dimanche 31 décembre 2017

Et soudain, la liberté


Et soudain, la liberté d’Evelyne Pisier et Caroline Laurent aux éditions Les Escales



En recevant le manuscrit d’Evelyne Pisier, Caroline Laurent ne se doutait probablement pas de l’aventure qui l’attendait. La lecture de l’histoire d’Evelyne et de sa mère est un véritable bouleversement pour l’éditrice. Très vite les deux femmes se rencontrent et naît entre elles une amitié malgré leur différence d’âge. L’éditrice conseille à son auteur de transformer sa biographie en roman.

« Évelyne voulait raconter l’histoire de sa mère, et à travers elle, la sienne. Une histoire fascinante qui couvrait soixante ans de vie politique, de combats, d’amour et de drames – le portrait d’une certaine France aussi, celle des colonies et des révolutions, de la libération des femmes. Son texte oscillait encore entre le témoignage et le récit autobiographique. Nous étions toutes deux d’accord : il fallait en faire un roman. Non pas chercher l’exactitude biographique mais la vérité romanesque d’un destin. S’autoriser à changer les noms, laisser respirer l’imaginaire, explorer les sentiments profonds. Faire œuvre universelle. Évelyne battait des mains. Ensemble nous y arriverions. »

Évelyne/Lucie naît en Indochine, son père André y est administrateur colonial. Elle va grandir entre cet homme charismatique et autoritaire, ce « héros » maurrassien et pétainiste et sa mère, Mona, belle, femme solaire, dévouée à son mari. Ensuite il y a la rencontre avec une bibliothécaire et un livre : Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, il fera prendre conscience à Mona que sa vie n’est faite que de renoncements et de soumission.

De l’Indochine à La Nouvelle Calédonie, de Paris à La Havane, nous assistons à la libération de Mona et d’Évelyne/Lucie. Toutes deux vont plonger à corps perdu dans le combat pour la libération de la femme (contraception, avortement). Elles sont de toutes les luttes pour la liberté, d’abord celle de la femme, ensuite celle des peuples colonisés.

Et soudain, la liberté est un roman dans lequel nous sommes les témoins d’une période riche en bouleversements sociaux et politiques. Ces changements nous les suivons à travers les yeux et les actes de Mona et de sa fille. Ce texte plein de souffle m’a passionné de bout en bout. Mais ce qui rend ce livre encore plus original, plus fort, plus touchant, ce sont les circonstances de sa naissance : le décès de son auteur en cours d’écriture, la profonde amitié née autour de ce texte entre l’écrivaine et son éditrice, le passage de relai entre Évelyne Pisier et Caroline Laurent. Malgré ses doutes légitimes à parvenir à donner à son amie le livre qu’elle souhaitait, Caroline Laurent a réussi un véritable tour de force.

Ce livre restera pour moi l’une des plus belles lectures de cette année 2017. Je vous le recommande vivement.

« « L’ineptie consiste à vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame » disait ce bon vieux Flaubert. Conclure, ce sera suspendre notre dialogue. L’arrêter peut-être. Je ne veux pas. Bien sûr, il y aura d’autres manières de bavarder ensemble, mais celle-là, conversation de texte à texte, de manuscrit à manuscrit, comme de peau à peau, me convenait bien. Je vais avoir un peu froid sans toi. Et l’été qui avance.
   Je ne saurai pas finir. C’est la vie qui finit pour nous. Simplement, les derniers mots que tu m’avais écrits, « Merci Caroline, amie chérie », je te les retourne avec gratitude, chagrin, joie, stupéfaction, je te les retourne avec un amour qui me dépasse mais que j’accepte et reçois pleinement.

  Merci Évelyne, amie chérie. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire