lundi 9 mars 2015

Aide moi si tu peux



Aide moi si tu peux de Jérôme Attal aux éditions Robert Laffont


   Stéphane Caglia est policier. De retour d'une mission en infiltration aux long cours au sein du Souterrain stellaire, fer de lance du crime organisé maintenant dissout, il va retrouver un quotidien plus banal, s'attaquer à des affaires plus classiques. A peine arrivé à Paris, on lui confie l'enquête sur le meurtre d'un homme étranglé avec une corde de guitare. L'affaire se complique sérieusement quand   un policier voulant se faire un encas découvre la tête d'une jeune fille dans le congélateur de la victime.


   Cette tête est celle de Tamara, dix sept ans, portée disparue. Traquée par les sbires du Souterrain stellaire, Stéphane Caglia doit se débattre pour résoudre son enquête et préserver sa vie. Il est aidé dans sa mission par une accorte policière anglaise. Tamara postant sur internet des vidéos dans lesquelles elle chante des reprises des Beatles, l'enquête s'oriente naturellement de ce côté là.


   Quel personnage intéressant que ce Stéphane Caglia, homme à la répartie cinglante, il se considère investi d'une mission. Il rêve de pouvoir verbaliser tous les actes d'incivilité. Ses méthodes d'interrogatoire peuvent surprendre mais se révèlent très efficaces. Quand le stress le mine, qu'il est dans le doute, notre policier s'évade dans les années 80, dans sa musique, dans le souvenirs d'objets cultes de son enfance, époque bénie des dieux où il se sentait en sécurité, heureux. Sa sonnerie de téléphone portable est Boule de flipper de Corinne Charby, c'est dire.

  "Au départ, quand j'ai su que j'entrais dans la profession, je me voyais déjà intervenir contre tout ce qui me ruine le moral : l'abruti d'automobiliste qui sur une autoroute se croit malin en vous doublant par la droite, le cycliste qui jaillit sur un trottoir en contresens ou ne respecte pas les feux tricolores, le piéton qui crache par terre comme si la voie publique méritait qu'on la provoque en duel ou la bande de bipèdes de sexe masculin qui ne peut pas s'empêcher de faire une réflexion graveleuse au passage d'une jolie femme. Je me voyais déjà foutre des claques légales à toute cette racaille ordinaire à coups de procès verbaux permettant par la même occasion de redresser les finances du pays."

Quand Jérôme Attal s'attaque au polar, cela donne un roman enlevé, plein d'humour, un roman léger mais truffé de réflexions intelligentes. Amateurs de polars sanglants et haletants vous n'y trouverez peut-être pas votre compte, pas de courses poursuites, pas de violence gratuite. C'est un polar marqué par la patte de Jérôme Attal, un polar  décalé, drôle, touchant, émouvant. Un polar à l'image de son auteur. Un polar teinté de nostalgie qui m'a touché par ses incursions dans les années 80, me rappelant tant de souvenirs d'enfance mais un roman également profondément ancré dans notre époque marquée par le paraître, le cynisme, la critique mordante et ravageuse amplifiée par internet et les réseaux sociaux. Le personnage de Stéphane Caglia est si attachant que je me prends à espérer qu'il devienne un personnage récurrent. Jérôme Attal étant auteur de chansons et chanteur lui-même, la musique est omniprésente dans le livre. Un polar touchant, à lire en écoutant une bonne compilation  des années 80.

   " Si l'on assassine le rire assassin, il reste le rire. C'est la bonne réponse, c'est ça?
     - Exact. Il reste le rire. Alors peut-être qu'on peut juste rire un grand coup, à la fois de la vidéo que vous avez postée comme des commentaires stupides qui l'ont suivie, rire de la vanité de tout, rire de l'apparence comme du supplément d'âme, de ceux qui se montrent comme de ceux qui se dissimulent, de ceux qui produisent et de ceux qui commentent, rire de notre court passage sur terre et des haines que l'on se fait comme s'il n'y avait pas suffisamment de soucis en magasin et de flammes imprévues à travers lesquelles passer sans se brûler..."


   " Au bout du compte, rares sont les bonheurs sans larmes. Alors tout ce qu'il reste à faire pour éviter de sombrer dans la permanence de nos souvenirs, ou de se laisser engloutir par le présent inconstant, c'est encore et  toujours : chérir."

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas l'auteur mais je vais le découvrir rapidement vu ton avis ;)

    RépondreSupprimer
  2. très belle chronique, merci pour la découverte ! :-)

    RépondreSupprimer