mardi 25 février 2014
Le festin de l'araignée
Le festin de l'araignée de Maud Tabachnik aux éditions Viviane Lamy
Sandra Kahn, jeune journaliste à San Francisco, doit quitter sa compagne Nina pour, à la demande de son rédacteur en chef, aller enquêter sur des disparitions de familles dans le désert aux environs de Boulder City dans le Nevada.
Boulder City, trou paumé dans le désert du Nevada, un maire potentat local jaloux de ses prérogatives, un shérif à sa botte, une population locale arriérée à la limite de la consanguinité, intolérante et peu causante, l'enquête s'annonce compromise pour Sandra. La jeune femme a trois défauts capitaux pour la population de Boulder City, elle est journaliste, femme, et juive.
Dans ce roman, l'auteure s'est employée à nous décrire une Amérique profonde dominée par les ligues de vertu, les milices fascisantes et l'intolérance qui y règne. Un roman agréable à lire si on oublie le portrait par trop caricatural de la population de Boulder City.
dimanche 23 février 2014
La ballade de Lila K
La ballade de Lila K de Blandine Le Callet aux éditions Stock
L'histoire se déroule dans les années 2090, un nuit trois hommes casqués de noir pénètrent dans un appartement. Une jeune femme et sa petite fille y vivent. Tout se passe très vite, la mère et sa fille sont séparées. Nous retrouvons Lila dans un centre éducatif, elle est amaigrie, choquée. On essaie de la nourrir mais tous les aliments la dégoûtent. On la soigne également car elle présente de nombreuses cicatrices et traces de brûlure.
Le temps passe, Lila accepte peu à peu les règles du centre. Elle progresse, même si elle a toujours peur du contact et si elle mange en apnée pour pouvoir garder la nourriture. Elle commence à suivre des cours et très vite on décèle en elle des capacités exceptionnelles, c'est une enfant surdouée. Le directeur du centre Mr Kauffmann va s'occuper personnellement d'elle. Il gagne très vite la confiance de Lila par sa gentillesse et par l'enseignement qu'il lui dispense. Au début la Commission, organe qui contrôle le centre est ravi des progrès de Lila puis l'enseignement de Mr Kauffmann est de plus en plus remis en question lorsqu'il commence à lui apprendre les langues étrangères. Mr Kauffmann apporte un jour à Lila un caisson rempli de livres en papier, les livres n'existent quasiment plus dans ce monde ils ont été remplacé par les Grammabooks, cet acte est très mal vu par la Commission. Fernand est nommé comme assistant de Mr Kauffamann pour le contrôler.
Lila apprend vite, elle passe tout son temps libre à lire, elle découvre l'évasion par la lecture. Elle confie cependant à Mr Kauffmann qu'elle ne peut pas continuer comme cela, qu'elle doit retrouver sa mère. Mr Kauffmann s'est renseigné et la mère de Lila a été jugée et a perdu ses droits parentaux, son nom a été rayé du dossier de Lila cependant Mr Kauffmann promet à Lila qu'il fera tout pour l'aider quelles que soient les circonstances. Mr Kauffmann peu de temps est démis de ces fonctions et jugé pour fraude, pour atteinte aux bonnes moeurs. Finalement Lila apprend la mort de son mentor, et se demande comment elle va faire dorénavant pour retrouver sa mère disparue.
La ballade de Lila K est ce genre de roman qu'on ne lâche plus une fois commencé. On est ému par le désir farouche de Lila de retrouver une mère pourtant maltraitante mais qui elle en est convaincue l'aime malgré tout. La jeune fille va devoir petit à petit vaincre ces traumatismes, son agoraphobie, pour partir à la recherche de sa mère. " On passe sa vie à construire des barrières au -delà desquelles on s'interdit d'aller : derrière, il y a tous ces monstres que l'on s'est créés. On les croit terribles, invincibles mais ce n'est pas vrai. Dès qu'on trouve le courage de les affronter, ils se révèlent bien plus faibles qu'on ne l'imaginait. Ils perdent consistance, s'évaporent peu à peu. Au point qu'on se demande , pour finir, s'ils existaient vraiment."
Lila va devoir aussi se fondre dans le moule d'un monde totalitaire ou chacun est observé, où tout est analysé, disséqué en permanence, un monde ou la censure est la règle. Elle va devoir quitter le cocon sécuritaire de La Ville, explorer La Zone, présentée comme un territoire de non droit ou la violence et l'inculture règnent. Pourtant les choses sont elle vraiment comme le gouvernement les présente?
Blandine Le Callec nous livre un roman passionnant et bouleversant sur la force de l'amour filial qui peut venir à bout de toutes les barrière, celles fixées par le monde extérieur et celles que l'on se fixe soi-même.
jeudi 20 février 2014
Mal de pierres
Mal de pierres de Milena Agus aux éditions Liana Levi
La narratrice nous conte ici l'histoire de sa grand-mère, personnage attachant et haut en couleur. Jeune femme sarde de trente ans, souffrant du mal de pierres (calculs rénaux) elle est toujours célibataire. Elle a bien des prétendants étant jolie mais aucun d'eux n'ose franchir le pas, au grand désespoir des ses parents.
En 1943, un réfugié vient habiter chez eux. Habitant à Cagliari, sa famille a été décimée et sa maison détruite lors d'un bombardement. Au bout de quelque temps il la demande en mariage. Mais c'est un mariage de raison, sans amour. L'homme continue à aller voir les prostitués et l'union reste chaste. Un jour par souci d'économie la jeune femme propose à son époux de lui offrir les mêmes prestations que lui procurent les filles de joie et de mettre l'argent de côté. La jeune femme tombe plusieurs fois enceinte mais ne peut mener ses grossesses à terme à cause de sa maladie.
Un médecin conseille alors à la jeune femme d'aller en cure sur le continent pour soigner ses calculs rénaux. C'est lors de cette cure qu'elle fait la rencontre du Rescapé, un homme qui était dans la marine pendant la guerre et qui a été fait prisonnier. Cet homme cultivé et beau malgré sa jambe de bois, souvenir de la guerre, attire la jeune femme et une relation s'instaure entre eux.
Milena Agus, romancière sarde, nous livre ici une petit bijou plein de délicatesse, de sensualité et de poésie. La description de la grand-mère conté par sa petite fille d'après les conversations que celle-ci a eues avec elle, et d'après son cahier retrouvé lors des travaux de sa maison, nous présente un personnage fantasque, amoureux de l'amour qui pour elle est la chose la plus importante au monde, un personnage présenté par les membres de sa propre famille comme fantasque, un peu dérangé, une femme libre dans une société si conventionnelle.
mercredi 19 février 2014
Les douze tribus d'Hattie
Les douze tribus d'Hattie d'Ayana Mathis aux éditions Gallmeister
A travers ce roman une bonne partie du XXème siècle américain que nous traversons. Hattie, jeune noire à la peau claire quitte sa Géorgie natale où la ségrégation raciale est omniprésente, direction Philadelphie. Le roman présente les uns après les autres des enfants d'Hattie qui vont nous faire découvrir un personnage fort et attachant.
Le roman s'ouvre avec les jumeaux Philadelphia et Jubilee qui vont mourir de pneumonie sous les yeux de leur mère impuissante. La perte des jumeaux va profondément marquer Hattie. A travers les témoignages des enfants nous découvrons une famille nombreuse et pauvre, une mère autoritaire et énergique qui n'a qu'un but, sauvegarder la vie de ses enfants au détriment parfois de leur vie affective.
Bell l'une de ses filles se souvient ainsi de sa mère : "Elle se repassa en mémoire chaque moment de son enfance et y retrouva immanquablement Hattie en train de donner des coups de ceinture sur les cuisses de ses enfants, Hattie en train de piquer une colère, Hattie plongée dans le silence. Peut être essayait-elle alors de protéger ses enfants ou de leur enseigner la discipline et le respect, mais Bell pouvait à peine se souvenir d'un mot tendre ou d'un baiser de sa mère. Elle lui manquait pourtant. N'y avait-il pas là quelque chose de plutôt drôle : c'était à partir du moment où elle avait quitté sa mère et les rigueurs du domicile familial que Bell s'était peu à peu désintégrée."
Chaque enfant racontant son histoire et celle de leurs parents c'est l'histoire de la société américaine et notamment celle de la population afro-américaine que nous découvrons. De la ségrégation dans les états du sud avec leur plantations, à la guerre du Vietnam, en passant pour le mouvement des droits civiques, la grande histoire est omniprésente dans l'histoire de cette famille.
Les douze tribus d'Hattie est un magnifique roman dans lequel on finit par s'attacher à ce personnage austère et autoritaire d'Hattie, marqué par la condition des noirs et par la pauvreté que connaissait la plupart d'entre eux à l'époque. Chaque enfant d'Hattie a sa vision des choses et sa manière de décrire son histoire dans son style particulier faisant de ce roman un recueil de nouvelles articulées autour du personnage de la mère.
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dimanche 16 février 2014
Nos anges
Nos anges de Jean-Baptiste Predali aux éditions Actes Sud
Nous sommes à Borgu-Serenu, en Corse. Plus précisément dans le quartier des Sept Fontaines. Un quartier loin des images de cartes postales qui font le bonheur des visiteurs de l'Ile de Beauté. Les Sept-Fontaine est un quartier pauvre, un paysage digne des favelas brésiliens. Un bébé a été retrouvé dans la décharge publique. L'horreur de la situation laisse vite place à la surprise liée à la survie de cette enfant. Depuis combien de temps était-elle là? Qui a pu abandonner une enfant comme un vulgaire rebut.
L'homme qui l'a trouvé, Augustin Bianchi, est une figure du quartier, élève appliqué, il a préféré s'engager dans l'armée pour vivre l'aventure plutôt que de trouver un emploi plus traditionnel. A la mort de son père il est rentré au pays pour s'occuper de sa mère et a trouvé un poste d'employé municipal peu reluisant dans son quartier. Personnage charismatique il s'est vite forgé des idées séparatistes et a crée un groupe frontiste. Augustin a eu affaire à la police et ses activités séparatistes ne l'incitent pas à collaborer avec la police ( représentante de l'Etat français) dans l'enquête concernant l'identité de la petite fille. Il prend donc le maquis et se réfugie dans une bergerie d'où il suit les déroulements de l'enquête à la radio.
Le troisième personnage principal de cette histoire, est le substitut du procureur en charge de l'enquête. En début de carrière, son but est de se faire connaître pour s'assurer un destin national. Courtisant les journalistes pour faire sa promotion, il est vite confronté au silence et à l'immobilisme des témoins éventuels. Impuissant, il se rend vite compte que se sortir de ce bourbier corse ne sera pas chose aisée.
Dans ce roman Jean-Baptiste Predali nous livre un bilan sans concession de la situation en Corse. Un état français impuissant, incapable de se faire respecter. Des groupuscules séparatistes qui au lieu de coopérer se font la guerre. Le grand banditisme mafieux agit au vu et au su de tous et semble détenir le vrai pouvoir. Les anges que pourraient être les groupes indépendantistes pour sauver la Corse du marasme semblent eux mêmes peu convaincus de pouvoir faire évoluer la situation et paraissent résignés.
Nos anges est un roman au style âpre qui rappelle certains paysages corses avec des passages incantatoires qui rendent parfois le texte difficile à lire mais qui mérite qu'on fasse l'effort d'aller jusqu'au bout . Un très beau texte marqué par le désenchantement. Un auteur à découvrir.
vendredi 14 février 2014
Magnus
Magnus de Sylvie Germain aux éditions Albin Michel
Franz-Georg n'a pas de souvenirs d'avant ces cinq ans. Ses parents lui ont raconté qu'il avait été très malade, qu'il avait failli mourir. Son père Clemens Dunkeltal est médecin et ne s'occupe pas de lui mais l'enfant aime l'entendre chanter. Franz-Georg a un compagnon dont il ne se sépare jamais : Magnus son ours en peluche.
Un beau jour, la famille doit quitter sa maison, la guerre a changé la donne, le père doit fuir, laisser son hôpital et se réfugier à Friedrichshaffen, une petite ville où la famille change de nom. L'enfant commence à se poser des questions, il entend à la radio que son père est recherché pour crime contre l'humanité alors qu'il était censé diriger un hôpital ravagé par le typhus. Maintenant Franz-Georg s'appelle Frank Keller.
Le père de Franz s'exile au Mexique, il part en éclaireur et sa famille le rejoindra plus tard. Le temps passe et Franz comprend que son père était officier nazi, médecin de camp de concentration, il a envoyé de nombreux juifs dans les chambres à gaz et en a tué d'autres par injection. La mère de Franz fidèle à l'idéologie nazie, par fierté ou par conviction protège le souvenir de son mari et crie au complot. Un beau jour Théa la mère de Franz lui présente son frère Lothar qui s'était exilé longtemps auparavant en Angleterre car opposant au régime nazi.
Franz part avec Lothar et change encore de nom, il prend celui de Schmalker , il change également de prénom, il devient Adam, il repart à zéro, recommence une nouvelle vie en Angleterre s'efforçant d'oublier qu'il est le fils d'un bourreau nazi. Il grandit en Angleterre étudie les langues et devenu adulte décide de partir aux Etats Unis où il fait la connaissance de May qui lui permettra de découvrir quelques éléments de son passé.
Superbe roman sur la quête d'identité d'un homme qui n'est pas sûr de ces origines et qui pour fuir un passé terrible et réagir aux découvertes qu'il fait sur lui-même doit redémarrer plusieurs fois sa vie à zéro. Pas tout à fait à zéro car chaque nouvelle expérience lui apprend quelque chose sur lui même et sur son passé. L'ours Magnus est le seul élément stable dans la vie du jeune homme qui finit par choisir le nom de Magnus lui aussi après avoir compris pourquoi il n'avait pas de souvenir avant cinq ans. Un roman servi par une plume poétique qui se lit d'une traite.
"Alors, le coeur palimpseste a révélé d'autres sonorités encore, plus assourdies que les précédentes ; elles se déployaient en ondes ténues, à peine perceptibles, comme si elles remontaient de loin , de l'amont de son âge. D'avant même sa naissance, peut-être, du temps où son corps se formait lentement dans la nuit liquide du corps maternel"
jeudi 13 février 2014
Réparer les vivants
Réparer les vivants de Maylis de Kerangal aux éditions Verticales
Simon, jeune surfer plein de vie vient d'être victime d'un accident de la route au retour d'une session de surf. Ses deux amis avaient leur ceinture de sécurité, pas lui. Très vite il est transporté aux urgences de l'hôpital du Havre. Il est pris en charge par l'unité de réanimation du docteur Révol. Les premières constatations ne sont pas engageantes, la mort semble inéluctable.
Les parents de Simon sont appelés . Marianne, la mère de Simon arrive à l'hôpital, Révol lui annonce la terrible nouvelle en prenant son temps, il laisse à Marianne le temps de prendre conscience de ce qu'il lui annonce. Il reste quelques examens à faire avant de déclarer Simon mort. En attendant son mari, Marianne se rend dans un café ou celui-ci la rejoint.
Sean, le père de Simon est lui aussi dévasté par la nouvelle. De nouveau ils se rendent à l'hôpital ou la mort cérébrale de Simon leur est annoncée. Depuis 1959, la définition de la mort a changé. Avant cette date la moment de la mort correspondait à l'arrêt du coeur, depuis, c'est l'arrêt des fonctions cérébrales qui en est le signe.
