samedi 5 septembre 2015

Tandis que je me dénude



Tandis que je me dénude de Jessica L. Nelson aux éditions Belfond (Rentrée littéraire 2015)


   Angelica Rivière est professeur de français dans un lycée parisien. Elle vient de publier son premier roman dans une maison d'édition importante. A son retour de vacances, elle est contactée pour participer à une émission phare, un talk-show, occasion unique pour elle, auteur inconnu, de présenter son livre.

    C'est la peur au ventre qu'Angelica se présente à cette émission en direct donc sans filet. Elle est mal à l'aise car très vite elle se rend compte qu'elle n'est pas là pour parler de son livre, ou si peu. L'animateur et le chroniqueur orientent les questions pour faire de l'audience, le moins que l'on puisse est qu'ils ne sont pas bienveillants.

    Au fur et à mesure que l'émission se déroule, c'est à une véritable lutte intérieure que nous assistons chez Angelica. Une lutte entre ce qu'elle veut montrer d'elle, ce qui est perçu d'elle par les animateurs et les invités et par les téléspectateurs, et celle qu'elle est vraiment. L'oeil inquisiteur et impudique de la caméra va la plonger dans ses failles, dans son histoire personnelle, dans son intimité, dans son moi profond. Aiguillonnée par "L'ombre", sa petite voix intérieure qui la met face à ses contradictions, paniquée à l'idée de ce que va pouvoir dire d'elle "Le homard", ce blogueur qui la harcèle et la dénigre en continu sur internet, le puzzle de sa vie se met en place par petites touches et réveille ses traumatismes. C'est une  mise à nu violente qui a lieu sous nos yeux.

    Tandis que je me dénude est un roman passionnant, qui vous happe par ses phrases courtes et rythmées reflétant le tourbillon intérieur dans lequel est plongé Angelica.  La jeune femme est confrontée à son image et le lecteur lui-même se projette et se questionne sur ce qu'il montre de lui, cette image amplifiée, déformée, biaisée par le miroir déformant des réseaux sociaux, de la caméra, du regard de l'autre. Cette exposition, que dévoile-t-elle de ses failles, de ce qu'il est réellement ? Ces masques que nous revêtons consciemment ou non, n'en disent-ils pas plus sur nous que nous le pensons ?  Un deuxième roman très réussi, j'attends la suite avec impatience. 

   "L'un de mes travers est de ne pas oser m'imposer. Rester discrète, à ma place, c'est cela qui soulage temporairement la malade timide en moi sans toutefois la satisfaire. Car je supporte mal qu'on ne me voie pas. Qu'on ne m'entende pas, d'autant que je suis incapable de couper la parole à qui que ce soit. Ainsi me voilà partagée, c'est mon petit drame sur lequel personne ne coulera une larme, entre mon désir de discrétion et de grâce (ne pas relever la faute ou l'erreur d'autrui fait partie de ma conception de l'élégance) et celui de m'imposer."

   "Je suis estomaquée par tant de malveillance de la part d'un être avec qui je n'ai pas échangé et à qui je n'ai pu causer aucun tort, hormis celui d'exister. Internet, meilleur allié des libertés et du savoir, porte ouverte à mille dérives et harcèlements moraux. Ce qu'écrit cet homme est diffamatoire, infondé, voilà j'en frissonne car une rumeur aujourd'hui se répand plus vite et salement qu'une épidémie. Quarantaine pour celui qui en est le centre."

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