La cache de Christophe Boltanski aux éditions Stock (Rentrée littéraire 2015)
L'auteur a vécu son enfance avec ses grands-parents dans l'hôtel particulier de rue de Grenelle. Dans ce cocon familial où tout le monde vit ensemble sous la férule de la "Mère -grand", femme diminué par la polio mais au caractère bien trempé.
Les origines de la famille du côté du grand-père tiennent plus de la légende que de l'histoire proprement dite. On ne sait que très peu de choses des arrière-grands-parents. Ils seraient venus d'Odessa en Ukraine mais leur identité est incertaine et quand l'auteur y est allé pour faire son enquête, il n'a trouvé aucune trace d'eux. Chacun dans la famille connaît des bribes de leur passé mais elles ne convergent pas forcément.
Dans ce roman autobiographique, il y a deux personnages principaux : la grand-mère et la maison. Cette maison dont personne ne sort sauf en cas de nécessité, cette maison est un abri. Dans la famille Boltanski personne ne se promène à l'air libre car tous les membres vivent dans la peur.
"Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité de l'homme et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l'a transmise très tôt, presque à la naissance."
Les Boltanski vivent donc en vase clos. Les enfants ne vont pas à l'école, ils ont des précepteurs. Quand il faut sortir, tout le monde monte en voiture. La voiture est une véritable extension de la maison, de ce cocon protecteur.
"Ils ne s'aventuraient hors de la maison que motorisés. Assis, l'un contre l'autre, à l'abri d'une carrosserie, derrière un blindage, même léger. Dans Paris, ils circulaient à bord d'une Fiat 500 Lusso, de couleur blanche. Une voiture simple, maniable, rassurante, à leur échelle, avec sa rotondité, sa taille naine, son compteur de vitesse gradué jusqu'à 120 km/h, son moteur bicylindre à l'arrière qui produisait un râle, un toug-toug de vieux canot crachotant. Ils la garaient dans la cour pavée, face au portail, prête à partir, le long de l'aile principale, presque agglutinée au mur, comme la capsule de sauvetage d'une fusée."
La famille vit dans la peur depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Depuis que le grand-père, juif, dut disparaître dans une cache aménagée sous un parquet dans la maison pour éviter les rafles nazies.
L'originalité de ce roman tient à sa construction,. L'auteur aurait pu raconter l'histoire de sa famille de manière chronologique mais cela aurait été trop classique pour une famille aussi originale. Il nous raconte l'histoire familiale en nous parlant de la maison. Il nous fait faire le tour du propriétaire de ce corps donc chaque membre de la famille est un organe. En passant de pièce en pièce, il nous narre l'histoire des siens. Chaque pièce avait sa fonction, chaque pièce a une histoire à raconter, l'histoire de cette famille.
Comment peut-on vivre ainsi dans la peur permanente en vase-clos ? Comment peut-on s'épanouir dans une telle famille ? Et pourtant les Boltanski ont réussi chacun dans leur domaine, du médecin, à l'artiste, de l'écrivain au sociologue, tous s'en sont sorti malgré cet isolement. La cache est un roman passionnant du fait de l'histoire de la famille, de son originalité remarquablement mise en valeur par la construction du récit. Un excellent premier roman.
une sacrée famille et un roman très bien construit!
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