Thomas Rémige, infirmier coordinateur des prélèvements d'organes est présenté à Marianne et Sean. Simon est un excellent candidat pour le don d'organes. Simon avait il un avis concernant le don d'organes, avait il réfléchi à la question? Les parents n'ont pas de réponse à ces questions et à la peine qui les accable s'ajoute la difficile question du don d'organe. D'abord opposés à ce que leur fils soit dépouillé de ses organes, ils acceptent finalement. Le foie, les reins, les poumons et le coeur de Simon pourront être prélevés mais pas ses yeux.
Le coeur est au centre de ce roman. Cette pompe qui pulse le sang et l'oxygène dans tout notre corps, ce moteur qui nous permet de vivre n'est pas seulement une pièce mécanique. ll est considéré comme le réceptacle des sentiments, des affects, il est "à la fois mécanique de pointe et opérateur d'imaginaire surpuissant".
La logistique pour le prélèvement se met en place. Marianne et Simon rentre chez eux et annoncent la nouvelle à leur fille Lou. Ile décident aussi d'appeler Juliette la petite amie de Simon. Marianne se pose des questions :"Que deviendra l'amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculés çà et là dans un élan d'enthousiasme ou un accès de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence,ses inclinations graves et tendres? Que deviendront les salves électriques qui creusaient si fort son coeur quand s'avançait la vague? Qu deviendra ce coeur débordant, plein, trop plein, ce coeur full?"
Le coeur de Simon est attribué à Claire Méjan, une femme d'une cinquantaine d'années. Pour elle non plus la greffe cardiaque ne pas pas de soi. Elle en a besoin pour vivre mais elle aussi se pose des questions "Elle a parfois la sensation de substituer aux contractions pénibles de son organe malade un va et vient fluide entre le français de sa naissance et l'anglais qu'elle a appris et que ce mouvement rotatif creuse en elle une anfractuosité en forme de berceau, une cavité nouvelle, il avait fallu qu'elle apprenne une autre langue pour connaître la sienne, aussi se demandait-elle si cet autre coeur lui permettrait de se connaître encore"
Réparer les vivants est une description exhaustive et d'une précision chirurgicale de tout le processus qui part de la mort d'un individu pour se terminer par la renaissance d'un autre. Une description froide et scientifique. C'est aussi un questionnement sur le coeur cet organe si imporant non seulement physiologiquement mais aussi dans l'imaginaire populaire. L'humanité de Thomas sRémige contrebalançant la froide rigueur des chirurgiens. Un roman coup de coeur servi par une plume précise, le lecteur se retrouve au coeur de l'action.
mardi 11 février 2014
L'échappée
L'échappée de Valentine Goby aux éditions Gallimard
Pendant l'occupation, Madeleine, jeune paysanne, travaille à Rennes dans un hôtel comme femme de chambre. L'Hôtel des Ducs loge les officiers allemands. Un jour arrive Joseph Schimmer un pianiste de talent blessé à la guerre et chargé de divertir les soldats allemands. Il demande à Madeleine de devenir son assistante, sa tourneuse de pages. Madeleine ne connaît pas la musique et Joseph va lui faire découvrir son monde, il va lui faire voir la musique.
Le week-end, Madeleine rentre à Moermel, chez ses parents. Ses parents tiennent une épicerie. A la campagne, elle tient de temps en temps compagnie à Bérénice, une simple d'esprit chez qui elle trouve une statue lui ressemblant mais pas complètement avec son nom inscrit dessus. La jeune femme se demande de qui elle est la représentation. Madeleine hait la campagne symbolisée pour elle par le sillon de l'habitude. Ce sillon que l'on suit mais dont il est impossible de sortir. Elle rêve d'une autre vie et notamment de voir la mer
Très vite une relation amoureuse s'engage entre les deux héros. Un amour interdit avec l'occupant. Une très belle scène nous les montre se promenant ensemble dans la ville mais chacun sur son trottoir. Un jour en rentrant à l'hôtel, Madeleine apprend qu'elle doit partir pour Saint Malo pour devenir la tourneuse de page d'une pianiste. On apprend plus tard qu'elle ne reverra pas le pianiste qui ne peut plus jouer suite à des douleurs à la main. Mais Madeleine est enceinte, elle part se cacher dans un couvent. L'histoire s'accélère on retrouve Madeleine à la libération, tondue et objet de la vindicte populaire pour son histoire d'amour interdite.
" Les lames claquent contre ma nuque, mes tympans, mes tempes, coupent ma peau par inadvertance, me pincent , je saigne, rabotent ma tête, ma mère taillait mes hanches, mes seins, mes fesses, me fabriquait un corps cylindre empaqueté sous robe moche. L'homme qui me scalpe maintenant achève de me transformer en moignon"
Valentine Goby nous propose un roman très fort sur la cruauté humaine, l'amour interdit et la recherche d'identité. Un roman magnifiquement écrit ou les descriptions des paysages sont le miroir des sentiments de l'héroïne. Le description de la ville de Rennes dévastée à la libération reflétant la propre dévastation de Madeleine. Un roman très fort.
dimanche 9 février 2014
Le roman du café
Le roman du café de Pascal Marmet aux éditions du Rocher/Vladimir Fédorovski
Julien, jeune aveugle d'une vingtaine d'année a été recueilli par son grand-père. Sa mère est morte en lui donnant la vie. Julien a passé sa vie dans le magasin de son aïeul, torréfacteur exigent et passionné de café. Dès son plus jeune âge sous la férule d'un grand-père autoritaire et exigent, Julien n'a eu qu'un sujet d'étude, qu'une passion, qu'un loisir, l'étude du café. Un jour alors que Julien dit à un client que Nespresso fait du très bon café, son grand-père furieux le met dehors. Julien se retrouve donc à la rue et se réfugie chez son ami d'enfance, Joanna, journaliste exubérante.
Joanna va demander à son ami de lui raconter l'histoire du café. Les deux amis vont se rendre dans les lieux qui comptent à Paris dans le domaine du café. Très vite ils décident de partir pour le Brésil chez un producteur de café ou de nombreuses révélations attendent Julien, cet expert du café.
Le roman du café est avant tout le roman d'un amoureux du café: "Je me contentais d'un café toutes les deux heures, et pour atteindre l'Everest en moins de d'un battement de coeur, je suçotais des grains de café fraîchement torréfiés. J'adore rassasier ma langue sur sa petite fente râpeuse. Lorsque je l'éclate sous mes molaires, le craquement amer de la fève me met à l'extase.L'arôme délicieux qui s'ensuit en bouche me rend dingo." Julien entretient une relation quasi charnelle avec l'or brun.
Pascal Marmet nous invite à un voyage passionné et passionnant à la découverte d'un produit de consommation courante pourtant méconnu. Un produit qui comme le vin a ses grands crus, ses oenologues. On apprend beaucoup de choses sur l'histoire du café, sa géographie, sa chimie, je dirais même son alchimie tant un bon café servi dans les bonnes condition a quelque chose de magique. Le tout exprimé dans un style parfois lyrique à la mesure de l'amour de l'auteur pour le café. A consommer sans modération.
vendredi 7 février 2014
Terminus Belz
Terminus Belz d'Emmanuel Grand aux éditions Liana Levy
Marko Voronine décide avec quelques autres ukrainiens tentés par l'aventure européenne de franchir le pas. Les jeunes candidats se mettent en relation avec des passeurs roumains qui moyennant finances acceptent de les prendre en charge. Cachés à l'arrière d'un camion ils n'ont plus qu'à attendre d'arriver à destination. Le camion s'arrête finalement sur une aire de repos. Chacun descend tout à tour prendre l'air. Le tour d'Iryna arrive, les portes du camion se referment et les amis sont témoins des cris de la jeune femme qui se fait violer dans la cabine avant. Ils parviennent à ouvrir les portes, à tuer l'un des tortionnaires et à partir avec le camion et l'argent de leur passage. Destination la France.
Arrivés en France, les amis se séparent se doutant bien que la mafia roumaine n'allait pas laisser leur audace impunie. Marko se dirige vers l'ouest et arrive à Lorient. Il regarde les petites annonces et répond à une annonce d'un patron pêcheur de l'île de Belz qui recherche un marin pour le seconder. Le jour même il part à destination de Belz où l'accueil qu'il reçoit est pour le moins frileux. Très vite on reproche à son patron d'avoir embauché un étranger alors qu'il aurait pu donner sa chance à un insulaire. Marko s'acclimate tant bien que mal à sa nouvelle vie de marin, lui qui a le mal de mer jusqu'au jour ou Jugand, le plus virulent des opposants à son embauche est découvert assassiné sauvagement sur une plage de l'île. Conscient que son statut d'étranger fait de lui pour la population locale un coupable idéal, Marko cherche à quitter l'île mais les bateaux son suspendus.
Dans le même temps Dragos, porte flingue du parrain de la mafia roumaine qui s'est fait doubler par les jeunes ukrainiens retrouve et liquide un par un les jeunes rebelles. Marko est donc pris entre deux feux. Celui des insulaires qui sont persuadés qu'il est l'assassin d'un des leurs et celui de la mafia roumaine qui ne veut pas laisser son crime impuni.
Dans ce roman, véritable huis-clos sur une île bretonne imaginaire, ponctué par les respirations iodés que représentent les sorties en mer, l'auteur développe une intrigue où la part fantastique de la légende bretonne à la part belle. Un roman qui malgré quelques longueurs et une fin un peu décevante est assez réussi et se lit avec plaisir.
mercredi 5 février 2014
La voleuse de livres
La voleuse de livres aux éditions Oh éditions
La Mort, narratrice originale de ce roman, nous raconte l'histoire de Liesel et de sa famille nourricière, un histoire qui l'a touchée, prouvant par là qu'elle est bien plus humaine qu'on ne le croit, bien plus humaine que l'homme lui-même surtout en cette période particulièrement inhumaine que fut la période nazie en Allemagne et la deuxième guerre mondiale.
L'histoire débute par le trajet en train de Liesel accompagnée de sa mère et de son petit frère. Liesel est fille de communistes traqués par le régime nazi. Sa mère a donc décidé de confier ses enfants à une famille nourricière. En chemin son petit frère meurt et lors de son enterrement, un livre tombe de la poche de l'un des fossoyeurs, ce sera son premier vol de livre. Un livre qui sera comme une bouée pour elle, même si elle ne sait pas encore lire.
L'arrivée de Liesel dans sa famille d'accueil est difficile, Rosa Hubermann, sa mère nourricière apparaît au premier abord comme une digne héritière de Madame Thénardier dans les Misérables, le père, Hans est quant à lui un homme bon qui prend tout de suite la jeune fille sous son aile.
La jeune fille s'acclimate finalement plutôt bien à sa famille d'accueil, avec son nouveau père elle apprend petit à petit à lire. Elle accepte, les insultes de Rosa qui sont en fait les signes d'une affection qu'elle ne sait pas montrer. Elle se fait des amis avec qui elle joue au foot, surtout Rudy avec qui elle va voler des livres chez une des clientes de sa mère, la femme du Maire.
En cette période troublée, la famille Hubermann, va montrer son vrai visage en recueillant un boxeur juif, en le cachant dans sa cave pour le soustraire à la traque nazie. Une profonde amitié va naître entre Liesel et lui, une rencontre qui va marquer la vie de la petite fille.
La voleuse de livres est un superbe roman, un roman qui parle des mots. Les mots qui convainquent comme les mots de la propagande nazie, des mots de haine, des mots d'exclusion. Des mots qui rassemblent comme les mots des livres volés qui rassemblent Liesel et Hans quand ce dernier lui apprend à lire. Des mots qui soulagent quand Liesel lit ses livres à voix haute dans l'abri souterrain lors des bombardements. Bref, un roman à mettre entre toutes les mains et dont l'adaptation cinématographique sort aujourd'hui.
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