chasser chiens et chats.

     La seule chose bon marché restait les sermons des prédicateurs qui assuraient que c'était fort agréable à Dieu que de mourir d'inanition. Certains déclaraient même qu'il valait mieux tuer ses enfants que de reconnaître pour roi un hérétique."

   Dans ce Paris ravagé par la faim, un cadavre de femme en partie dévorée est découvert dans le cimetière des Saints Innocents. D'autres corps de femmes sont découvert par la suite, de qui on a bu le sang. Pierre Pigray, chirurgien appelé pour examiner les cadavres pense qu'il s'agit là des oeuvres d'un loup-garou. La Ligue va sauter sur l'occasion. Pour relancer la résistance émoussée du peuple de Paris, elle va lui faire croire que la responsable de ces crimes est une bête démoniaque envoyée par ce "chien de béarnais".


   Olivier Hauteville, chevalier fidèle au roi légitime, va s'infiltrer dans Paris pour libérer un sympathisant du roi emprisonné car il avait tenté de faire entrer le roi dans Paris, essayer de déjouer un assassinat contre ce dernier et affronter une vieille connaissance en la personne de Louchart, commissaire félon acquis à la Ligue pour faire fortune.


   Ce passionnant roman particulièrement bien documenté nous emporte dans ce Paris sous tension. Un Paris écartelé entre la soumission au roi légitime, et l'obéissance  à la religion catholique marquée par le fanatisme religieux. Une Ligue elle même divisée en deux factions.  Nous sommes également plongé dans cette période par le style de l'auteur, un style vif émaillé d'expressions de l'époque. Un style qui rappelle celui de Robert Merle dans Fortune de France qui reste pour moi une référence dans le domaine du roman historique. Nul doute, Monsieur d'Aillon que je replongerai avec délices dans les aventures de vos héros.

mardi 13 mai 2014

Le Horla d'après Maupassant




Le Horla d'après Maupassant de Guillaume Sorel  aux éditions Rue de Sèvres




   D'un naturel peu enclin à céder aux charmes de la BD, je me suis laisser tenter par cette adaptation d'un classique de la littérature française. J'étais curieux de voir comment on pouvait adapter un tel roman en dessin. J'ai été séduit par le résultat.

   Le roman de Maupassant publié en  1887, est considéré par beaucoup comme le premier roman fantastique français. Il nous raconte les hallucinations d'un homme hanté par un personnage surnaturel. Là où l'oeuvre et son adaptation diffèrent est que Guillaume Sorel a choisi de mettre plus l'accent sur le côté fantastique de l'oeuvre que sur les aspects psychanalytiques essentiels dans l'oeuvre de Maupassant.  La psychanalyse en était à ses balbutiements à l'époque  et Maupassant  était lui même touché par de tels troubles. Guillaume Sorel laisse planer un doute  sur le fin mot de l'histoire est-on en présence de phénomènes surnaturels ou bien le personnage principal est-il victime d'une maladie mentale, ce qui est très clair dans l'original. L'original est rédigé sous la forme d'un journal, tandis que dans l'adaptation, la victime des phénomènes prend son chat à témoin des événements qui le bouleversent, un chat absent dans l'oeuvre originale.

   La réussite de cette adaptation tient à ce contraste entre les dessins très réalistes, classiques, et ceux décrivant "les manifestations surnaturelles", d'une beauté à couper le souffle de par leur caractère torturé, cauchemardesque. Un très bel album qui a su s'affranchir de l'original pour constituer lui-même une oeuvre à part entière.

lundi 12 mai 2014

Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur




Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur de Christine Orban aux éditions Albin Michel


 
 Joséphine, répudiée par Napoléon passe son temps à noircir les pages d'un cahier. Ce texte est une longue lettre à son ex mari revenant sur leur histoire commune de leur rencontre à la dissolution de leur mariage. Un cahier qui devra être remis à l'ancien empereur exilé à l'île d'Elbe à la mort de sa rédactrice.

   Ce texte débute par la convocation de Joséphine par Napoléon. Le moment qu'elle redoutait est arrivé, le couperet va tomber, qui va mettre fin à quinze ans de vie commune. Même si elle s'attendait à cette répudiation pour raison d'Etat, Napoléon a besoin d'un ventre fécond pour asseoir sa dynastie, Joséphine est anéantie
quand l'Empereur lui annonce sa décision.

  "Un cri finit par s'échapper de ma poitrine, un cri de détresse. J'aurais dû le retenir. Les oreilles indiscrètes collées à la porte raconteront et déformeront cette scène, mais sur le moment je n'y pense pas, je hurle avec la force d'une suppliciée avec un abandon que ni mon rang ni mon honneur n'auraient dû me permettre. je ne suis plus rien, je ne suis qu'une femme rejetée, une femme qui pleure son amour perdu, une femme humiliée qui ne peut retenir ses cris de souffrance."

   Dans ce superbe roman, Christine Orban a réussi à se glisser dans la peau d'une Joséphine bafouée, détruite mais toujours amoureuse et bienveillante à l'égard de celui qui restera l'amour de sa vie et qui l'aimait profondément mais moins que son destin

   "Ton désir de pouvoir a vaincu le désir de mon corps."

   "Ta pâleur était celle d'un mort. J'avançai une main tremblante, et je me saisis de la plume. La stupeur avait gagné l'assemblée. Te rendais-tu compte de ce qui se passait autour de toi? L'amour sacrifié sur l'autel de la gloire. Quand l'ambition en est là, on tremble à l'idée des malheurs qu'elle peut engendrer."

L'auteure nous raconte la fin de l'histoire de ce couple au destin extraordinaire, dissout pour des raisons d'état. Elle nous décrit la fin d'un couple mais pas d'un amour . L'histoire d'un chagrin d'amour ordinaire, un chagrin d'amour universel.

 

 

vendredi 9 mai 2014

Nageur de rivière




Nageur de rivière de Jim Harrison aux éditions Flammarion


   Nageur de rivière est composé de deux novellas : Au pays du sans-pareil et Nageur de rivière qui donne son nom à l'ouvrage.


Au pays du sans-pareil

   Clive, la soixantaine, ancien artiste peintre converti en expert et professeur en histoire de l'art retourne dans sa campagne natale pour s'occuper de sa mère passionnée d'ornithologie,  pendant que sa soeur part faire le tour de l'Europe. Ce retour aux sources va être l'occasion pour ce bourgeois revenu de tout et n'ayant pas une haute opinion de l'art et de lui même de vivre une véritable renaissance, un bain de jouvence. Il va retrouver le contact avec la nature et les plaisir authentiques de la vie qu'il avait perdus dans sa vie citadine. Il va aussi retrouver son premier amour pour qui à sa grande surprise il ressent toujours un désir qu'il croyait éteint. Pendant ce séjour il va surtout se remettre à peindre, une activité dont il avait perdu le goût car il l'avait trop intellectualisée et qu'il était dégoûté par les compromissions nécessaires à la survie dans un monde de l'art marqué par le mercantilisme.

   "Il se rappela avec un respect immodéré le plaisir grandissant qu'il prenait, à dix ans, en regardant des tableaux et en écoutant de la musique classique, l'absence de l'esprit dans cet amour nouveau. Comme il était merveilleux d'aimer une chose sans les compromis du langage."

   "Septuagénaire décrépit, il créerait une série de tableaux purement abstraits sur les phases de la lune, qui avaient dominé sa conscience tout en étant à peine observables à New York. Il avait toute raison de croire qu'il avait laissée langage et la pensée le trahir ; ce serait donc un immense soulagement de peindre et de renoncer au langage et à la pensée."


