Métamorphose d’un crabe de Sylvie Dazy
aux éditions Le Dilettante
Christo a
passé son enfance à Bapaume dans le nord au pied de la prison centrale.
Titulaire d’une licence d’anglais dont il ne sait que faire et intrigué par les
commentaires satisfaits des gardiens, au bistrot, il décide de tenter sa chance
dans la pénitentiaire et de présenter le concours. Admis,
il est nommé à la Santé, à Paris.
Christo n’est
pas un gardien comme les autres. Plus intellectuel que ses collègues, il voit
son métier comme une mission d’ethnologue. Il veut étudier ce monde clos. Il s’intéresse
à la psychologie des détenus (trop) ainsi qu’à celle de ses collègues. Ce
gardien étrange est vu d’un mauvais œil par les autres surveillants, mais son
supérieur le prend sous son aile et lui fait prendre du galon.
« Mais ici, c’est comme chez les
flics, à voir de la misère et des agressions, à entendre des insultes, des
coups fourrés, que sais-je, qui parlent de l’homme comme d’un animal si peu
amène, c’est toute la vie privée qui prend une gifle, à long terme ; ou alors
les couples de pénitentiaires ça marche, ils vivent dans ce bain si particulier
qui les tient l’un à l’autre comme de la colle. Le pire c’est à Fresnes où ils habitent
tout autour dans des logements de fonction, pas d’échappatoire, c’est de l’incarcération
pour de vrai, parce qu’ils n’ont rien fait mais ont pris du ferme quand même. »
Métamorphose d’un crabe nous plonge
dans l’univers carcéral. Sylvie Dazy nous le fait découvrir du point de vue d’un
surveillant qui veut l’étudier de manière ethnologique, mais qui peu à peu va
se faire dévorer par l’objet de son étude. Ce milieu, l’auteur le connaît bien
puisqu’elle a été éducatrice chargée de la réinsertion à la Santé.
L’univers carcéral y est décrit comme
une société comme une autre, mais un monde qui vit en huit-clos, soumis à la
promiscuité. Un monde qui déteint aussi sur les gardiens. Christo a de plus
en plus de mal à rentrer chez lui, ne se
sentant à l’aise qu’entre les murs « protecteurs » de la prison. C’est
un monde où tout est amplifié, lieu de tous les trafics, mais aussi lieu de
travail, d’étude, chance de rédemption pour certains détenus. Sylvie Dazy nous
y décrit, sans complaisance, les conditions de travail du personnel
pénitentiaire, en constant sous-effectif, peu soutenu par sa hiérarchie. Un
roman très réussi qui a fait ressortir ma légère tendance à la claustrophobie.
« Personne n’a l’air de réaliser la
bizarrerie de ce lieu qu’est la Santé au coeur de Paris, de ces murs avec dedans
ces gourbis. Deux mille hommes, des suicides, des viols, de la souffrance, des
remords et des rancoeurs, tout un monde qui rêve aussi, ânonnant des souvenirs
et des projets emmêlés, un concentré de haine et de petits garçons mal grandis
qui écrivent des poèmes et réclament leur mère, l’image d’un malheur ordinaire
qui tourne en rond et appelle au secours en vain. Notre malheur. »
intéressant, ça nous change d'ambiance, merci
RépondreSupprimerGreaat blog post
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