lundi 27 juin 2016

Boxing Dolls



BOXing Dolls de Pierre Bordage, figurines de Laura Vicédo, photos et conception graphique de Philippe Aureille, dessins de Marion Oreille chez Organic Editions dans la collection Petite bulle d’univers.


Le narrateur est explorateur spatial. Il a été mandaté par L’Organisation des Planètes Reliées pour tester la viabilité d’une planète récemment découverte afin de la coloniser. Cette planète, c’est Tern, la bien nommée. Il y découvre un paysage exclusivement minéral où la chaleur est omniprésente, entre 48 et 60 degrés. Même sa combinaison isotherme a du mal à le protéger. Il s’y sent oppressé. Il pense d’ailleurs rendre un rapport négatif à ses commanditaires. Sa conscience professionnelle le pousse malgré tout à poursuivre son exploration.



Lors de sa deuxième expédition, il découvre un boîte métallique munie de barreaux contenant une poupée dont le regard empli de tristesse et de douleur l’effraie. Il jette cette prison miniature au loin elle se brise et la poupée se désagrège. Le regard de cette figurine continue pourtant à le hanter, Mais que fait cet objet sur une planète a priori inhabitée ?



« Une étrange petite boîte munie de barreaux qui ressemble à une minuscule prison. À l’intérieur, une poupée, ou plus exactement une figurine humanoïde qui symbolise, je crois un guerrier – ou une guerrière, je ne peux pas lui attribuer un sexe – au bras coupé, à la tête criblée de grosses aiguilles noires. Une tristesse infinie émane de ses yeux ronds, qui me saisit et qui me glace. Je ne sens plus la chaleur tout à coup, mais un froid intense, une paralysie totale qui me transforme en androïde déconnecté. »



Après cinq jours d’exploration, il découvre un nouvelle boîte prison, puis d’autres vont suivre, beaucoup d’autres. Chaque fois la même impression. L’esprit de l’explorateur est obnubilé par ces poupées qui semblent vouloir communiquer avec lui, lui transmettre leur tristesse et leur douleur. Petit à petit, ces boîtes et surtout leurs occupants vont devenir l’unique objet de ses expéditions.






BOXing Dolls est un très beau livre. Une nouvelle graphique soignée. Le principe de cette collection est de faire écrire un écrivain à partir des travaux d’un plasticien. Ici, les figurines de Laura Vicédo vous mettent d’emblée mal à l’aise. On ressent cette douleur, cet enfermement parfaitement rendus par Pierre Bordage. Si vous ne connaissez pas encore la collection Petite bulle d’univers, laissez vous tenter, c’est bluffant. Une autre façon de vivre la lecture tout en contemplant le travail d’un artiste.






dimanche 26 juin 2016

Vent d'espoirs



Vent d’espoirs de Monique Massot-Escaravage aux éditions AETH



1848 en Alsace. Justine s’est mariée au premier venu pour épargner à sa mère, veuve, d’avoir à la nourrir. Elle subit jour après jour la violence de son  mari, Joseph Fiedler, alcoolique impénitent et bon à rien. Leur exploitation agricole périclite et Joseph, très endetté est le paria du village. Un jour il rentre à la maison un papier à la  main. La France vient d’achever sa pacification de l’Algérie en décembre 1847 et elle a besoin de bras dans ce pays où pour elle tout reste à faire. Joseph qui n’a plus rien a espérer en Alsace s’est porté volontaire sans même en parler à sa femme.

1848 à Paris. Clément, orphelin élevé dans un orphelinat de religieuses, est un jeune charpentier au chômage. Dans la capitale, la révolte gronde. Clément se lie à un groupe de contestataires et est arrêté lors d’une manifestation violemment réprimée. Pour lui, repris de justice,  une seule alternative : accepter la même proposition. En France, il n'a plus aucun avenir.

Justine attend seule à Paris le bateau qui par voie fluviale va les conduire jusqu’à Lyon. Après ce sera le train, direction Marseille puis la traversée de la Méditerranée. Joseph, las d’attendre a laissé Justine dans la file pour aller profiter des nombreux estaminets présents sur les quais. L’heure de l’embarquement approche et toujours pas de Joseph. Justine en vient presque à espérer qu’il ne viendra plus. Elle n’a qu’un seul souci, le billet est à leur deux noms. Seule, on ne lui donnera jamais la concession promise. Clément qui avait repéré cette belle jeune femme, lui vient en aide pour rassembler ses bagages. Au moment du contrôle des billets, Justine propose à Clément de se faire passer pour son mari. Joseph ne viendra plus. Au cours du voyage, Justine et Clément se rapprochent, mais pour la jeune femme, pas question de céder à son attirance pour le jeune homme, sa vie avec Joseph l’a dégoûtée de toute intimité physique. Sur le bateau, Justine et Clément décident de s’associer.


