dimanche 17 mai 2015

Souvenirs de lecture 10 : Gaëlle Nohant


Souvenirs de lecture 10 : Gaëlle Nohant



   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Gaëlle Nohant qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie chaleureusement pour son temps si précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi ?


GN   :  Je ne vais pas parler d'un livre, mais d'une série de livres, la série des Claudine, de Colette. Je les avais découverts, je me souviens, dans la bibliothèque de mon arrière-grand-mère, où je passais de longues journées quand il pleuvait. Je ne sais pourquoi, j'avais eu l'idée de chercher à tâtons derrière les rayonnages et j'avais ramené un trésor caché : toute la série des Claudine dans une ancienne édition usée jusqu'à la corde, avec des gravures un peu licencieuses. Je n'ai parlé à personne de mon trophée, je l'ai emporté et dévoré pendant les vacances avec une impression de liberté incroyable. Bien sûr l'histoire était prenante, le ton alerte, drôle et insolent me séduisait, mais ce qui m'a le plus marquée c'est la liberté du style, une liberté où tous les sens se mélangeaient, une liberté qui était avant tout  un manière d'aimer la vie totalement, jusqu'à s'en enivrer, comme un bouquet de ronces qu'on serrait contre soi au risque de s'y blesser. Cette découverte de Colette a été un coup de foudre littéraire, dans l'année qui a suivi j'ai lu la presque totalité de son oeuvre !


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?

GN   : En réalité, c'est en lisant Jane Eyre, à huit ans, que j'ai décidé d'écrire. Mais Colette m'a enseigné que l'écriture pouvait être ce langage des sens où la poésie naissait du mélange des odeurs, des saveurs, des émotions et des sons. Elle m'a aussi appris qu'à travers ce qu'on écrivait, on faisait passer sa manière d'être au monde. La sienne était terriblement sensuelle et pleine d'irrévérence et d'intelligence, et j'étais remplie d'admiration  devant son style et ce qui dégageait d'elle, cet amour fou de la vie, cette force d'être soi sans se conformer au modèle fixé par d'autres... Cette liberté je l'ai d'abord cherchée à travers la poésie, qui allait bien avec cet âge où tout est mouvant, fluctuant, fragile et suspendu.
            Colette m'a appris enfin que l'écriture est avant tout un territoire de liberté où on fait l'école buissonnière, où on franchit les fils barbelés et se perd parfois dans une forêt pour le plaisir de se perdre... Je dirais même qu'accepter de se perdre est souvent la condition pour trouver le chemin qui est le sien. J'ai mis des années à en faire l'expérience dans mon écriture, j'ai vraiment commencé à le faire en écrivant  L'Ancre des rêves, mon premier roman. Avec ce roman, beaucoup de sensations d'enfances sont remontées qui étaient liées à ce bonheur de débusquer des trésors, d'écouter le bruissement des fantômes, d'avoir peur, de retenir sa respiration ... et cette liberté enfantine enivrante où l'on a sentiment qu'on peut tout inventer tous les jours, à commencer par soi-même...


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?

GN   :  Dernièrement je me suis régalée à lire Une vie après l'autre de Kate Atkinson, dont j'avais adoré le premier roman, Dans les coulisses du musée. Une vie après l'autre raconte l'histoire d'une jeune fille qui ne cesse de mourir de plein de manières différentes, elle naît au début du siècle, et au fil de ses vies successives elle traverse l'après-guerre, le Blitz... C'est un personnage très attachant mais qui porte en elle une forme de mélancolie profonde et de pressentiment, et c'est comme si elle avait besoin de nombreux brouillons de vie pour écarter toutes les ombres menaçantes qui lui barrent le chemin. C'est un roman très troublant, original, poignant et drôle à la fois. Une petite merveille.

            Dans un autre style, j'ai beaucoup aimé Avec mon corps, de Nikki Gemmell. J'ai découvert Nikki Gemmell à travers ses premiers romans, notamment une très belle histoire d'amour, Love Song, qui se passait dans le bush australien dont l'auteur est originaire. Nikki Gemmell, c'est le mélange irrésistible d'une sauvage du bush possédant une forme d'incandescence et d'une Anglaise d'adoption cultivée et raffinée. Dans Avec mon corps, elle met en scène une Madame Bovary moderne emprisonnée dans une existence de Desperate housewife, qui se rappelle douloureusement la jeune fille qu'elle fut, qui aimait la vie au risque de la brûler et connut une éducation sentimentale particulière avec un écrivain réfugié dans le bush. Pour sortir d'une vie conjugale où son appétit de vivre s'enlise, elle doit retourner à ses racines et exorciser ses chagrins les plus profonds. C'est un livre qui irradie la lumière aveuglante des espaces sauvages et des amours fous.


Biographie


          Je suis née à Paris 1973, et j'ai décidé d'écrire à l'âge de huit ans. Je me consacre à l'écriture depuis une douzaine d'années. J'appuie mes histoires sur une base documentaire importante, et je m'efforce de défendre une littérature à la fois exigeante et populaire. Depuis sept ans, j'ai deux activités distinctes mais liées : mon écriture de fiction et une activité d'animation culturelle, via mon blog, Le café littéraire de Gaëlle (http://cafedegaelle.blogspot.fr), et sur le site des librairies Charlemagne dans le Var. J'y fais des portraits d'auteurs, des critiques de romans, une manière de partager mes coups de coeur.


J'ai déjà publié :

       L'Ancre des rêves (Editions Rober Laffont) en 2007 qui a reçu le prix Encre Marine et a été publié par Pocket en 2011. Epuisé, il vient de ressortir chez Pocket en mars 2015 en synergie avec la parution de La part des flammes, mon dernier roman.

      En 2008, j'ai écrit un essai sur l'épopée du Rugby Club Toulonnais (Rugby Club Toulonnais 1908-2008, EPA Editions; 2008)

      J'ai aussi publié en 2010 un recueil de nouvelles (L'homme dérouté, Géhess, 2010

      Mon deuxième roman La part des flammes est paru le 19 mars aux éditions Héloïse d'Ormesson


  Encore un grand merci à Gaëlle Nohant pour sa sa gentillesse et son temps. La part des flammes a fait l'objet d'une chronique sur ce blog, le titre est colorisé et dispose d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique d'un simple clic. Si vous ne connaissez pas encore la plume de Gaëlle Nohant je vous invite à la découvrir au plus vite.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire