lundi 31 août 2015

Souvenirs de lecture 21 : Mathieu Tazo



Souvenirs de lecture 21 : Mathieu Tazo


   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touches, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lecture avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Mathieu Tazo qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je le remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?


MT :   Il s'agit plutôt d'un auteur, Albert Camus qui, à travers ses romans La Peste et L'Etranger m'a donné le goût de la lecture. Avant je lisais peu, puis j'ai développé un plaisir prononcé pour les romans qui savaient mêler ambition du thème, intérêt de l'histoire et qualité d'écriture.

            Après Albert Camus, j'ai découvert Mario Vargas Llosa, l'auteur péruvien dont j'ai lu plusieurs romans pendant un séjour de six mois au Pérou et le reste de l'oeuvre ensuite. J'ai particulièrement apprécié La guerre de la fin du monde, La ville et les chiens et La fête au bouc.

             Puis vint ma période Robert Merle (La mort est mon métier, Malevil, L'Ile, Les hommes protégés) et ses descriptions des comportement humains en situations extrêmes. Et enfin il y a quelques années, j'ai découvert Sébastien Japrisot, dont j'ai lu toute l'oeuvre. Il était un maître de l'enquête et du scénario, doté d'une 'écriture implacable et bourrée d'humour. 

    J'ai lu de nombreux écrivains lors de ces vingt dernières années, mais ceux-là ont été mes plus fidèles compagnons de route.


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

MT :   J'ai relu récemment La Peste et L'Étranger et j'y ai retrouvé tout ce qui m'avait plu adolescent : une histoire forte, une écriture limpide et élégante, des personnages qui luttent et surtout, la sensation agréable d'un goût qui reste en bouche, une fois la dernière page refermée.

            Mon envie d'écrire est venue plus tard, vers mes trente ans mais j'ai toujours gardé en mémoire les romans de Camus.


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?




MT :   J'ai découvert Romain Gary il y a bien des années et pourtant ce n'est que maintenant que je me pâme devant ses romans ! La maturité sûrement !

             J'ai lu La promesse de l'aube l'année dernière  et suis en train de terminer Les cerfs-volants. Romain Gary a de la magie dans les doigts, tel un virtuose en piano. Ces deux romans sont des chefs-d'oeuvre.







Biographie



              Mon parcours est la somme de plusieurs expériences très diverses. Mes vingt premières années ont été sportives, en Provence, où j'ai pratiqué le football au plus haut niveau national junior, dans le club de Toulon. Puis je suis parti à Paris où j'ai été diplômé de l'Essec. J'y ai commencé ma carrière professionnelle, carrière qui a pris ensuite une tournure internationale puisque j'ai vécu cinq ans à New York et que je vis maintenant à Londres.


               Je suis venu sérieusement à l'écriture il y a une dizaine d'années, tout simplement parce que j'aimais inventer des histoires et que j'appréciais lire des romans à intrigues. J'ai donc voulu rédiger mes propres histoires et les partager avec les lecteurs. Ecrire occupe aujourd'hui une place importante dans ma semaine, c'est le moment pour moi de quitter le monde en dur pour me plonger dans mon monde fictionnel qui prend l'apparence de la réalité mais a le goût de l'imaginaire.


             Mathieu Tazo est l'auteur de deux romans : La dynamique des fluides et Un caillou dans la chaussure, parus chez Daphnis et Chloé.


              Un caillou dans la chaussure a été chroniqué sur ce blog et le titre dispose d'un lien intégré vous permettant d'accéder directement à la chronique.

              Encore un grand merci à Mathieu Tazo pour son temps, sa gentillesse et sa disponibilité. Partez à la découverte de cet auteur, vous ne serez pas déçus.



dimanche 30 août 2015

Le malheur sera ta chance



Le malheur sera ta chance de Renaud Santa Maria aux éditions Belfond (Rentrée littéraire 2015)



   Augustin, la quarantaine,  est seul face à un caveau au cimetière du Père Lachaise.  Comme tous les jours. Mais aujourd'hui est un jour particulier. Il est venu pour célébrer le premier anniversaire du décès de Palma. Cette Palma qui lui manque tant, sans laquelle il lui est si difficile de vivre. Palma qui le comprenait, qui le guidait dans ses errances, qui l'apaisait, qui l'aimait tant. Palma qui essayait de chasser ses idées noires. 

    "A l'instar de la promesse d'une nuit de Noël, l'on se devait de s'endormir, avec en soi l'impatience jubilatoire d'un réveil prometteur. Quelle surprise nous cueillerait avec entrain au saut du lit ? Quelle truculente promesse nous ravirait  au point de transformer une journée que l'on savait par avance éprouvante en un délicieux souvenir par la suite ?
     Quant aux mauvaises nouvelles... Encore un cadeau tombé du ciel ! Une simple épreuve qu'il fallait s'ingénier à s'approprier comme s'il s'agissait d'un jeu.
      - Un mauvais tour, ça se déjoue toujours lui disait-elle. La recette ? Rester paisiblement dans les conditions d'une énigme ludique à résoudre."

   Cette Palma qu'Augustin pleure depuis un an c'est sa mère. Une mère avait qui il entretenait un amour fusionnel. Palma avait foi en la vie, foi en Dieu et d'elle irradiait une aura presque virginale. Tout le monde l'aimait. Mais Palma n'est plus et Augustin passe son temps à essayer de trouver le signe que sa mère avait promis de lui envoyer sur son lit de mort. Et de signe, cet éternel adolescent  dont Rimbaud est l'idole n'en voit point. Augustin s'interroge : cette absence voudrait-elle dire qu'il n'y a rien après la mort, que contrairement à ce que lui disait sa mère, la mort n'est pas le début d'une autre forme de vie ?

   C'est cette longue période de deuil que nous allons vivre avec Augustin. Il va se replonger dans ses souvenirs pour savoir où chercher ce signe promis par Palma. Aidé des ses amis, sa famille de coeur et celle de Palma, c'est un long voyage intérieur qu'il va faire. Le deuil va être pour lui comme une chrysalide de malheur nécessaire pour passer de l'adolescence à l'âge adulte, un long tunnel pour aller de l'ombre à la lumière. 

   Le malheur sera ta chance est un roman passionnant, émouvant, profond qui questionne la foi, l'amour, la relation à la mort. Il est porté par une langue riche, recherchée , poétique. Ce deuxième roman de Renaud Santa Maria est une superbe découverte et je vais me précipiter sur le premier.

   "L'homme croupissant dans les souterrains de son humanité pouvait-il un jour accéder à cette clef de voûte des espérances que certains nomment "foi" ?
    Augustin pressentait qu'il tenait l'occasion idéale de se rendre compte par lui-même si cette cime tant promise et louée était difficile ou non  d'accès. Les révélations  de Mathilde la veille perçaient plus encore le plafond de ses catacombes introspectives. Au point d'entériner un début de décombres, laissant filtrer au travers de sa réflexion embrumée un halo pénétrant et aguicheur le conviant à s'extirper des ténèbres. Chaque fois que sa raison se heurtait aux limites de son propre champ d'action, la foi apparaissait, semblant vouloir prendre le relais. Tel le guide ultime à qui il fallait donner son absolue confiance, si l'on souhaitait s'évader de cette apparente voie sans issue."


vendredi 28 août 2015

A l'enseigne du coeur épris




A l'enseigne du coeur épris de Jean-François Pigeat aux éditions Le dilettante (Rentrée littéraire 2015)



   Stéphane vit seul . Son ex-femme et sa fille vivent à l'autre bout de la France. La solitude pèse à ce quadra bien sous tout rapports. Il s'inscrit donc sur un site de rencontres. Il faut bien vivre avec son temps. D'échanges en échanges il fait la connaissance virtuelle de Geneviève. Se trouvant des atomes crochus ils décident de se rencontrer. Aucun des deux ne veut précipiter les choses. Ils visitent ensemble des musées, dînent au restaurant, vont au cinéma. Puis ils franchissent le pas tout en décidant de ne pas vivre ensemble. Et cela va très bien à Stéphane, l'appartement de Geneviève, plus grand que le sien, ne correspondant pas à ses critères esthétiques. 

    Cette belle relation qui les satisfait tous les deux, prend du plomb dans l'aile quand Yann, le fils de Geneviève rentre de Londres ruiné et s'installe chez sa mère le temps de repartir du bon pied. Ce fils dont Geneviève ne lui avait pas parlé irrite profondément Stéphane. Il occupe l'appartement de son désordre indescriptible. Stéphane ne comprend pas le comportement de Geneviève à l'égard de son fils, il l'exhorte à plus de fermeté. Quand il est chez elle il aimerait pouvoir disposer d'un certaine intimité. C'est l'accident de Geneviève qui va précipiter la fin du couple. Une banale chute dans sa baignoire qui l'immobilise de longues semaines. Contraint à la cohabitation, Stéphane n'en peut plus de la présence de ce fils prodigue. Le ton monte, Stéphane claque la porte.

   A nouveau seul, et à présent avec sa fille à charge, Stéphane essaie de comprendre ce qui s'est passé. Il regrette cette belle relation qu'il a brisé par son intransigeance. Malgré ses efforts, il n'arrive pas à passer à autre chose.

   A l'enseigne du coeur épris est un livre qui m'a paru plat, fade. Les personnages sont stéréotypés. Stéphane : snob, fat, psychorigide, insupportable. Geneviève, gentille attentionnée, qui ne sait pas dire non. Les traits d'humour ne parviennent pas à donner de la saveur au texte. 

   Après le fond, venons en maintenant à la forme. C'est la que le bât blesse le plus. Que de longueurs, les phrases sont lourdes, prétentieuses, parfois indigestes. Je veux bien admettre que l'auteur veuille coller au caractère du personnage principal mais point trop n'en faut, cela gâche le plaisir de la lecture.

      En bref un coeur épris qui croyait prendre mais qui ne prend pas du tout . 

   Mon avis est peut-être biaisé par le fait que cette lecture fait suite à quelques livres forts, marquants. Mais ce n'est que mon avis, faites vous le vôtre.




Souvenirs de lecture 20 : Patricia Oszvald



Souvenirs de lecture 20 : Patricia Oszvald



   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Patricia Oszvald qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?

PO :   Sans hésitation, Pagnol. Non pas un roman de Pagnol, mais tout Pagnol. Je l'ai découvert à l'école, comme tout le monde, avec "Le château de ma mère" et "La gloire de mon père" et j'ai tout de suite été conquise par son univers. Ensuite "Jean de Florette"  et "Manon des Sources" ont confirmé l'enchantement. Plus tard, "La femme du boulanger" et "La fille du Puisatier", pareil. Avec Pagnol, j'ai découvert, au-delà de la langue, de la magie des mots, de leur tricotage qui fait la musique de la langue, la transmission des émotions. Dans les mots de Pagnol, tout passe. Les odeurs, les couleurs, la garrigue, les champs de lavande, l'accent, la poussière des chemins, le chant des cigales. Tout transpire sa terre, sa Provence. Quand on colle un accent à ses personnages, c'est pour leur faire parler de leur pays en parlant d'autre chose. C'est magique, poétique et émouvant. 


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

PO :   Dans le passage des émotions. Ne pas seulement m'imposer la justesse du propos, je veux que ça sonne beau, le verbe joli. Il faut que ce soit mélodieux et harmonieux. Que ça chante. Et quand ça chante, les émotions coulent. Elles habitent les mots qui les abritent. Elles leurs donnent corps et la magie opère.


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

PO :    Alors, mes coups de coeur iront vers trois auteurs qui ont déjà un large public, mais dont on parle peu. Ce sont à mon sens trois OVNI, chacun dans leur style.

            Je citerais Shalom Auslander qui est une vraie découverte d'il y a deux ou trois ans. D'abord avec ses deux récits autobiographiques, "La lamentation du prépuce" et "Attention, Dieu méchant" et son premier roman "L'espoir, cette tragédie". Il écrit au scalpel. Sans aucune concession, ni compromis. Il flirte en permanence avec le blasphème de manière insolente et c'est jubilatoire.

            Ensuite, Nadine Monfils. "Les vacances d'un serial killer"', notamment. Mais tous les autres sont dans la même veine. Nadine a une écriture complètement déjantée. Elle trimbale avec elle tout un folklore belgo-belge, c'est très savoureux et ses personnages sont à la hauteur de sa fantaisie. C'est complètement fou.

            Et puis, je dirais, Herman Koch que j'ai découvert dans son premier roman "Le dîner". Là, c'est tout autre chose. Il faut être prêt à affronter cet univers. Il faut accepter de se laisser manipuler, bousculer, déranger, jusqu'à en être franchement mal à l'aise. Je ne connais pas d'autres auteurs capables de faire ce qu'il fait avec autant d'habileté et d'efficacité.


Biographie


           Écrivant depuis la prime adolescence, j'ai toujours su que ma voie se trouvait dans l'écriture, par le tricotage des mots mêlés à mon imaginaire sans limite que je trouverais mon bonheur. Auteur et metteur en scène de deux one-man-shows, de plusieurs ouvrages dépeignant avec humour la société et mes contemporains, c'est à l'écriture de romans, de pièces de théâtre et de scenarii que je me consacre désormais. Je viens de publier "Les réparables", mon quatrième roman, en avril dernier et une première pièce de théâtre, "Le Banc" en juillet 2015


         



          Encore un grand merci à Patricia Oszvald pour sa gentillesse et sa disponibilité. Le titre de la pièce de Patricia est colorisé et dispose d'un lien intégré vous permettant d'accéder directement à la chronique d'un simple clic.



           


jeudi 27 août 2015

Camille, mon envolée



Camille, mon envolée de Sophie Daull aux éditions Philippe Rey (Rentrée littéraire 2015)



   Alors que la famille était en plein préparatifs pour Noël, Camille, la fille de l'auteur, est brusquement tombée malade. Après quatre jours de souffrance, elle décède.

   Sophie Daull lui adresse ce livre. Elle lui raconte ses quatre derniers jours, le tremblement de terre qu'a été sa mort, les premiers jours sans elle jusqu'à son enterrement. Les chapitres racontant les suites immédiates du décès de Camille, cette jeune fille pleine de vie alternent avec le récit de la vie de l'auteur les mois qui ont suivi.

   Dans ce livre hommage, Sophie Daull, comédienne, décrit le champ de ruines qu'est devenu sa vie et celle de son mari. Un décor qu'elle éclaire de ses souvenirs. Un lumière tantôt aveuglante et douloureuse, tantôt douce et apaisante. La mort de Camille est une mort pour elle aussi, c'est une nouvelle vie qu'il va falloir reconstruire, marquée par le deuil, par le vide, par l'absence. Une vie hantée par le fantôme de Camille.

   "Dans cette maison, on s'aimait, on s'engueulait, on riait : on était délicieusement libres de s'aimer, de s'engueuler, de rire. Ton jeune sang et le nôtre, un peu plus épais formaient un fleuve intranquille où l'avenir battait pavillon.
     C'est pour ça que je vivrai ta vie, que mon sang aura désormais toujours 16 ans. Tu me regarderas et me guideras selon ce que tu fus, ce que tu promettais, ce que tu aimais de moi. Je vais exister par en-dessous, par soustraction, par extension de toi, dans la copie de ta pudeur contre mon excentricité, de ta réserve contre mon exubérance, de ton repli contre mes tripes à l'air."

  Dans ce "roman", l'auteur en s'adressant à Camille, en parlant de leurs souvenirs, prolonge la vie de sa fille. Elle se libère des souvenirs encore frais de ses derniers instants.

   "Mais je poursuis le récit, la mission. J'écris comme on dépollue les sols rendus infertiles par une catastrophe naturelle."

   Ce livre, reçu dans le cadre de l'opération 68 premières fois organisée par L'insatiable Charlotte, est le type de livre que je fuis normalement. Le type de livre ou le lecteur se sent voyeur de la détresse de l'auteur. Je serais donc passé à côté de ce très beau récit, plein de pudeur, de colère, de douceur et d'amour porté par la superbe plume de Sophie Daull. Un livre poignant, marquant, émouvant mais aussi plein d'humour et de tendresse dont je recommande vivement la lecture.




mercredi 26 août 2015

Le Français



Le Français de Julien Suaudeau aux éditions Robert Laffont (Rentrée littéraire 2015)



Le narrateur est un jeune homme sans histoire. Il traîne son ennui à Evreux, ville moribonde dans laquelle les perspectives sont rares. Il travaille comme livreur. Seule Stéphanie, la jeune femme dont il est amoureux apporte un peu de joie à sa morne vie même si cet amour est à sens unique. A la maison sa vie n'est pas rose non plus. Sa mère malade cherche du travail en vain et son beau père passe son temps à le rabaisser et à le tabasser.

   Un soir avec Stéphanie, ils se rendent à l'invitation d'une petite frappe locale, sur les pistes désaffectées d'un aéroport pour un rodéo à moto dans lequel le voyou  a un accident duquel il succombera. Pour échapper à la police ( qui ne l'a jamais suspecté de quoi que ce soit) mais surtout pour fuir une vie dont il n'a rien à espérer, il se rapproche de trafiquants "Yougoslaves" pour gagner son billet de sortie. Le responsable le met en relation avec un gérant de cyber cafés à Bamako. C'est le départ tant espéré.

  A Bamako, ce Français de souche va, par ennui, pour s'occuper, par politesse, découvrir l'Islam et rapidement du fait des fréquentations de ce patron tomber dans l'engrenage de l'islamisme.

   "Seul Allah est digne d'être loué et Mahomet est son prophète.
     Les jours ont passé et je me suis habitué à ce baratin. Si vous vous répétez n'importe quoi assez longtemps, tôt ou tard vous finissez par y croire. C'est le cours naturel des choses. Les publicités fonctionnent de cette façon, la musique des mots vous donne envie de croire qu'ils sont vrais. Le Coran, je le lisais, je voyais bien qu'on me racontait des histoires, et en même temps je m'habituais peu  à peu à ces phrases qui vous présentent le monde sous un jour simple et bien ordonné. Pas de place pour la complication ou l'entre-deux : soit il en allait ainsi, soit il en allait autrement. J'avais gaspillé beaucoup de temps jusqu'ici à comprendre, à soupeser, alors qu'il suffit de dire les choses pour qu'elles prennent de l'épaisseur."

   Le Français, roman d'actualité s'il en est, nous montre que l'embrigadement djihadiste n'est pas une affaire de religion. Des hommes avides de pouvoir et d'argent proposent à des jeunes sans avenir, sans repaires, une occasion de donner un sens à leur vie. Ils recrutent des jeunes paumés en colère, s'assurant de la sorte une armée gratuite et dévouée pour mener à bien leurs projets. L'Islam n'est que la justification, que le décorum de leur ambition.

  Ce qui rend ce roman passionnant, c'est l'ambiguité du narrateur. A aucun moment il n'adhère à la doctrine islamiste. Il se rend compte très tôt dans quel engrenage il a mis la main. Il est intelligent mais ne se voit pas d'avenir. Il plonge dans l'islamisme pour avoir une vie. Outre le problème de l'islamisme c'est le problème de l'absence de perspective dans les banlieues et les villes dortoirs qui est pointée du doigt dans ce roman. Ces jeunes désoeuvrés, sans avenir forment le terreau de l'embrigadement car il offre à ces jeunes un cadre et un but.

  Le Français est le deuxième roman de Julien Suaudeau, un roman passionnant, dérangeant. A découvrir. 

  "En les observant, j'ai pensé que c'était écrit : les déchets de la grande illusion, de la vie, de la civilisation, réunis pour former les contingents de barbares qui devaient tout détruire. C'était inévitable que nous pensions être frères.
   Qu'est-ce-que nous savions ? Rien de solide en définitive. Notre ignorance du monde était totale. Nous savions qu'il fallait le faire partir en flammes, et c'était suffisant. Nous savions tous que nous étions déjà morts. En vie mais pas vivants. Cassés. Irrécupérables. "

mardi 25 août 2015

La maladroite



La maladroite dAlexandre Seurat aux éditions La brune du Rouergue (rentrée littéraire 2015






   La petite Diana a disparu. Tous ceux qui l'ont côtoyée savent qu'il est déjà trop tard. Ils témoignent tour à tour du calvaire qu'a été la courte vie de l'enfant.

   La mère de Diana est instable. Elle a déjà eu un garçon d'une première union qui s'est soldée par un échec, depuis elle cherche l'homme avec lequel faire sa vie. Elle le trouve et tombe enceinte de Diana, mais l'homme la laisse tomber. La jeune femme se réfugie chez sa mère et projette d'accoucher sous X avant de revenir sur sa décision pendant la période légale de réflexion. Finalement l'homme vient la rechercher et la petite famille s'installe.

  Dès les premiers jours d'école de Diana, son institutrice a senti un problème. La petite fille présente un certain retard sur les apprentissages et arrive souvent à l'école avec des blessures, des bleus, des bosses, quand elle ne manque pas l'école car elle est malade. Elle convoque les parents, interroge Diana. Les parents présentent l'aspect d'un couple idéal, de parents attentifs et aimants. Les ecchymoses de Diana sont dues à la maladresse causée par son handicap. Quand elle était bébé une plaque de plâtre du plafond lui est tombée dessus. Les observations de l'institutrice l'amènent à se poser la question de la maltraitance. Elle en parle à la directrice. Quand les pressions deviennent un peu trop insistantes, les parents déménagent et changent Diana d'école.

   Dans ce roman qui fait froid dans le dos, Alexandre Seurat nous décrit l'inertie des services sociaux et de la justice dans les cas de maltraitance. Les services concernée passent leur temps à se renvoyer la balle de peur de faire une erreur. Les témoignages successifs des gens qui ont eu affaire à Diana et à ses parents nous plongent dans l'horreur absolue. Entre les personnes impuissantes et celles qui ne veulent pas voir, le martyr de Diana se poursuit.  La construction du roman sous forme de témoignages renforce encore plus le réalisme et l'horreur de l'histoire, la colère que l'on éprouve face à ces services sociaux qui ne se mettent en action qu'une fois qu'il est trop tard.

  La maladroite est un roman terrible, poignant, sûrement l'un des romans les plus durs, les plus marquants de cette rentrée littéraire par son thème. Un premier roman au sujet difficile parfaitement maîtrisé. Un roman qui happe, qui bouleverse qui nous pose des questions, qui suscite le dégoût et la colère, l'impuissance. On se laisse aspirer par cette spirale de l'horreur. Que pouvaient faire de plus ces personnes qui ont côtoyé Diana tant la machine administrative est difficile à bouger ?

  "En quinze jours de classe, j'avais compris, les bleus, les bosses, quand j'y repense j'ai l'impression que tout s'est déroulé à travers un cauchemar. Alors, je ne vois plus ma classe, mes élèves se figent en noir et blanc - et parmi eux, il y a Diana : elle est la seule à ne pas être en noir et blanc et à ne pas être immobile, je la sais en danger, elle me regarde, comme si elle guettait de moi ce que je peux faire, ce que je vais faire. Mais dans le cauchemar, je sais que tout est déjà trop tard pour elle, elle me regarde, et je ne peux rien faire, et je voudrais qu'elle me pardonne. "

"Je valide mon inscription à Focus Littéraire sous le pseudo denisarnoud."

  

dimanche 23 août 2015

Les bannis



Les bannis de Laurent Carpentier aux éditions Stock (rentrée littéraire 2015)



"Debout ! Les damnés de la terre !
 Debout ! Les forçats de la faim !
 La raison tonne en son cratère, 
 C'est l'éruption de la fin.
 Du passé faisons table rase.
 Foule esclave, debout ! Debout !
 Le monde va changer de base :
 Nous ne sommes rien, soyons tout !"

L'internationale premier couplet.


   Qu'il est difficile de faire table rase du passé. C'est ce que nous montre Laurent Carpentier dans Les bannis. Il revient sur l'histoire de sa famille au cours de ce XXème siècle hurlant, rugissant. L'histoire des siens n'est pas si singulière que cela, c'est l'histoire de beaucoup de familles terrassées par ce siècle de conflits tant militaires que politiques.

   Laurent Carpentier nous parle de sa famille da manière brouillonne, pas de manière chronologique, ce sont des bribes de souvenirs qui lui reviennent en mémoire et qui conditionnent son enquête. Les personnages défilent, chapitre après chapitre. Fine, Maurice, Jacques, des communistes bannis du parti, des juifs déportés, des gens déclassées. Ils se succèdent  à un tel rythme et de manière si désordonnée qu'on ne sait plus vraiment qui est qui. Mais est-ce-là l'essentiel ?

   Ce qui ressort de ce roman c'est une espèce de tourbillon, de spirale du malheur qui touche cette famille et qui, bien qu'il veuille s'en libérer, enchaîne l'auteur depuis qu'il est petit garçon.

  "Moi qui me suis toujours foutu des fadaises généalogiques qu'on vous serine dès le jeune âge, qui me suis toujours protégé du passé, pourquoi vois-je aujourd'hui défiler ces images troublées ?
   Quelles peurs ont-elles laissées en moi, toutes ces histoires de massacres, de haine, de violence, d'impossibilité à vivre que je ramasse comme le moissonneur récolte le blé qui le nourrira ? Le malheur serait-il une raison de vivre ? Et la famille un corps cannibale dans lequel je suis allé chercher à la fois ma force de vie et mon empêchement fondamental au bonheur."


  Les bannis est un roman foisonnant, touffu, passionnant. On se perd dans ses bribes d'histoires de famille mais on est porté par cette vague d'événements, de drames. Une famille qui pourrait être la nôtre tant elle est marquée par l'histoire mondiale de ce XXème siècle. Oui, il est difficile de se détacher du passé familial, cette histoire qui nous a bercé dès l'enfance. Peut-on se libérer de ces fantômes du passé qui reviennent sans cesse dans les discussions ?


  "Tous me veulent du bien. Aucun compte à régler. Ils m'ont légué leur sève, leur passé, leur vie, qui seule, s'est chargée de les pousser dans le vide. Ils m'ont juste généreusement offert de les accompagner. Qui suis-je, qui serais-je pour les juger ? Mes parents voulaient du passé faire table rase. Le peut-on jamais ? Le sang coule-t-il éternellement de la treille ?
    J'ai bu le jus de mort au calice."

vendredi 21 août 2015

Le banc



Le banc de Patricia Oszvald (Théâtre)  aux Editions du Net



  Un banc. Quoi de plus anodin qu'un banc. On passe devant sans le remarquer.  Pourtant un banc c'est quelque chose d'important quand on y regarde de plus près. C'est un lieu de repos, c'est le refuge des amours débutantes chères à Georges Brassens. Un banc c'est un lieu de rencontre. Un leu de vie pour les SDF, les clodos. Ceux-là non plus on ne les voit plus, ou plutôt on les ignore.

   C'est donc un banc banal qui est le lieu de rencontre entre Michel grand habitué de la rue et Maximilien, jeune homme qui vient de tout perdre.

   "Il est de bois. Il est dehors. Il est public. Il est la résidence principale de Michel, SDF de longue date. Il est le lieu d'accueil de Maximilien qui vient de tout perdre. Il est surtout, sous le regard des passants indifférents, le trait d'union entre Maximilien et Michel. Et quand le hasard se veut metteur en scène d'heureuses rencontres, c'est toute l'humanité qui se retrouve sur un banc."

  Michel  compte tout, on le surnomme le boulier, c'est ainsi qu'il délimite le temps, qu'il donne un cadre à sa vie. Pour lui, la moindre chose à de l'importance. Il regarde tout, note tout avec les yeux d'un poète. Il a le temps. Maximilien, lui, est désespéré. Assis sur ce banc, il entame la conversation avec Michel le nez sur ses chaussures. Il ne voit plus rien que son malheur personnel. Il faut dire qu'il n'a jamais pris le temps, toujours à courir pour ses affaires, à passer à côté de sa vie.

  Au fil de la conversation, Michel va lui expliquer sa philosophie de la vie. Michel touché par la détresse de Maximilien, le fait entrer dans son univers : le monde de la rue. Il lui en montre la poésie et la dureté, ses petits bonheurs et ses drames. Ces petits riens (Rhien c'est d'ailleurs le nom de Michel) qui transforment l'existence en vie.

  Le banc est un long dialogue plein d'humanité. Michel montre ce que l'homme a perdu en courant après la réussite, après l'argent. Il faut savoir prendre le temps de vivre, une notion que beaucoup d'entre nous a perdu. Un dialogue plein de vérité et de poésie.

   "C'est ça, le problème du monde ; les gens regardent et ils ne voient pas ! Comme y a ceux qui écoutent et qui n'entendent pas ! Alors quand on cumule les deux, pensez bien qu'avec ça, la Terre perd la boule ! Puis, y a pas que ça ! Au cinéma, on rêve peut-être pendant deux heures et c'est tant mieux, mais moi je vais vous dire un truc : depuis mon banc, vous voyez juste là entre les deux arbres, quand le soleil se lève le matin et colorie le ciel en rose violet et qu'y a les oiseaux qui me chantent une symphonie, j'ai l'impression  que le vie recommence, voyez ? Quand c'est le printemps, y a les crocus qui sortent de terre ; ils nous en ont mis tout du long de l'allée centrale ; on dirait un tableau de Monet ! Vous vous rendez compteur peu ; j'ai pas un sou dans les poches, d'ailleurs c'est pas compliqué, mes poches sont tellement usées qu'y a plus de fond, c'est dire si j'ai rien du tout ! Eh ben, le Michel qui est devant vous ; il a un Monet grandeur nature tous les jours et rien que pour lui."




  

mercredi 19 août 2015

La petite barbare




La petite barbare d'Astrid Manfredi aux éditions Belfond 






  La petite barbare, c'est ainsi qu'on la nomme en prison, est incarcérée pour avoir participé à la torture d'un jeune homme dans une cave. L'homme n'a pas résisté au supplice. Elle se retrouve seule face à elle-même, face à ses actes, face à ce qu'à été sa vie jusqu'alors.


   "On ne dira jamais assez à quel point mater un mur toute la journée peut rendre fêlée, car une fois que t'as déchiffré les appels au secours du crépi tu te retrouves sur ton pieu face à une souricière. Rien à espérer sauf te raccrocher à des détails comme cette bande de lumière qui entre dans la cellule et dont la clarté sans accroc te propulse dans ton histoire."


   La jeune fille est née au mauvais endroit, dans une famille pour le moins absente. Son crime : avoir voulu échapper à son monde de misère tant pécuniaire que morale. Elle a manqué de tout. D'amour, d' attention, d'argent. Elle est devenue amie avec Esba et très vite, ils ont monté un gang pour pouvoir se procurer l'argent qu'il ne pouvaient pas obtenir autrement. La petite barbare était l'appât, sa beauté : l'arme fatale pour obtenir de l'argent facile. Mais les choses ont dérapé avec ce jeune homme, la révolte, le déchaînement de  violence ont causé la mort du "bourge".

   De sa cellule, à l'isolement, La jeune femme nous raconte son histoire. Elle est le résultat de la machine à broyer les individus qu'est la banlieue, son destin est  le fruit de la désespérance, de l'absence de perspective pour cette jeunesse sacrifiée. Elle met ses tripes sur le papier, ses mots sont forts, violents, sans concession. Elle écrit pour témoigner, pour se réparer. En prison, elle a renoué avec les livres. L'Amant de Marguerite Duras est sa bouée, son rayon de soleil dans les ténèbres.

  Ce livre est un roman coup de poing. A ma droite, la petite barbare, à ma gauche le hibou, les uppercuts pleuvent, pas d'échappatoire, avec ce roman on est toujours dans les cordes et le hibou est rapidement mis  K.O. par les mots cinglants, pleins de sincérité de la jeune femme. Un énième roman sur la banlieue me direz vous ?  Oui mais celui-ci est d'une force que j'ai rarement rencontrée. La plume d'Astrid Manfredi frappe droit au coeur, on est pris dès les premières pages et les mots de la petite barbare ne nous lâchent plus. Un roman violent par ce qu'il déchaîne d'émotions. Mais laissons la parole à la jeune femme.

   "Là-haut dans la cité, toujours le même chantier, les tours que l'on détruit pour reconstruire pareil en plus bas. Pas l'habitude des pavillons, les gens des tours. Y a pas d'horizon. Personne n'entend rien. Une surdité collective, tu peux monter le son tranquille. Scotchée à la lose de son canapé, ma mère vit avec l'alcool sa dernière liaison dangereuse. Comment lui donner tort ? Je ne l'ouvre pas , des fois qu'elle voudrait reprendre son rôle d'éducatrice."

   "Oui voilà ce que nous sommes, de grands fauves qui se gavent d'ultraviolence pour encaisser l'ineptie d'un monde fabriqué sans notre avis.

     Ensemble nous squattons la rubrique des chiens écrasés avec des sourires en cran d'arrêt. Parfois la télé débarque et les voitures s'embrasent. Le monde se met à flipper, range son magot sous le matelas. Il a bien raison."

  Vous l'aurez compris ce roman est un coup de coeur. Alors précipitez vous chez votre libraire et faites vivre les mots de la petite barbare.

Cette chronique a été réalisée dans le cadre de l'opération 68 premières fois mise en place par L'insatiable Charlotte à l'occasion de cette rentrée littéraire. Merci à elle. Merci à Séverine également.


mardi 18 août 2015

L'insigne du boiteux




L'insigne du boiteux de Thierry Berlanda aux éditions La Bourdonnaye



   Le commandant Falier est à quelques mois de la retraite. Il pensait attendre la quille en gérant le tout venant. Mais le Prince en a décidé autrement. Cet assassin sans pitié qui avait déjà décimé une famille quelques temps auparavant, laissant un enfant, témoin du massacre de sa mère, traumatisé et catatonique, a remis ça. Mais cette fois pas de survivant. L'enquête s'annonce ardue.

  Lorsque Jeanne Lumet, professeur d'histoire médiévale, reçoit un appel de la police au petit matin, elle ne se doute pas qu'elle met les pieds dans une affaire qui va mettre sa vie et celle des siens en péril et qu'elle va retrouver une vieille connaissance. 

   "Dimanche, 4h30.
  Les lampadaires émergent du brouillard, accrochant des masques d'effroi aux cariatides du boulevard. Jeanne Lumet marche en évitant de justesse les flaques gelées et maudit celui qui l'oblige à sortir de chez elle à une heure pareille."

   Si le commandant Falier a contacté Jeanne, c'est sur les conseils du professeur Bareuil, son ancien mentor. En effet un étrange objet a été retrouvé sur les lieux du crime. Un artefact qui n'a pu être apporté que par le meurtrier. Jeanne n'est pas ravie de retrouver son ancien professeur. 

  La présence de cet objet d'origine perse, oriente l'enquête vers une série de crimes rituels. Le Prince ne s'attaque qu'à des femmes ayant un garçon de sept ans. L'enfant, bien vivant, est mis sur un piédestal duquel il doit assister au massacre de sa mère. Pourquoi s'attaque-t-il à des mères, et pourquoi s'assure-t-il que leur fils soit témoin de la scène ? Jeanne est-elle danger, elle aussi est mère d'un garçon de sept ans ? Je n'en dirai pas plus sur l'histoire pour ne pas vous gâcher le plaisir de la lecture.

   L'insigne du boiteux est une machine infernale, en lisant les premières pages vous mettez le doigt dans un engrenage infernal qui vous happera implacablement. Thierry Berlanda signe avec ce roman un thriller à la construction classique mais efficace. Les personnages sont attachants car aucun n'est monolithique, ils ont tous leur part d'ombre et de lumière, leurs failles. Il nous arrive même par instants de compatir avec l'odieux criminel. Le style de l'auteur colle à l'action passant des envolées lyriques et délirantes du Prince, au langage beaucoup plus trivial des policiers, des descriptions à la poésie glaçante à la langue plus terre à terre de l'action.


   L'insigne du boiteux est une très belle découverte et j'attends avec impatience de retrouver les personnages de ce thriller dans le deuxième roman de Thierry Berlanda, La fureur du Prince. Chronique à suivre très prochainement.

    "Dimanche, 9 heures.
      Le Prince se lève.
      Son réveil a sonné, comme toujours, une heure avant le moment où il commence à se préparer pour sortir. Pendant cette heure, immobile, il se dépouille du corps sublime en lequel, chaque nuit ses rêves le réincarnent. Quand il se dresse devant son miroir dan le faux jour du petit matin, il a cessé d'être l'enfant royal au regard pur qui était allongé dans son lit l'instant d'avant. Son corps s'est avachi, et son visage s'est transformé en la gueule aigre qu'il montrera au monde toute la journée . Il dit :"Mon trône a roulé à terre, renversé par l'ennemi aux mains hideuses."

lundi 17 août 2015

Souvenirs de lecture 19 : Pascal Marmet




Souvenirs de lecture 19 : Pascal Marmet


   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleine de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Pascal Marmet qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je le remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?


PM   : Quand j'étais enfant, je vivais avec ma grand-mère dans une petit deux pièces de banlieue. Mes parents venaient me voir seulement le week-end. Dans ce petit appartement, il n'y avait que deux choses à faire : regarder la télé et lire : je suis un enfant de la télé et un enfant de la lecture.

           Le premier livre que j'ai dévoré fut "L'aiguille creuse" de Maurice Leblanc. Je devais avoir huit ou neuf ans. Il y a avait à l'époque à la TV, Arsène Lupin avec Georges Descrières que j'adorais regarder.

           La petite lucarne m'a ouvert les porte des livres.

          

      Plus tard après tous les livres de Marcel Pagnol, vers onze, douze ans, j'ai découvert Boris Vian et son livre "L'herbe rouge" vers quatorze ans. Je l'ai relu des années après, il n'avait pas pris une ride.








LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

PM   : Il n'y a pas un seul livre mais des tonnes...

           J'ai énormément lu depuis mon enfance, de Simenon à Sartre en passant par tous les classiques. En fait j'ai toujours eu envie de créer un héros récurrent qui reviendrait très souvent dans de nouvelles aventures.

           J'ai déjà écrit sept livres, du roman à thème ("Le roman du parfum", "Le roman du café") en passant par le terroir ("Si tu savais"), un thriller ("A la folie") et "Il y a longtemps" et "Ludmilla", mais dans mon dernier polar qui n'est pas un thriller "Tiré à quatre épingles" chez Michalon Juin 2015, le commandant Chanel, je le verrai bien dans de nouvelles histoires. Si le succès est au rendez-vous, oui alors  pourquoi pas ?




LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

PM   : Je vais être honnête et franc avec vous. Je n'ai plus le temps de lire mes collègues auteurs car j'écris beaucoup. Néanmoins j'ai lu dernièrement :

           Le sentier des aubépines de Claude Rizzo
    
           La liste de mes envies de Grégoire Delacourt

          Se réconcilier avec le sommeil de Michèle Freud. Michèle, l'arrière petite-fille du célèbre Freud, que j'avais rencontrée au festival du livre de Sablet en juillet dernier.

          Voilà...


Biographie

         
Je suis né à Paris mais j'ai grandi en banlieue parisienne avec ma grand-mère qui m'a donné le goût de la lecture.

         Après des études littéraires, j'ai choisi la voie des affaires et j'ai créé deux entreprises.

         Vers trente ans le goût d'écrire m'a repris et j'ai publié mon premier roman.

         Depuis je n'ai pas cessé d'écrire et j'ai vendu mes affaires.

         Je gagne moins d'argent mais je suis plus heureux. C'est un choix de vie.


       


Encore un grand merci à Pascal Marmet pour sa gentillesse et sa disponibilité. Les titres des romans cités par Pascal ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog, figurent en colorisé et disposent d'un lien vous permettant d'accéder directement à la chronique d'un simple clic.

          


samedi 15 août 2015

Jardinière du Seigneur




Jardinière du Seigneur d'Yves Lériadec aux Editions Anne Carrière



   Des années après leur rencontre, le narrateur s'adresse à celle qui a hanté sa vie.

   Alors qu'il est un étudiant dilettante, notre homme laisse un jour son ennui guider ses pas vers l'église Saint Séverin. Ce n'est pas la croyance qui l'y mène, juste la recherche d'un endroit calme. C'est là qu'elle apparaît, des fleurs à la main. 

    "Vous êtes réapparue. Avec des fleurs blanches et bleues dans un vase que vous avez posé devant l'autel. Allant et venant depuis la travée latérale, vous avez fleuri le lutrin, la statue de la Vierge, le crucifix. A chaque fois posant le vase, reculant, observant, déplaçant un peu. Et vous n'êtes plus revenue.
      Dans cette église, je vous aimais déjà."

 Notre amoureux transi n'ose aborder cette femme qui le subjugue, mais il revient tous les matins pour l'observer. Il la surnomme Jardinière du Seigneur.  Enfin la rencontre a lieu, une tendre et chaste relation se noue. Le narrateur se rend compte qu'il fait partie d'un triangle amoureux. Il a un rival, et celui-ci est de taille : Dieu. Quand il apprend que sa belle est partie à Marseille pour prononcer ses voeux, il est désespéré. Il se jette à corps perdu dans les études et se décide à réussir  pour essayer de l'oublier. Il multiplie les conquêtes féminines mais pas une ne lui fera ressentir le même frisson. Il va même se marier par dépit mais c'est un échec.

   Pour mettre de la distance entre eux, il va fuir. De l'Inde, au Pérou et jusqu'en Afrique du Sud. Mais le  destin est cruel et il ne va cesser de la croiser, chaque rencontre ravivant ses blessures à peine cicatrisées. La belle est missionnaire.

     Jardinière du Seigneur est un roman tout en sensibilité, tout en poésie, une poésie simple, empreinte de douceur. Un livre à la fois mélancolique et plein d'humour. On suit l'évolution du personnage de l'amoureux transi à l'homme d'affaires couvert d'honneurs mais insatisfait, cherchant toujours à fuir cet amour impossible, peinant à trouver un sens à sa vie. Jardinière du Seigneur est tout simplement un livre tendre qui fait du bien et c'est déjà beaucoup par les temps qui courent. Un roman à l'écriture sobre, poétique et rythmée que je recommande.

   "Vous ne serez pas mère.
     De vous, l'enfant ne paraîtra pas. À vous, le don premier sera interdit.
     Vous ne connaîtrez pas le tressaillement intime, le ventre qui se tend, le jaillissement ultime.
     Vous ne sentirez pas la bouche sur votre sein, la bave sur votre peau, la main crispée sur votre doigt .
     Vous ne recevrez pas les dessins maladroits, cadeaux tout de guingois, visites dans le lit du matin.
      Aucun achat de cartables, maillots du  grand champion, tenues pour faire comme les autres.
      Les pleurs de la nuit ne vous dérangeront pas, ni les cris des jeux fous, ni la musique hurlante.
      Vous ne veillerez pas sur l'angoisse de l'examen, la stupeur de l'échec, l'explosion victorieuse. 
       Personne ne vous réclamera pour les bobos mineurs, vagues à l'âme désœuvrés, entêtantes peines de coeur.
       Nulle séparation, aucune première fois vers l'école, le bout du monde, l'être aimé.
       De tout cela vous serez privée.
       Alors, vous persistez ? "

    

jeudi 13 août 2015

Soudain seuls d'Isabelle Autissier



Soudain seuls d'Isabelle Autissier aux édition Stock





   Louise et Ludovic n'avaient que très peu de chances de se rencontrer et de filer le parfait amour tant ils sont dissemblables.

    Lui, le beau gosse au physique d'athlète, l'homme qui respire l'assurance, la confiance en soi. Ludovic est un navigateur aguerri.

     Elle la femme fluette, si effacée quelle en est presque transparente, une femme sans histoires. Louise est une alpiniste qui se révèle dans l'effort, dans sa passion. Le feu sous la glace.

     Pourtant ces deux-là se trouvent et vont vivre une vie harmonieuse. Mais leur existence  semble trop petite pour eux, ils s'y sentent à l'étroit. Ils décident d'acheter un bateau, de se mettre en disponibilité et de partir à l'aventure. Ils partent pour un tour du monde. Lors de leur périple ils font escale sur une île entre le Cap Horn et la Patogonie. L'île sur laquelle ils décident de partir en randonnée est l'île de Stromness, une réserve naturelle où seuls les scientifiques sont autorisés à poser le pied. Lors de leur randonnée, les nuages noirs s'accumulent, Louise pressent un orage violent et presse Ludovic de rentrer au bateau. Ludovic, lui, n'est pas inquiet, il veut profiter à fond de l'aventure interdite. Quand ils se décident à renoncer, il est déjà trop tard. Quand ils arrivent en vue de la baie, leur bateau a disparu.

    Après l'abattement, il faut faire face. Ils n'ont aucun moyen de communication, la prochaine visite des scientifiques paraît bien loin. Il va falloir s'organiser pour survivre en attendant les secours et le moins que l'on puisse dire est que Stromness n'est pas une île accueillante.

    "Sur l'île, dès que l'on s'éloigne de la plaine côtière, on quitte le vert. Le monde devient minéral ; rochers, falaises, pics couronnés de glaciers.


    L'île est un ancienne base baleinière, mais quand l'espèce s'est raréfiée, la faute à la folie des hommes, elle est devenue une carcasse vide. Elle a été transformée en réserve naturelle. Louise et Ludovic n'auront pour se nourrir que les manchots, et les phoques les jours fastes.


      Le huis clos sur cette île met à mal la vie du couple tant physiquement que psychologiquement. Les vieilles rancoeurs ressortent. Louise reproche à Ludovic de ne pas l'avoir écoutée. Ludovic se reproche son manque de prudence et le fait payer à Louise.

      Je ne vous en dirai pas plus sur l'histoire pour ne pas gâcher votre plaisir de lecture. Ce roman est un superbe roman d'aventures doublé d'un suspense psychologique intense. Comment Louise et Ludovic vont ils survivre ? Vont-ils s'en sortir . Quelles seront les séquelles de leur aventure. Vous le saurez en lisant le livre.

     Dans ce roman il est question de survie, de réadaptation de l'homme à la nature. Une nature qu'il a essayé d'apprivoiser, qu'il a détruite pour se faire sa place au soleil. Mais l'homme seul dans la nature est bien désarmé, il est nu, fragile. Il est aussi question de la survie du couple dans des conditions extrême, du couple en huis clos, des reproches qui ne manquent pas de surgir, de remords. Ce livre est porté par un style ciselé, un véritable travail d'orfèvre. Pas de lourdeur, pas de longueurs, des phrases, des mots justes. Vous l'aurez compris, je vous recommande vivement la lecture de ce roman. Je connaissais Isabelle Autissier, la navigatrice, j'ai été séduit par la romancière.

    "Sont-ils, eux, moins doués que ces peuples primitifs ? Sans doute, car les bienfaits de leur civilisation développée les ont coupé de cette compréhension millénaire de la nature, de ces connaissances ancestrales qui permettaient aux hommes de vivre de rien. En ce civilisant, ils ont gagné  en confort et en longévité, mais cette sophistication leur a fait oublier quelques fondamentaux de la vie, et voilà qu'ils se retrouvent aujourd'hui sans ressources."


TIré à quatre épingles



Tiré à quatre épingles de Pascal Marmet aux éditions Michalon



     Laurent erre dans la gare de Lyon, tout de vert vêtu. Il vient de rater son CAP et comme il vient d'avoir dix-huit ans, sa mère l'a mis dehors. Quand Samy l'accoste, le jeune homme, un peu simple, croit avoir trouvé un ami, mais très vite il déchante quand il comprend que Samy est un cambrioleur qui ne l'a abordé que parce qu'il avait besoin de lui. Ils pénètrent dans un appartement digne d'une annexe du Musée des Arts Premiers. Des statuettes africaines, des masques, des artefacts, encombrent tout l'espace. Dans l'appartement, au sol, ils trouvent aussi la propriétaire des lieux, évanouie après une chute dans l'escalier qui lui a causé de multiples fractures.


   L'équipe du commandant Chanel est chargée d'enquêter sur le meurtre de la propriétaire. Très vite Samy est arrêté. Il leur parle de Laurent son complice qui intéresse beaucoup Chanel. Le commandant ne croit pas en l'implication des deux hommes dans le meurtre mais veut interroger le jeune homme comme témoin. L'affaire s'annonce plus compliquée que prévu pour l'équipe Chanel, elle tombe à un bien mauvais moment. Le groupe est en sous-effectif et les services du 36 Quai des Orfèvres se préparent à déménager au grand dam du Commandant.


   Après Le roman du parfum et Le roman du café, je ne m'attendais pas à retrouver Pascal Marmet dans le monde du polar. Ce changement de genre est une réussite. Tiré à quatre épingles est un roman efficace, haletant, qui nous plonge dans le monde des arts africains, des arts premiers, de leurs légendes, de leurs statuettes envoûtantes et envoûtées.


   La plongée dans le monde mystérieux des arts premiers est fascinante et très bien documentée. J'ai aussi beaucoup aimé le personnage du commandant Chanel. Vieux flic bourru et macho à qui on impose deux jeunes femmes stagiaires. Un personnage qui s'attendrit et devient de plus en plus sympathique au fil des pages. Pascal Marmet, pour sa première incursion dans le monde du polar, signe un roman efficace et passionnant. J'aimerais beaucoup retrouver le commandant Chanel dans une nouvelle enquête.

   "Qu'ils soient soporifiques ou percutants, le commandant Chanel abhorrait les discours. Il préférait  le murmure des aveux et le bruit intense  de la respiration du présumé coupable.
     Ses hommes le confirmeraient : c'était un discret, un mesuré, et l'idée de mettre en avant sa petite personne lui était insupportable. Il aimait être apprécié mais, surtout, ignoré de sa hiérarchie."

Voici le lien vers le trailer du roman : https://www.youtube.com/watch?v=7BHaGAXmQJU

Retrouvez l'interview de Pascal Marmet sur Paroles d'auteurs ici .





mardi 11 août 2015

Qui veut la peau de Marc Lévy ?




Qui veut la peau de Marc Lévy ? de Gordon Zola aux éditions Le léopard démasqué




   Le moins que l'on puisse dire est que l'auteur ne nous prend pas en traître. Le lecteur est prévenu dès les premières pages. 

    "CHAQUE LIVRE digne de ce nom devrait se voir muni d'un avertissement ou d'une mise en garde... car aucune lecture n'est réellement innocente. Celle qui va suivre est même carrément coupable! Coupable de trahison au monde des lettres ! Coupable de lâcheté...car l'auteur est affublé d'un pseudonyme qui ne tromperait aucun fromager digne de ce nom ! Coupable de forfaiture... car l'auteur dénonce à tour de bras les utilisateurs du système littéraire,  confondant dans une diatribe injuste et hypocrite, vrais talents et faux génies, cuistres de poulet et littérateurs de cuisine, intellectuels abscons et cons actuels, gens de lettre et jean-foutre, historiens à battre et histrions à gorge déployée..."

 Ceci étant posé, de quoi est-il question dans ce livre ?


  L'équipe du commissaire Guillaume Suitaume est confrontée à une épineuse affaire qui frappe la fine fleur de la littérature francaise. Imaginez : deux jeunes talents du monde littéraire sont retrouvés assassinés et des auteurs à succès disparaissent : Bernard-Henri-Lévy, Marc Lévy, Florian Zeller, Patrick Poivre-d'Arvor. Excusez du peu !  Sur les lieux des meurtres et des disparitions,  l'équipe du commissaire Suitaume retrouve des messages du criminel. Des messages signés Le Bec. Et c'est bien sur un bec que les enquêteurs tombent. Qui peut bien en vouloir à ces auteurs ? Très vite les soupçons se portent sur un Michel Houellebecq (Où est Le Bec ?) désireux de se débarrasser de ses concurrents,  mais c'est une fausse piste.

   Vous l'aurez compris ce roman policier est avant tout un prétexte pour l'auteur pour critiquer le monde littéraire avec humour. Les jeux de mots pleuvent. Rien que les noms protagonistes sont des calembours.

   Guillaume Suitaume : Même si son nom a une consonance britannique, il ne porte pas de chapeau melon.

   Purdey Prune : Son assistante au chassis de compétition, folle du volant (à faire trembler Diabolo et Satanas dans le dessin animé de notre enfance). Non elle n'a pas peur des prunes.

  Habib Liotek : un des sbires du commissaire qui visiblement n'a jamais lu un livre.


   Une telle entreprise pourrait se révéler lourde, indigeste mais ce n'est pas le cas, même si les jeux ce mots et les contrepétries poussent comme des champignons un soir de pluie. Le livre est léger, brillant par moments, un vrai plaisir de lecture. Les stars de la littérature française y sont croquées avec une férocité non dénuée de tendresse.  En revanche je dois vous avertir ne lisez pas ce livre en cachette au bureau vous seriez vite pris à rire à gorge d'employé. Ce roman est le huitième volet des aventures de Guillaume Suitaume. Le premier que je lis et sûrement pas le dernier. Gordon Zola m'est apparu comme le fils spirituel de San Antonio et Pierre Dac. Il joue des mots avec virtuosité. Je me suis régalé. N'y cherchez pas de profondeur cependant ce livre est à voir comme un divertissement, un exercice de style. C'est un petit bijou de livre humoristique.

dimanche 9 août 2015

Un caillou dans la chaussure de Mathieu Tazo



Un caillou dans la chaussure de Mathieu Tazo aux éditions Daphnis et Chloé



   Quand Samuel Marion est licencié de son poste au ministre des affaires étrangères, cette homme marié et père d'une petite fille décide de repartir dans le village où il passait ses vacances étant enfant et d'en briguer la mairie. Un retour qui va raviver les douleurs du passé, verser goutte à goutte de l'acide sur des blessures qu'il n'avait pas oubliées mais avec lesquelles il vivait tant bien que mal.


   A l'ouverture du roman, nous trouvons Samuel, seul,  sur un piton rocheux dominant Barjance ce petit village varois dont il est devenu maire. Il y avoue le meurtre qu'il a commis adolescent et dont seules trois personnes du village sont au courant : ses amis de l'époque et son amour de jeunesse. Une succession d'événements l'a amené là sur ce rocher, cette roche Tarpéienne de laquelle il projette de se jeter pour en finir avec les affres de sa conscience, le poison du remords. Pourquoi n'est-il pas resté à Paris loin de ses souvenirs qui le minent ? Le besoin d'expier, la revanche sur le passé, le désir de revoir son amour de jeunesse...

   "Prisonnier de mon passé, je suis l'assassin et l'enquêteur, la proie et le chasseur, l'amant trompé et le mari fautif."


  Drame psychologique, roman noir plein d'humour, Un caillou dans la chaussure est un excellent roman qui  parvient à nous rendre sympathique un meurtrier, un homme lâche, arriviste, en nous plongeant au coeur de sa souffrance, le tout dans ce paradis perdu varois victime de l'exode rural. Avec ce roman j'ai découvert le style de Mathieu Tazo.  Un roman addictif. Ménagez-vous du temps car une fois que vous l'aurez commencé, vous ne pourrez pas le lâcher. Cette lecture m'a donné très envie de découvrir son premier roman : La dynamique des fluides. Ce sera chose faite très bientôt.

  Quoi de mieux que quelques extraits pour vous donner envie.

    "Il y a toujours un espace - parfois une largesse, parfois un simple bâillement - entre nos deux "moi", celui qui vit et celui qui regarde la vie se dérouler. Car on est toujours deux : un qui marche dans la rue et l'autre, à la fenêtre, accoudé à la balustrade."

    "Crois-moi, je t'en prie. La vie vient sans goût, puis tourne fade et neutre pour qui en attend tout, et  enfin aigre et rance pour qui la dédaigne. Elle se colore pourtant des épices de l'exaltation pour ceux qui, chaque matin, voient dans la lumière qui se renouvelle sans cesse le signe d'une chance qui s'offre sans limite."



 

 

   

samedi 8 août 2015

La gède aux livres : un lieu où le livre est le sel de la vie



La gède aux livres : Un lieu où le livre est le sel de la vie


 



Chaque fois que je retourne en vacances dans mon village d'enfance, Batz sur Mer (44), je ne manque pas de passer de nombreux moments dans ce paradis du livre qu'est La Gède aux livres. C'est simple, si je suis à Batz et que vous me cherchez, vous aurez toutes les chances de m'y trouver à un moment ou un autre de la  journée.

 

   La gède aux livres est un café librairie dans lequel il fait bon s'attader. On peut bien sûr y acheter des livres (très recommandé) mais pas seulement. C'est un lieu dans lequel on peut se poser avec un livre consultable sur place autour d'un thé et d'un petit gâteau. Un lieu dans lequel il fait bon échanger avec Elisabeth Lesimple, sa propriétaire ou avec les lecteurs qui viennent y faire un tour.


   Elisabeth fait vivre son lieu par ses conseils avisés souvent hors des sentiers battus et par les nombreuses animations qu'elle propose. Pendant que j'y étais, au mois de juillet, j'ai ainsi pu participer à quatre animations.

   La première animation m'a un peu pris par surprise. Quasiment dès mon arrivée en Bretagne, je suis allé y faire mon petit tour. C'était un jour de marché nocturne au bourg et Elisabeth m'a demandé d'animer avec elle une lecture autour du thème du vélo (Tour de France). J'ai été un peu pris de cours mais j'avoue y avoir pris beaucoup de plaisir.


    J'ai aussi pris part dans ce même lieu à un petit déjeuner conversation en anglais très sympathique animé par Bob, anglais vivant une partie de l'année à Batz sur Mer.


   La troisième animation à laquelle j'ai participé en tant qu'observateur fut un atelier poésie pour enfants de plus de 7 ans autour du thème de l'été. Cet atelier animé par Claire Français a été un véritable succès. Les enfants ont été invités à lire trois poèmes de grands auteurs sur ce thème (Rimbaud, Théodore de Banville et Gérard de Nerval), avant de composer leur propre poème sous l'oeil bienveillant de Claire. Une fois le poème terminé ils devaient choisir une boîte et la décorer, y glisser leur poème pour le garder ou l'offrir. Je n'ai pas eu l'occasion de garder certains de ces poèmes mais je peux vous dire qu'ils étaient tous très touchants. L'après-midi s'est terminé autour d'un goûter.


















 Pendant mon séjour La gède aux livres a aussi organisé une lecture de la pièce de théâtre Paroles d'hommes de Denis Le Guillochet. Le texte a été joué par l'auteur et son compère Jean-Claude Guillaume. A l'occasion de cette lecture étaient exposés les tableaux réalisés pour la pièce  par Dominique Lemarié. Des croquis dessinés en direct pendant les répétitions pour une représentation de la pièce au Pouliguen. Un pièce dont je vous reparlerai très bientôt sur ce blog. Un moment captivant, riche en émotion.

















 Vous l'aurez compris La gède aux livres est un lieu magique animée par la bonne fée Elisabeth, un véritable paradis pour les amoureux des livres et des mots, un  lieu dans lequel les rencontres sont toujours passionnantes et enrichissantes. Amis de la Presqu'île Guéandaise, et touristes de passage je vous invite à aller faire un tour dans cette caverne d'Ali Baba. Nul doute que vous en ressortirez avec un trésor.

Voici le lien de la page Facebook de La gède aux livres. Une page à consulter sans modération : https://www.facebook.com/lagedeauxlivres?fref=ts