La toile du monde d’Antonin Varenne aux
Éditions Albin Michel
La toile du monde est le troisième volet d’une trilogie dont
les deux premiers tomes sont Trois mille
chevaux vapeur et Équateur. Nul
besoin d’avoir lu les deux premiers volumes pour l’apprécier pleinement.
Aileen Bowman est journaliste au New York Tribune. En ces
débuts de l’année 1900, tous les regards convergent vers Paris où doit se tenir
l’Exposition Universelle. Elle veut en être. De mère française, elle voit là
une occasion idéale pour retrouver une partie de ses racines.
Ayant été élevée par des parents aventuriers pour qui la
liberté était le maître mot, Aileen est une femme au caractère bien trempé.
Elle convainc non sans mal son rédacteur en chef de l’envoyer à cette grande
kermesse internationale.
Aileen a deux idées derrière la tête en se rendant à Paris.
La première est de continuer sa lutte pour la cause des femmes en publiant en
parallèle de son travail pour le New York Times, des articles dans un journal
féministe. La deuxième, est de retrouver son cousin Joseph, fils d’un américain
et d’une indienne. Joseph s’est marginalisé, oubliant sa part blanche. Aileen
va tout tenter pour le faire quitter le Pawnne Bill’s Show et revenir dans le
droit chemin.
Son arrivée à Paris n’est
pas des plus discrètes. Son accoutrement fait scandale. Dans une France où le
port du pantalon est interdit pour les femmes, elle le revendique fièrement, arpentant
les rues de la capitale chaussée de bottes de cheval. Elle cultive cette
apparence masculine. Celle qu’elle arbore depuis toujours.
Peu à peu Aileen se laisse gagner par l’effervescence de l’Exposition.
Elle goûte au plaisirs parisiens, fréquente les peintres, les maisons closes.
Elle en oublie sa cause. Sur le plan familial, elle retrouve Joseph qui lui
fait comprendre qu’en volant à son secours, c’est elle-même qu’elle veut
sauver. Il lui fait prendre conscience qu’elle a mis de côté ses valeurs.
« La peur
dissolvait les mensonges d’Aileen, comme la colère faisait fondre les peintures
de Joseph, pour révéler les lignes guerrières des tatouages. Ils le savaient
tous les deux, ce n’était pas Joseph qu’elle venait sauver, mais une part d’elle-même
en lui, à laquelle elle avait commencé à renoncer : la résistance. L’absence
de compromis. »
L’Exposition universelle va agir comme un révélateur sur
Aileen. Paris va lui tendre un miroir. Dans ses articles, elle décrit la
capitale comme une prostituée qui s’offre au monde pour des accords
commerciaux, pour le prestige, pour être le centre du monde. Aileen, elle,
oublie ses idéaux pour se vautrer dans les plaisirs immédiats.
L’Exposition Universelle qui se veut la vitrine du monde
moderne, un lieu de promotion de la paix apparaît à Aileen comme le symbole d’un
monde ancien, un monde où les colonisateurs donnent les indigènes en spectacle
pour divertir les visiteurs. Un monde où les tensions entre puissants même si
elle sont cachées le temps de cette grande messe, sont bien réelles et que cet
idéal de paix n’est qu’un vœu pieux.
La toile du monde est une description passionnante et
bouillonnante de ce Paris, capitale du monde en cette année 1900 mais c’est
surtout une plongée dans la personnalité d’Aileen Bowman, cette féministe
convaincue, dans ses contradictions, dans sa lutte pour rester fidèle à ses
convictions.
J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir la plume d’Antonin
Varenne. Je me plongerai sous peu dans les deux premiers volumes de la
trilogie.
« Le sexe de la
femme était du même rose que son front et son visage, penché et concentré sur
la feuille qui sortait, droite comme une érection, de la machine à écrire. Ce
sexe, origine biologique du monde, était autant qu’un lieu de plaisir, une
source d’énergie et d’inspiration, l’origine de la création intellectuelle.
Alors on notait sa bouche, lèvres fermées mais sur le point de s’ouvrir comme
les cuisses ouvertes et les autres lèvres, le clitoris pointé. Les
correspondances de couleurs et de matières entre le sexe et la tête d’Aileen,
étaient le véritable sujet de ce nu : l’inspiration, et l’extase intime
qui l’accompagnait, d’une femme écrivain. Pas une bourgeoise, pas une nymphe,
pas une prostituée. »
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