lundi 26 novembre 2018

L'enfant du tsunami




L’enfant du tsunami d’Eva Kopp aux Éditions Pierre Philippe


Le 11 mars 2011 sur l’île d’Honshu, au Japon, Junko est paisiblement en train de lire quand son chat devient nerveux, il se met à courir dans tous les sens, ses miaulements sont assourdissants. Junko  a compris.  Deux jours plus tôt, elle a  rêvé d’une immense vague à la force dévastatrice.

Au même moment, une femme rousse est sortie sur le toit de l’hôtel, pour calmer son enfant en pleurs. La femme et l’enfant seront emportés par la vague.

Le 3 avril, à Paris, Achille est tendu. Il a une nouvelle bouleversante à annoncer à Maïwen, sa compagne. Sa sœur avec laquelle il avait coupé les ponts ainsi que son mari sont morts au Japon, victimes du tsunami. Seul leur fils a survécu. Un miracle. Achille a décidé d’adopter son neveu et ne sait pas comment sa compagne va réagir.

L’enfant du tsunami, roman choral, nous fait découvrir le Japon meurtri par le tsunami puis par la catastrophe nucléaire de Fuskushima à travers les yeux de plusieurs personnages au Japon et en France. L’abondance de personnages, de dates et de lieux peut perturber dans un premier temps, mais les pièces du puzzle se rassemblent au fur et à mesure de la lecture.

Très bien documentée, l’auteure nous plonge dans un pays ravagé qui doit panser ses plaies se reconstruire.

Ce roman est bien celui de la résilience, de la reconstruction. La reconstruction d’un pays, d’un peuple, mais aussi celle des individus.

Junko, jeune institutrice traumatisée par la vague et ses conséquences va renaître aux côtés d’Hiro le pompier qui a sauvé Néthanel, l’enfant miracle, l’enfant espoir.

Kiyotane, lui, va retrouver un sens à sa vie en participant aux travaux de nettoyage et de liquidation de la centrale de Fukushima au péril de sa vie. Il veut laisser à sa petite fille Junko, un monde plus propre et plus sûr.

Achille et Maïwen vont voir leur amour renforcé par l’arrivée de Néthanel, il va agir comme un baume sur leurs blessures enfouies.

Mêlant faits réels, rêves et légendes, Eva Kopp nous plonge dans la reconstruction du Japon après le tsunami. Tout au long du récit, elle prend le lecteur à parti pour l’impliquer dans l’histoire et cela fonctionne très bien. Ce roman à la fois réaliste et onirique, je l’ai lu en une soirée. Un premier roman très prometteur.

« Soudain un vieil homme au crâne dégarni entre dans la pièce, une immense feuille de papier à la main. Le groupe de touristes s’écarte à son passage. Il s’assoit à même le sol et extirpe un pinceau et un flacon d’encre noire de son immense manche. On sent qu’un rouage intérieur s’est enclenché. Son regard est habité. Une vague d’une beauté monstrueuse dont la taille défie l’imagination surgit, avalant murs et tableaux. La foule prend peur et court vers les issues de secours. Le peintre continue son œuvre, impassible. Maïwen se sent mal. Le sol tangue sous ses pieds. Sa vision devient floue. La vague au squelette blanchâtre s’approche inexorablement. La griffe d’écume est prête à s’abattre sur des embarcations de pêcheurs. Un cri d’enfant retentit. Il y a un bébé dans l’un des bateaux. L’enfant hure à pleins poumons. Les touristes s’évanouissent. Maïwen s’écroule sur le sol. Sa tête heurte les rochers des falaises, son corps tombe à pic avant d’être emporté par la vague. Elle rejoint Néthanel qui porte une tenue de ski au motif de petits écureuils. Hokusai repose son pinceau. Il plisse les yeux et se les frotte d’un revers de la main. Quelle obscurité ! On n’y voit rien. Comment a-t-il  pu peindre ainsi sans s’apercevoir que la nuit était tombée ? Mais où donc a disparu le temps ?
  La tempe de Maïwen pulse au rythme d’un bruit strident. Vous l’entendez ? À tâtons, elle cherche à actionner le bouton. Ça y est ! 7 heures. »

vendredi 23 novembre 2018

Des mots de contrebande , (Aux inconnus qui comme moi...)




Des mots de contrebande, (Aux inconnus qui comme moi…) d’Alain Cadéo aux Éditions La Trace


Depuis que j’ai découvert la plume d’Alain Cadéo avec Zoé, je sais qu’ouvrir un de ses livres c’est vivre une expérience. Lire ses mots est un privilège trop rare.

Aussi fallait-il trouver le bon moment pour me plonger dans ces pages. Une nuit au coin du feu quand plus rien ne bouge dans la maison. Bien installé dans mon canapé, l’esprit en éveil, prêt pour le voyage.

Et me voici embarqué dans les pas de l’auteur sur les chemins de traverse. Ces chemins si peu fréquentés, seulement connus de quelques initiés. Ces chemins infestés de ronces, troués d’ornières. À la recherche des mots, ces diamants bruts qui ne se donnent pas au premier venu.

« Lorsque vaillant trappeur, de nuit et silencieux, tu pars chasser les mots sauvages comme la loutre et le renard, tous tes sens en éveil, tu as avec toi ton grand collet de lune rousse, un filet d’encre noire, une fringale de titan. Et tu attrapes vivant un gibier au poil ébouriffé qui hume et sent le thym et les marais, la terre, le vinaigre, d’étoiles et le silex griffé. »

Ces mots, Alain Cadéo les met dans sa gibecière, bien au chaud et une fois rentré, il les polit, les débarrasse de leurs crapauds, de leurs impuretés, des traces de terre. Il les choisit, les combine au mieux pour en faire les plus beaux des colliers, les sertit dans des montures du métal le plus précieux pour nous les offrir.

Car ces mots qui pour l’auteur ont un caractère presque sacré, il ne les garde pas pour lui en vulgaire collectionneur. Non, il les offre à tous ceux qui comme lui sont des amoureux des mots.

Ces pensées poétiques et philosophiques qu’Alain Cadéo nous livre, nous poussent à la réflexion, à l’errance, à la béatitude, à la contemplation, en un mot : nous rendent meilleurs. Un livre à lire et à relire. Il ne quittera pas mon chevet.

Vous, amoureux des mots, ne passez pas à côté d’un tel joyau. Ce que vous aurez dans les mains c’est la quintessence du talent d’Alain Cadéo, un concentré de beauté. Noël approche, quelle plus belle occasion pour offrir à vos proches, amateurs de belle littérature, ces mots de contrebande. Un livre qui restera.

« Ces petits mots, ces intentions, ces billets, sont destinés à celles et à ceux qui, ne se connaissant pas, font partie de la même famille tellement éparpillée : les affamés d’azur.
  Nous, mendiants de lumière, tendant la main pour des piécettes de partage, menue monnaie de notre joie, ce que nous cherchons c’est de pouvoir, sans aigreur ni amertume, poursuivre notre quête, nous rassembler autour des « mots de la tribu ». »


jeudi 22 novembre 2018

Le bonheur en bas de chez moi



Le bonheur en bas de chez moi de Philippe Peyron aux Éditions Pierre Philippe



Quand j’ai commencé la lecture de ce roman, je me suis demandé ce que j’étais venu faire dans cette galère. Me retrouvais-je plongé dans la quatrième dimension, au milieu d’un épisode de Joséphine Ange Gardien ? Jugez plutôt :

Pierre a trente-quatre ans, il vit seul. Sa vie est plutôt terne. Pour gagner son pain, il met en rayon des sacs de croquettes pour chien. Son existence se résume à ne pas se faire remarquer. Pensant que le monde est régit par un système de récompenses et de punitions, il a à cœur de faire le bien autour de lui. Cette vie morne est bouleversée par l’arrivée de trois personnages : Germaine, Auguste et Jessica.

Germaine ressemble à la reine d’Angleterre, elle se présente comme son ange gardien. Les décharges électriques qu’elle lui envoie quand il met en doute son identité convainquent vite Pierre. Elle lui annonce qu’il va mourir dans trente jours s’il ne change pas de vie. Pour éviter cette issue, pour prendre conscience de quelles modifications il doit apporter à son existence, il doit répondre à une question. Mais il faut d’abord qu’il la trouve.

Auguste, lui c’est le démon. Le chantre de l’immobilisme. Il va tout mettre en œuvre pour empêcher Pierre de trouver la question. Il lui propose de signer un contrat qui lui permettra de ne plus jamais souffrir. D’avoir une vie calme, sans relief mais sans douleur.

Et il y a Jessica. La belle brune rencontrée sur son lieu de travail. Elle est vive, souriante, gentille et ne semble pas insensible aux charmes de Pierre. Pierre en tombe immédiatement amoureux. Mais Jessica est-elle vraiment qui elle prétend être ?

Oublions un instant les personnages grand guignolesque de Germaine et d’Arthur. C’est à un combat intérieur féroce que nous assistons. Une prise de conscience de Pierre que sa vie ne la satisfait pas. Mais à quoi bon risquer de souffrir encore plus en se confrontant à la possibilité d’un autre échec quand on est un loser professionnel ?

Les personnages de Germaine et Auguste ont leur raison d’être dans ce roman. Ils apportent un peu de lumière un peu de couleur dans ce monde uniformément noir.

Le bonheur en bas de chez moi est un roman agréable mais qui aurait, à mon avis été plus réussi, aurait eu plus de force sans l’utilisation de ces artifices angéliques et démoniaques.

Malgré une fin bluffante, cette lecture en demi-teinte ne m’empêchera de suivre l’auteur et de voir ce que nous réserve son deuxième roman.

À vous de vous faire votre avis.