dimanche 22 mars 2015

Une valse pour rien



Une valse pour rien de Catherine Bessonard aux éditions de l'Aube




   Paris est en effervescence. En ce jour deux cortèges parcourent les rues de la capitale. L'un joyeux bigarré, tonitruant avec ses chars et sa musique, celui de la Gay Pride, l'autre silencieux, grave, qui défend le droit à mourir dans la dignité. C'est dans cette ambiance que le commissaire Bompard sort du cinéma avec Mathilde son ex. Bompard est oppressé, d'abord par ce moment passé avec celle qu'il n'arrive pas à oublier mais aussi parce qu'il a un mauvais pressentiment en ce qui concerne ces  manifestations. Il n'est donc pas surpris quand il reçoit l'appel de Grenelle et Machnel, ses fidèles subalternes. Un homme vient de s'écrouler dans le cortège de la Gay Pride, poignardé. La victime se bat, entre la vie et la mort. Une patte de chat ensanglantée est retrouvée accrochée à la marinière de la victime.


  L'équipe de Bompard est chargée de l'enquête qui s'oriente d'emblée vers un crime homophobe. Surtout que deux autres victimes sont rapidement à déplorer. Mais elles n'ont pas eu la même chance que la première. Une enquête délicate attend Bompard et ses acolytes tant notre société n'est pas très au clair avec ses sentiments envers l'homosexualité. L'homophobie a plusieurs visages : celle de la haine assumée, celle des ses bandes de skinheads qui cassent du pédé ouvertement, mais il y a aussi l'homophobie passive encore plus pernicieuse car plus difficile à débusquer, celle de Louvel par exemple, le commissaire divisionnaire qui parle de "ces gens là".


   Nous suivons l'enquête au rythme des fulgurances de Bompard, des ses associations d'idées, de ses coqs à l'âne,  de ses digressions venues de nulle part et qui finissent par s'articuler entre elles. Quel personnage attachant que ce Bompard, flic atypique, comme nous les aimons. Un personnage tout en nuances, un électron libre qui malgré son respect apparent pour la hiérarchie n'en fait qu'à sa tête. Ses entrevues avec le divisionnaire sont un régal. Un personnage en pleine crise, tiraillé entre son amour toujours présent pour Mathilde  et son attirance partagée pour Camille cette infirmière militante pour le droit à mourir dans la dignité.


   Une valse pour rien  est un roman passionnant, porté par la plume alerte de Catherine Bessonart. Un auteur que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir dans cet opus des enquêtes du commissaire Bompard. Je vais me précipiter sur les romans précédents et j'attends la suite des aventures de ce policier hors normes avec impatience.


  " Quelqu'un toussait dans son dos. Bompard se demanda s'il s'était absenté longtemps. Il se concentra , revint vers la victime ; après tout, il ne l'avait pas vraiment abandonnée, il avait juste tourné légèrement autour de la mort pour l'apprivoiser. Le chemin le plus fructueux n'avait jamais été pour lui le plus direct. Il était persuadé  que partant du point A, il était parfois enrichissant de se laisser distraire  du point B, de s'autoriser à musarder  vers le C ou le D. On en revenait toujours plus riche."

   "- Bon je crois que tu mens, mais c'est toi qui vois... C'est comme ça qu'on apprend la responsabilité : à coup de remords."

    " C'était la fin du tour de chant. On ralluma les lumières. Le chapeau circula de table en table ; c'est ainsi que le talent est rémunéré dans ces lieux ou nulle chaîne de télé ne s'aventure, dans ces lieux pleins de magie qui perdurent à l'abri du formatage. On ne sort jamais indemne d'un moment de pure émotion : les gens, de peur de passer à côté de cet espoir d'être meilleur en sortant qu'en entrant , s'attardèrent. Les tables s'accolèrent , chacun avait envie de se rapprocher de son voisin, de cet étranger dont il se sentait soudain si proche."



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