mercredi 21 décembre 2016

La valse des arbres et du ciel


La valse des arbres et du ciel de Jean-Michel Guenassia aux éditions Albin Michel

Marguerite Gachet, 19 ans, vient d’avoir le bac. Nous sommes en 1890, rares sont les femmes à obtenir ce diplôme. Cette réussite pourrait nous faire croire que la jeune femme vit dans une famille progressiste, il n’en est rien. Son père le docteur Gachet ne l’a autorisée à passer cet examen que pour briller auprès de ces amis, montrer quel père formidable il est. La vie de Marguerite est celle de beaucoup de jeunes femmes à l’époque, elle est condamnée à subir le joug paternel avant de vivre sous celui d’un mari. Marguerite veut fuir tout cela. Elle rêve d’Amérique, se renseigne pour partir au plus vite.

C’est dans ce contexte qu’un peintre alors peu connu mais prometteur, Vincent Van Gogh, arrive à Auvers sur Oise. On lui a conseillé les consultations du docteur Gachet. La jeune Marguerite va le croiser et tomber sous le charme de l'artiste et de l'homme . Elle souhaite qu’il devienne son professeur et va bientôt devenir sa maîtresse.

La valse des arbres et du ciel nous raconte les deux derniers mois de la vie de Vincent Van Gogh. On y découvre un personnage bien loin de l’image qu’en donne la version officielle. Certes il est venu à Auvers sur Oise pour consulter le docteur Gachet, mais la maladie semble bien derrière lui. C’est un peintre plein  de vie et de projets que nous découvrons, un homme qui ne vit que pour son art. Jean-Michel Guenassia nous décrit de manière passionnante son processus créatif, sa façon de peindre ce qu’il voit dans sa tête.

« De son sac, il sort les brosses, une palette, des tubes couleur. De là où je me trouve, je ne peux le voir préparer sa palette, ni voir ce qu'il commence à peindre. c'est à peine si je devine la toile qui se colore. Il peint collé à la toile, comme s'il avait déjà tout mémorisé ou qu'il savait déjà ce qu'il a l'intention de peindre. Quand il reprend de la peinture, il ne jette pas un regard à sa palette, en tout cas il ne bouge pas la tête. Je suis surprise de sa brusquerie. Il ne pose pas la peinture sur la toile avec délicatesse, comme on le fait habituellement, mais avec nervosité, comme s'il avait un fouet à la main et qu'il frappait le revêtement, il semble pressé, ses gestes sont saccadés.

Les personnages de Marguerite Gachet (la narratrice) et et du célèbre Docteur Gachet (ami des artistes) sont tout aussi intéressants. Marguerite est une jeune femme moderne pour l’époque, elle veut vivre pleinement sa vie de femme et son amour avec Vincent. Elle veut devenir peintre mais les Beaux Arts lui sont fermés (ils n’acceptent pas de femmes à l’époque) et les cours privés sont trop onéreux pour elle. Le docteur Gachet, lui, est décrit comme un personnage cupide, manipulateur, il n’est pas le mécène qu’il prétend être.

La valse des arbres et du ciel est un roman captivant qui nous fait considérer Van Gogh et les derniers jours de sa vie sous un jour nouveau. Des articles de presse de l’époque, des fragments de lettre de Van Gogh à son frère ou à Gauguin, nous immergent dans l’époque, resituant l’histoire dans son contexte historique. Une belle réussite.

« La peinture ne s’apprend pas, les leçons ne servent à rien ! Pourquoi prendre des cours avec de mauvais peintres qui tueront ce qu’il y a de meilleur en toi, qui craignent ce qui est moderne comme la peste car ils ne produisent que des choses figées et sans âme. Les cours ne servent qu’à suivre le chemin tranquille et sans risque que le professeur a emprunté, à s’enfermer dans la même impasse que lui. N’aie pas peur de te mettre en danger, de te casser la figure et de souffrir. Trouve ton chemin seule, tu n’as besoin de personne pour être peintre, regarde ce que tu as devant toi, ferme les paupières, et peins ce que tu vois à l’intérieur de toi. Et si tu ne vois rien, s’il n’y a rien, arrête de peindre. »  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire