Sans lui de Catherine Rolland aux
éditions Mon village
«Depuis
que c’est arrivé, je cauchemarde presque toutes les nuits.
La
psy dit que c’est normal. Tu sais bien, celle qu’ils avaient voulu t’imposer et
que tu n’es jamais allé voir, si
bien qu’après quelque temps c’est moi qui ai fini par occuper tes créneaux de
rendez-vous.
Bon
sang, si on m’avait dit qu’un jour j’irais m’épancher dans le giron d’une psy…
Je peux toujours me mentir en prétendant que ce n’est pas pour moi que je le
fais et que c’est pour t’aider, personne n’est dupe, à commencer par elle.
Ce
n’aurait sans doute pas été pire si j’avais été aux Jonquières ce soir-là.
La
psy dit qu’il nous faudra du temps, à toi comme à moi, pour réussir à oublier.
Si tu veux mon avis, je doute qu’on y arrive jamais… »
Eux, ce sont les jumeaux Sostein :
Ethan et Lénaïc. Des jumeaux identiques, fusionnels. Ils ont vécu un terrible
drame : l’incendie de la ferme familiale, le décès de leurs parents dans
le brasier.
Ethan et Lénaïc vont réagir
différemment à cette tragédie. Le premier va aller consulter la psy que le
second refuse de voir. Il va accepter les choses, vivre avec. Le second, présent
dans la fournaise, va se retrancher du monde des hommes, se contentant du peu de
vie sociale nécessaire à sa survie. Il ne se sent bien qu’avec son frère et
avec l’art. Lénaïc est un artiste de talent, il est passionné par les œuvres du
Caravage et passe son temps libre à reproduire au détail près l’œuvre du maître.
Avec eux, entre eux, deux personnages
tentent de vivre : Flore, l’amie d’enfance, la petite amie d’Ethan, et
Olivier, le prêtre qui les a recueillis après le drame et qui est le seul à les
comprendre.
Ethan décide de partir, de fuir les
lieux du drame en abandonnant Flore. Il propose à Lénaïc de l’accompagner à New York, mais
celui-ci refuse. Il ne se sent bien qu’ici sur les lieux qui ont vu son
enfance.
Comment vivre sans l’autre, cet alter
ego, ce miroir sans lequel Lenaïc n’imagine pas exister ? Comment vivre
dans ce sentiment d’incomplétude ? Comment vivre après un tel drame et l’affronter
seul ? Même si Flore et Olivier sont présents, comment vont ils trouver
leur place aux cotés de ce couple gémellaire, même éclaté ? Comment
vont-ils pouvoir aider Lénaïc ? Et cette Madeleine qui débarque et qui
semble savoir beaucoup de choses sur les Sostein, qui est elle ?
C’est à un drame psychologique
passionnant que nous convie cette fois, Catherine Rolland. Elle y démontre une
fois de plus son formidable talent de conteuse. Laissez-vous, vous aussi, emporter par cette histoire pleine de
rebondissements. Plongez-vous dans la personnalité de ces jumeaux. Un roman qui
se lit d’une traite tant les personnages sont fouillés et l’intrigue bien
menée. Si vous ne la connaissiez pas encore, Catherine Rolland est un auteur à
découvrir.
« –
Je ne bougerai pas de Saint Julien, Olivier. Je te l’ai déjà dit : quand Ethan
se décidera enfin à revenir,
il ne manquerait plus que je ne sois pas là !
Le
prêtre, d’en bas, le suivait des yeux comme il évoluait entre ciel et terre,
sans vertige apparent. Il murmura :
–
Tu sais, petit… Peut-être bien qu’il ne reviendra pas. Peut-être qu’il faudra
que tu finisses par te faire à
l’idée qu’il n’est plus avec toi…
Il
avait, comme toujours lorsqu’il évoquait Ethan, parlé avec beaucoup de
réticence, conscient que le terrain était mouvant. Mais contrairement à ce
qu’il aurait pensé, le cadet Sostein resta de marbre, répondant d’une voix ferme, tandis
qu’il rectifiait l’azur moucheté
d’un nuage :
–
Aie la foi, curé. »