Vent d’espoirs nous décrit l’implantation des premiers colons. Leur abattement, à l’arrivée devant ses terres nues, arides qui vont nécessiter un dur labeur. Leur vie âpre, dans des conditions sanitaires déplorables, leur travail acharné pour maintenir l’espoir. C’est aussi la très belle histoire d’amour de Justine et de Clément sous la douce férule d’Aïcha, l’amie indigène de Justine, guérisseuse et confidente. Le mépris des autres colons pour Justine qui se lie d’amitié avec cette sauvage. Monique Massot-Escaravage nous raconte ici la vie des ses aïeux, comblant les blancs de l’histoire par des éléments fictifs. Vents d’espoirs est un roman passionnant, dépaysant. C’est aussi un très beau cri d’amour pour l’Algérie, son pays natal. Un seul point négatif à déplorer cependant : le nombre de coquilles mais le roman vient d’être corrigé et réédité. N’hésitez pas, partez vous aussi sur les pas de Justine et Clément, vivez leur espoir de se bâtir une vie nouvelle loin de leurs racines.

lundi 20 juin 2016

Les délices de 36



Les délices de 36 de Nicolas Rey édité par le groupe Prisma dans la collection Incipit


1936 : la France est paralysée par les grèves. La France laborieuse en a assez d’être corvéable à merci. Dans une atmosphère festive, elle revendique son droit au repos, son droit à partir, son droit à vivre. L’avènement du Front Populaire va lui donner cette chance. Les travailleurs vont pouvoir bénéficier de deux semaines de congés payés.

« Notre vie dure l’espace d’un clin d’œil. Pourquoi la perdre à vouloir la gagner ? Nous allons devenir ce que nous étions avant de naître. À savoir : rien. Le chaos. Le vide. Une sorte de sommeil profond. Alors ? Deux semaines de congés payés par an . Il faut dire un grand oui ! Avant la grande faucheuse, deux semaines de grasses matinées, d’amour, de pétanque , de randonnées, de saucisses grillées, de bains de mer, de pique-niques et de fraternité. »

Juin 1936 : Jean, Bernadette et leur fils Marius se pressent pour la première fois dans le train. Direction Deauville. À eux la plage, le soleil et la mer. Ils vont avoir deux semaines pour se retrouver, pour vivre pleinement, loin des contraintes du travail. Enfin se reposer.

Les bourgeois ne voient pas d’un bon œil l’arrivée massive de ces familles d’ouvriers, ces « salopards à casquettes » qui vont donner un aspect populo à leurs plages. La loi a été votée pour le mieux être du plus grand nombre mais la France reste coupée en deux.

« Les vacances payées accordées par le gouvernement ont rendu cette année aux plages de France toute leur animation d’autrefois. Mais derrière l’animation, il y a quoi ?
La même haine, le même mépris du bourgeois pour le prolétaire. Le bourgeois n’a pas attendu l’été 1936 pour éructer à la plage. La bourgeoisie vomit le prolétariat. Dès la première semaine de congés payés, la France est coupée en deux. Comme elle l’a toujours été. Comme elle le sera toujours. »

C’est dans cette atmosphère, que Marius, fils d’ouvriers va rencontrer Emma, fille de patron. Ils vont se tourner autour, se rapprocher, puis se donner l’un à l’autre, le temps d’un été, bravant les barrières sociales. Premiers acteurs d’une longue série d’amours de vacances. Mais cette romance durera-t-elle au delà de l’été. C’est un beau roman, c’est une belle histoire, mais cet amour a-t-il un avenir ?

Dans ce court roman jubilatoire, Nicolas Rey imagine ce qu’auraient pu être les premiers congés payés de ses grands parents. Leur découverte du repos, de la mer, des premiers émois pour leur fils, Marius. Il le fait d’une plume tantôt  féroce, tantôt tendre, toujours pleine d’humour. Un court roman  à savourer les doigts de pieds en  éventail lors de vos congés payés.

Un petit mot maintenant sur la forme. Avec ce texte, j’ai découvert une très belle collection : la collection incipit. De petits livres à l’édition soignée, très agréables à lire. Vous pourrez découvrir à la fin du texte un court documentaire sur ces premiers congés payés.