Les corps fragiles d’Isabelle
Kauffmann aux éditions Le Passage
Marie-Antoinette découvre très tôt sa vocation. Un jour
alors qu’elle rentre de l’école, elle voit sa mère discuter avec la voisine. Au
cours de la conversation, elle tombe en arrêt sur les mains de la vieille dame,
des mains déformées par la polyarthrite. La jeune fille est bouleversée par ces
mains, par la souffrance qu’elles engendrent.
« C’était injuste,
je me révoltai. On m’expliqua qu’il n’existait pas de traitement miracle. Mais
les sanglots retenus de madame Masson avaient déchiré le voile de mon
innocence, je ne pouvais plus les ignorer. Je voulais soulager ses souffrances.
Puisqu’elle ne pouvait plus se servir de ses mains, je lui prêterais les
miennes. Je décidai d’aller, tous les matins, l’aider à mettre ses bas et ses
chaussures. »
Cette vocation du soin et de l’aide, ne sera jamais
démentie, elle accompagnera Marie-Antoinette pendant toute sa carrière d’infirmière.
Quarante ans de bons et loyaux services qui accompagneront les avancées de la
médecine et le progrès social. Elle deviendra la première infirmière libérale
de Lyon.
Dans ce roman plein d’humanité, ce récit de vie, Isabelle
Kauffmann a su éviter le piège du récit chronologique fastidieux. La
construction du roman est originale puisque chaque chapitre traite d’un membre
du corps. Un membre que Marie-Antoinette doit soigner, ou un membre de son
propre corps qu’elle utilise dans l’exercice de son métier.
« Certainement la
part essentielle. Je pense que c’est d’elle que j’ai le plus exigé. Comment
aurais-je pensé que les jambes avaient tant d’importance dans cette profession
où mes aspirations d’enfant ne voyaient qu’écoute et soins dispensés aux
malades ? Faites un sondage, demandez à cent personnes quelles sont les
qualités nécessaires à une infirmière pour exercer au mieux son métier, toutes
vous parleront de dévouement, d’empathie, de rigueur, de dextérité, de vivacité,
de connaissances ou d’initiative, vous déclineront une série d’aptitudes
intellectuelles ou de cœur, mais personne ne mentionnera les jambes. Et
pourtant, il les faut solides et réactives, aussi stables qu’endurantes et même
infatigables. »
Les corps fragiles est un vibrant hommage rendu à ces
personnes qui exercent la profession de soignants par vocation. Ces femmes, ces
hommes qui entrent dans l’intimité de nos corps et de nos foyers pour apporter,
les soins et l’apaisement. Ces infirmières, médecins, qui tentent de réparer
nos corps et de soulager nos âmes. Leur travail ne s’arrête pas à la
machinerie, l’aspect humain, l’écoute, l’empathie, le soulagement de l’esprit
sont aussi primordiaux.
Les corps fragiles est un roman plein de cette humanité
nécessaire dans l’exercice de cette vocation. Une humanité dont nous avons bien
besoin par les temps qui courent.
« - Nous avons
une génération d’écart, Françoise, mais sur le fond, rien n’a changé. Nous
soignons des corps souffrants, nous les torchons, les lavons, les piquons, les
frictionnons, les remuons, alors que ce sont les âmes qui nous importent. La
relation avec nos patients anime notre vocation, c’est ce lien qui compte. Et
pourtant, ces corps mènent la danse, ce sont toujours eux qui ont le dernier
mot. »
Habituellement, je ne lis pas de chroniques avant d'avoir moi-même découvert l'ouvrage. J'aime me sentir totalement libre de mes ressentis. Mais là, sachant que j'ai déjà tellement à lire... je viens de parcourir ton texte. Il est magnifiquement écrit et donne à coup sûr envie... Merci.
RépondreSupprimertout à fait la lecture émouvante dont je ponctue mes lectures, un peu de vraie émotion, des fictions, des frissons, découverte.
RépondreSupprimerdonc je le met dans ma pal , merci Denis pour cette chronique d'une humanité sensible