vendredi 25 mars 2016

L'arbre du pays Toraja



L’arbre du pays Toraja de Philippe Claudel aux éditions Stock


Le livre s’ouvre sur le voyage du narrateur, cinéaste sur l’île de Sulawesi près de Bali. Sur cette île vit le peuple Toraja. Leur pays est aussi appelé Terre des Morts. Il va y découvrir que pour ce peuple, la mort est au centre de la vie, elle en est une partie intégrante, elle la rythme. Elle est l’objet de rites particulièrement poétiques.

« Près d’un village du pays Toraja situé dans une clairière, on m’a fait voir un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C’est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l’arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d’un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme, gardant le corps de l’enfant, dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l’arbre. »

A son retour en France, il apprend la maladie de son ami, son presque frère, Eugène, son producteur. Son voyage et la nouvelle qu’il vient d’apprendre, l’amènent à s’interroger sur la mort, sur la vie. Il en est à la moitié de la sienne et voit ses amis, les membres de sa famille mourir peu à peu. « Depuis quelques années la mort m’encercle. »

Ce très beau roman nous interroge sur la mort, sur l’amitié, sur l’amour. Que gardons-nous en mémoire de nos proches ? Comment faut-il considérer la mort ? Comme nous, occidentaux qui jetons un voile pudique sur elle, qui essayons de nous cacher d’elle comme si elle devait nous oublier ?  « Nous oublions notre condition passagère et notre vie se passe sous le regard de celle qui ne nous oubliera pas . » Ou comme les Toraja devons-nous en faire un centre de notre vie ? Le narrateur en nous racontant ses souvenirs de son ami, lui rend un merveilleux hommage. Il continue à le faire vivre par ses mots. « Le texte est devenu l’arbre du pays Toraja. »

 Ce roman philosophique, lumineux malgré son thème de départ, est un très bel hymne à la vie, à l’amitié et à l’amour.


« Notre vie n’est en rien une figure linéaire. Elle ressemble plutôt à l’unique exemplaire d’un livre, pour certains d’entre nous composé de quelques pages seulement, propres et lisses, recouvertes d’une écriture sage et appliquée, pour d’autres d’un nombre beaucoup plus important de feuillets, certains déchirés, d’autres plus ou moins raturés, pleins de reprises et de repentir. »

3 commentaires:

  1. bonne idée, bali, que je connais assez bien, est un lieu de philosophie merveilleux, où l'ailleurs et la mort sont présents, merci

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  2. Ton avis me rassure lu d'autres blogs moins élogieux !

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  3. Belle critique ! J'adore. Je suis presque à la fin du livre... Dommage !

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