Lulo d’Hugo Poliart aux
Éditions Jourdan
Après Je suis un tueur humaniste de David Zaoui, dans la famille des tueurs à gages originaux, j’appelle Sandra, qui
pourrait être la sœur de Babinski.
Sandra, belle jeune femme
de vingt-huit ans travaille pour Doran, magnat de l’édition et du
divertissement. Sandra a rencontré Doran alors qu’elle était juriste. Le magnat
l’avait embauchée pour gérer les litiges concernant les plagiats. Peu à peu, une
estime mutuelle, une confiance se sont installées entre eux. Sandra est en quelque
sorte la fille que Doran n’a jamais eue. Doran a fait sa fortune dans le domaine
de la téléréalité, mais sa vraie passion ce sont les livres. Il reçoit chaque
jour de nombreux manuscrits mais n’en publie que très peu. Un jour, irrité par
la médiocrité constante des textes qu’il reçoit, Doran lance sur un coup de tête,
l’idée de se débarrasser de tous ces plumitifs sans talent qui lui font perdre
son temps. La colère retombée, l’idée ne lui semble pas si aberrante. Sandra se
saisit de l’occasion, elle aime son métier dans le monde de l’édition, mais s’ennuie
derrière son bureau. Elle a besoin d’action.
Sandra devient donc tueuse
à gages à la solde de Doran. Elle ne dépend que de lui et gagne bien sa vie. En
effet, les mauvais auteurs sont nombreux. Sandra a carte blache pour se
débarrasser des écrivaillons. Sa petite touche personnelle est de joindre l’utile
à l’agréable. Avant chaque mise à mort, véritable mante religieuse, elle couche
avec chacune de ses victimes.
Marc est flic. À
trente-sept ans, il est spécialisé dans la traque des tueurs en série. Sa marotte : l’infiltration. Quand il entend parler d’une possible série
de meurtres touchant des aspirants écrivains, il se saisit de l’affaire. Il va
contacter les maisons d’éditions et leur proposer un manuscrit. La difficulté
pour cet amoureux des mots réside en l’écriture du plus mauvais roman possible. Très vite, il est contacté. Le poisson est ferré. Il va rencontrer
Sandra. Pourra-t-il la livrer à la justice, ça c’est une autre histoire
que vous découvrirez en lisant le livre.
Lulo n’est pas un polar ou
un thriller au sens strict du terme. L’intrigue policière du roman est un
prétexte pour décrire de l’intérieur le monde de l’édition, ce qu’il est
devenu. En réalité, ce roman est une satire passionnante et hilarante du monde
littéraire.
« Un jour, il a piqué une vraie colère. Il venait d’ouvrir le
troisième roman d’un ancien employé de la Poste qui avait pris une
pause-carrière pour « rencontrer son destin d’écrivain ». Son style
était « hypertélégraphique », sans doute une déformation
professionnelle. Il était allé au bout de ses convictions littéraires et avait
fait parvenir à monsieur Doran un roman entièrement rédigé avec des phrases
comprenant un seul mot. Cela débutait comme ceci : « Gare. Train.
Attente. Nuage. Horaire. Femme. Mouchoir. Cœur. Prendre. Nostalgie. »
Six-cents pages ! Monsieur Doran a laissé tomber la brochure au sol et s’est
mis à pleurer de colère : « C’est qui lui ? Je vais le tuer
celui-là, c’est pas possible ! ». Puis, il a relevé la tête et ses
yeux se sont mis à briller, comme s’il était possédé par le démon, mais avec le
sourire d’un enfant de sept ans qui convoite un éclair au chocolat dans la
vitrine d’un artisan-pâtissier. Il fait toujours cette tête quand une idée
géniale lui traverse l’esprit : « Mais au fond oui, pourquoi pas ? »
Passionné par le milieu
littéraire, j’ai passé un excellent moment à la lecture de ce livre. Il pose le
problème de l’accès à l’édition. Aujourd’hui, tout le monde peut écrire.
Certaines « maisons d’édition » se sont spécialisées dans cette
activité : permettre à tout un chacun de publier son livre quelle que soit
sa qualité, contre espèces sonnantes et trébuchantes. L’auteur dénonce aussi un
milieu qui s’est peoplisé. On le voit d’ailleurs dans les salons du livre ou
les Nabila et consorts sont ovationnés. Le style de l’auteur est en plein accord
avec le titre. : vif, à l’humour acide, à l’image de ce fruit colombien
auquel on ajoute un peu de sucre ou de miel pour en atténuer l’acidité.
Laissez-vous tenter !
Vous passerez un très bon moment.