Nageur de rivière

   Thad a vécu toute sa jeune vie dans une ferme située sur une île posée au milieu d'une rivière. Elevé en partie partie par une vieille indienne très proche de sa famille, il a été bercé par les légendes indiennes. Dès son plus jeune âge il a été attiré par l'eau qui l'entourait. Très vite il est devenu un nageur infatigable parcourant de longues distances. Un jour alors qu'il nageait sous l'eau il fit la rencontre de bébés aquatiques. Ces bébés aquatiques seraient la réincarnation des enfants mort-nés ou en bas âges selon les légendes indiennes. Fasciné par cette rencontre il hésite entre le fait de taire ce secret ou de le révéler à la communauté scientifique. Lors de ses voyages à la nage il fait la rencontre d'Emily, la fille d'un magnat de Chicago qui lui propose une vie facile. Attaché à sa vie campagnarde marquée par l'effort et à son contact charnel avec la rivière, il hésitera alors entre les possibilités que lui offre l'argent d'Emily et une vie plus âpre mais indépendante.

   "Si les esprits aquatiques existaient pour de bon, ils exerçaient une forte emprise sur lui, un peu comme l'amour sur les jeunes hommes, une espèce de maladie obsessionnelle."

   "Le jeune et brillant professeur de Michigan State avait déclaré que les poètes et les romanciers faisaient la putain pour le langage, qu'ils auraient donné n'importe quoi en échange d'une bonne page. Thad acceptait volontiers l'idée de faire la putain pour nager, la seule activité qui lui procurait un plaisir absolu et la sensation  d'appartenir corps et âme à la terre, surtout quand il nageait dans des rivières ou des fleuves dont le courant enveloppait son corps et l'emportait à son rythme."

   Dans ces deux novellas Harrison fait l'éloge de la vie simple, de la vie au contact de la nature, une vie faite de simplicité, par opposition à la vie en ville corrompue par l'argent, la consommation, les plaisirs faciles mais éphémères. C'est par le contact avec la nature que nos deux personnages donnent un sens à leur vie. Deux très beaux textes servis par une plume poétique et sincère. Harrison est un conteur admirable.

 

mercredi 7 mai 2014

Ce que porte la nuit



Ce que porte la nuit de Scott O'Connor aux éditions Belfond




    Whitley, Le Kid, vit seul avec son père depuis le "départ" de sa mère. Le Kid, enfant vif, plein d'enthousiasme, animant des talk shows pour ses parents est profondément marqué par l'absence de sa mère. Il ne croit pas que sa mère est morte comme lui a raconté son père, il pense qu'elle est partie  car elle ne l'aimait pas assez. Pour la faire revenir Le Kid fait un pacte avec Dieu, il promet de garder le silence.


    La vie du père est de l'enfant est marquée par le silence et la noirceur. Darby, le père du Kid, travaille dans une entreprise de nettoyage spécialisée dans le traitement des scènes de morts violentes. Pour protéger sa santé mentale, il ne parle jamais de son métier à sa famille, mais c'est un métier qui le mine profondément. De son côté le Kid est le souffre douleur de son école, outre le fait qu'il ne parle pas, ses camarades de classe se moquent de lui et l'agressent car il dégagerait de fortes odeurs corporelles.


    Ce que porte la nuit est un roman très noir, très triste,  au rythme très lent mais, que malgré tout, on ne peut pas le refermer avant la fin, avant de savoir ce qui a détruit cette famille. Un beau  roman marqué par la mort et par le deuil, par l'aspect périssable des corps. Un roman à découvrir quand tout va bien dans sa vie sinon mieux vaut s'abstenir.

lundi 5 mai 2014

Nos vies désaccordées




Nos vies désaccordées de Gaëlle Josse aux éditions Autrement


     François Vallier est un jeune pianiste virtuose demandé dans le monde entier. Sa carrière est menée tambour battant, il vit avec Monica qui semble se satisfaire de ses voyages incessants, pourtant il n'est pas satisfait :

   "Depuis quelques mois, ma vie ressemble à un manège dont les nacelles figées entre ciel et terre, auraient perdu tout espoir d'en redescendre un jour

     Un jour alors qu'il consulte son site pour y lire le courrier de ses admirateurs, il tombe en arrêt sur le message d'un homme qui le remercie  pour ce que sa musique a apporté à sa vie, il lui précise qu'il travaille dans un hôpital psychiatrique où une jeune femme écoute ses disques en boucle. François aurait-il retrouvé Sophie, son amour perdu? Bouleversé par cette possibilité, il plaque petite- amie, engagements professionnels pour se rendre sur les lieux.

     Arrivé sur les lieux, François doit attendre le feu vert des psychiatres avant de pouvoir retrouver l'amour de sa vie. Ces journées sont occupées entièrement pas les souvenirs de sa relation avec Sophie et par le remord.

    "C'est ainsi, entre les interstices des souvenirs, que se faufilent quantité d'images désordonnées, échappées de la mémoire, comme un arrière plan incertain qui s'éclaire peu à peu et dont on préfèrerait parfois qu'il reste dans l'ombre."

     
Dans ce magnifique roman plein de musicalité de sensibilité et de poésie, Gaëlle Josse revisite à sa façon le mythe d'Orphée. François rongé par le remord, tel Orphée ne va pas hésiter à tout abandonner pour tenter de ramener Sophie, son Eurydice, de l'enfer physique et mental dans lequel elle se trouve enfermée. Nos vies désaccordées est un  superbe roman d'amour et de rédemption. Je suis tombé sous le charme de le plume pleine de pudeur et de poésie de Gaëlle Jossse.

dimanche 4 mai 2014

Le nombre de fois où je suis morte





Le nombre de fois où je suis morte de Marie-Christine Buffat aux éditions Xenia


   

   A travers ces quelques treize nouvelles, c'est à un voyage à travers la psychologie féminine que Marie-Christine Buffat nous convie. On y rencontre des personnages féminins à différents âges de la vie, de différentes classe sociales, qui toutes nous racontent la complexité féminine.


     On y retrouve la fin de l'enfance avec la première relation sexuelle, l'évolution du corps à la puberté, la honte face à ce corps en changement, la gène provoquée par le regard de l'autre :

   "Dès qu'on la regarde, son regard à elle cherche un paravent, un bout de placard, un trou où se terrer. Elle a les yeux dominos que d'autres yeux dominos font tomber à peine on les effleure."


     Il y est bien entendu question des relations avec les hommes. Ces hommes si recherchés mais qui ne comprennent rien aux femmes et se comportent avec elles comme des goujats. Des hommes qu'il faut savoir appâter sans les faire fuir :

     "Les "je t'aime" sont des tremplins à bonshommes qui les envoient directement en orbite autour d'une planète sur laquelle les téléphones sonnent sans cesse dans le vide."


     Marie-Christine Buffat sait à travers ces nouvelles nous faire voyager sur une gamme d'émotions qui va du rire aux larmes aux yeux. Elle nous décrit toutes ces petites morts du quotidien qui sont autant de petites défaites, de petites victoires, des moments de la vie de femme avec un style à la fois poétique et terre à terre, fait de phrases courtes et rythmées. Elle nous prend par la main et ne nous lâche plus. Décidément ces auteurs suisses savent nous transporter.

 

samedi 3 mai 2014

Le mensonge d'Alejandro




Le mensonge d'Alejandro de Bob Van Laerhoven aux éditions MA Editions


 
   Le Terreno est un pays fictif d'Amérique du sud dirigé d'une main de fer par le général Pelaron. Après 10 ans de prison Alejandro Maldiga, guitariste du célèbre groupe Aconcagua dont le leader, le chanteur poète Victor Perez a été exécuté, retrouve la liberté. Dix ans passés dans la tristement célèbre prison La Ultima Cena : La Cène ainsi nommée car on y sert un bon repas aux condamnés à mort.

   C'est un être brisé qui sort de prison,  déjà pas très enthousiaste sur le message contestataire véhiculé par les chansons du groupe avant son incarcération, il est devenu complètement résigné. Il avait rejoint le groupe pour faire carrière, pas par conviction. Doué techniquement, il lui manquait l'âme pour égaler son leader.


   "Fais chanter cette guitare, tu en es capable. C'est la voix des gens qui ont perdu leur langue. (Elle tendit le bras en direction de la rue.) Ils sont devenus muets, on les a fait taire, ils ne sont plus bons  qu'à attendre que la mort vienne les chercher. (Violeta hocha la tête. Une lueur rusée s'alluma dans ses yeux.) Voilà ce que doit pouvoir traduire ta guitare, cajoleuse, flatteuse, caressante, haletante, menaçante, hurlante."

   Un jour il aide Beatriz Candalti, la fille d'un magnat proche du pouvoir, à échapper aux troupes lors d'une manifestation contre le régime. Elle va lui faire rencontrer plusieurs membres d'un réseau de résistance à l'oppresseur : Cristobal, le responsable de la bibliothèque de l'université, Joao artiste lui-même et responsable d'un village d'artistes  situé dans la montagne et René Lafargue, un prêtre belge qui se consacre à l'aide des habitants les plus démunis des favelas de la capitale. Alejandro va se retrouver embringué dans ce mouvement de résistance contre son gré.


   Le mensonge d'Alejandro est un roman passionnant où l'on voit les personnages lutter non seulement contre la dictature mais aussi contre leurs propres contradictions, leurs propres démons. Alejandro dont le courage n'est pas la première qualité, loin s'en faut, va se retrouver impliqué, par désir de reconnaissance, par besoin d'être aimé dans une entreprise dont la portée politique le laisse complètement froid. Un roman qui décrit par petites touches précises les dictatures d'Amérique latine, telles qu'en ont connues des pays comme l'Argentine, ou le Chili. Une belle découverte.

jeudi 1 mai 2014

Home




Home de Toni Morrison aux éditions Christian Bourgeois Editeur


   Franck Money, jeune homme afro-américain a quitté sa ville de Lotus en Géorgie car elle ne lui offrait aucune perspective:

   "Lotus Géorgie, est le pire endroit au monde, pire que n'importe quel champ de bataille. Au moins sur un champ de bataille, il y a un but , de l'excitation, de l'audace et une chance gagner, en même temps que plusieurs chance de perdre. La mort est une chose sûre, mais la vie est tout aussi certaine. Le problème c'est qu'on ne peut pas savoir à l'avance.
    A Lotus, vous saviez bel et bien à l'avance puisqu'il n'y avait pas d'avenir, rien que de longues heures passées à tuer le temps."


     Les champs de bataille, Franck va connaître, pour quitter son trou perdu, il va s'engager dans l'armée avec deux de ses amis d'enfance. Un engagement qui les conduira à la Guerre de Corée. Franck en reviendra seul, ces amis ayant succombé au combat. Il en reviendra certes mais y aura laissé son innocence. Avec la mort de ses amis, c'est son enfance qui meurt.


     Démobilisé, il tente de se réintégrer dans la vie civile. La réadaptation est difficile car il a été meurtri par cette guerre, il souffre d'un syndrome post traumatique qui ne lui laisse que peu de répit;
    "Ainsi comme souvent lorsqu'il était sobre, il voyait un garçon remettre ses entrailles dans son ventre, les tenant au creux de ses mains comme une boule de cristal prête à éclater sous l'effet d'une mauvaise nouvelle ; ou bien , il entendait un enfant ayant seulement la moitié inférieure du visage intacte et dont la bouche criait maman."


    Un jour, alors qu'au retour de la guerre il avait préféré ne pas rentrer dans sa région natale, en partie pour ne pas avoir à affronter le regard des parents de ses amis morts au combat, il reçoit une lettre l'informant que sa soeur est malade et qu'elle est en train de mourir. Franck qui était très proche de sa soeur car c'est en partie lui qui l'a élevée décide  de rentrer au pays. Il va traverser une Amérique marquée par la ségrégation raciale pour se porter au chevet de sa soeur.


    Toni Morrison nous offre une oeuvre bouleversante et pleine d'humanité où il est question d'enfance, de culpabilité mais aussi d'espoir, un livre sur les racines, sur le foyer. Un roman qui décrit à merveille l'atmosphère lourde régnant dans cette Amérique des années 50. Un pays où les noirs n'avaient aucun droit et étaient encore en quelque sorte des esclaves.  Un texte court mais qui marque par son intensité et sa beauté.