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mardi 17 février 2015

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark


     Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est à un écrivain belge que j'ai voulu poser ces questions, Foire du Livre de Bruxelles oblige. Un écrivain dont j'ai fait la découverte très récemment grâce à mon amie Sophie Matthys : Francis Dannemark. Je le remercie chaleureusement pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi?

FD    : Très tôt, j'ai fréquenté assidûment la bibliothèque de mon quartier et, ayant vite épuisé le secteur jeunesse, j'ai obtenu l'autorisation spéciale de fréquenter la bibliothèque des adultes. Ce jour-là, c'est comme si l'on m'avait offert la clé du monde! J'ai lu dans ma jeunesse tant de livres et si différents les uns des autres, que répondre à cette question me semble quasi impossible. Pourquoi? Tous ces livres lus (romans littéraires et populaires, encyclopédies, anthologies, recueils de nouvelles et de poèmes, etc.) n'en forment à mes yeux qu'un seul. Un seul et unique grand livre. Tous m'ont nourri. Ceux de Balzac et les "petits" romans policiers et humoristiques de Charles Exbrayat. "Socrate était laid" et "Ces dames aux chapeaux verts". Les aventures de Don Camillo, celles d'Alice au pays des merveilles et celles de Bob Morane ( et aussi celles du Club des Cinq). La comtesse de Ségur.  "Le diable au corps" de Radiguet, lu d'une traite  sans relever la tête. Alexandre Dumas. Jules Verne. Dickens.  Poe. Mauriac. Vian ( tout Boris Vian, y compris ses chroniques de jazz). Daniel Boulanger.  Saki. Graham Greene. Michel Butor. Les poètes japonais. Les poètes romantiques anglais (en édition bilingue) - et je me souviens encore de mon émotion en lisant des vers de Keats.

  Comment en retenir un seul. Ce serait injuste. Néanmoins, pour ne pas donner l'impression que je me défile, je citerai "La gloire de mon père", de Marcel Pagnol. J'ai lu et relu ce livre durant des années. Quand je le reprends aujourd'hui, je suis encore fasciné par sa merveilleuse simplicité. Tout coule de source. Et c'est un livre heureux! C'est beau un livre heureux. Sans doute est-ce ce que nous rêvions d'écrire, Véronique et moi, avec "La route des coquelicots". http://www.francisdannemark.be/biefnot-dannemark/


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire?

FD : Je crois y avoir répondu ci-dessus : j'admire profondément les grands stylistes de la littérature et une belle phrase peut m'émouvoir durablement ; mais ce que je recherche encore et toujours en écrivant, c'est la  simplicité. Héritage plus que certainement de ma fréquentation assidue de "La gloire de mon père". La simplicité et la fluidité (la musicalité) - un goût acquis en lisant de la poésie et en écoutant des millions de chansons (anglo-saxonnes surtout, et en particulier les chansons des années 1930, celles de Cole Porter, Irving Berlin,...)


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur?

FD  : Étant éditeur depuis pas mal d'années, j'ai un sérieux problème : à force de lire des manuscrits et de travailler sur des textes, de corriger des épreuves, etc., je me retrouve souvent hors d'état de lire pour le plaisir. Je rêve de plus en plus souvent de ne plus éditer de livres (ou alors de temps en temps), pour pouvoir à nouveau lire, librement!
  Les dernières années, mes lectures hors travail ont été essentiellement des ouvrages anglais sur le cinéma ( et en particulier le cinéma hollywoodien des années 1930-1950).
   Mais je n'ai pas vraiment abandonné la littérature! Et j'ai envie de citer quatre coups de coeur :

Denis Grozdanovitch, "L'art difficile de ne presque rien faire" : tous les essais de Denis Grozdanovitch me fascinent et m'enchantent. C'est l'auteur français, dont j'attends chaque nouveau titre avec impatience!

Virginia Woolf, "Au hasard des rues" : je ne connaissais pas ce court texte, récemment traduit en français. J'en suis sorti ébloui.

Elizabeth Von Arnim, "Avril enchanté" : à mes yeux, un pure merveille. Infiniment et élégamment sentimentale. (Je recommande presque tout ce qu'elle a écrit!)

Véronique Biefnot,  "Là où la lumière se pose" : il y a peu (pour ne pas dire pas) de romans que je connaisse mieux que celui-là, qui clôture la trilogie de Véronique (inaugurée avec "Comme des larmes sous la pluie" et pousuivie avec "Les murmures de la terre"). Elle a créé avec Naëlle un personnage inoubliable et écrit une histoire qui est à la fois sentimentale et fantastique, un passionnant roman populaire et poétique (il suffit de lire les dernières pages...).


Biographie

  Francis Dannemark est né en 1955 sur la frontière franco-belge. Après des études de lettres à l'Université de Louvain, il a notamment été enseignant, critique de cinéma, adjoint du rédacteur en chef d'un journal de bandes dessinées, attaché culturel dans un cabinet ministériel, animateur d'ateliers d'écriture, directeur d'un centre culturel bruxellois et fondateur-directeur des associations Escales des lettres (Bruxelles et Arras), avec lesquelles il a organisé de nombreux festivals littéraires internationaux. Il est actuellement codirecteur de la collection "Escales des lettres", qu'il a fondée avec Jean-Yves Reuzeau en 1998 aux Éditions Le Castor Astral (Bordeaux/Paris), et conseiller littéraire indépendant.
Véronique Biefnot et Francis Dannemark

  Depuis 1977, il a publié une trentaine de livres. Pour la plupart ils sont parus chez Robert Laffont et au Castor Astral. Quelques-uns de ses romans : Mémoires d'un ange maladroit , Choses qu'on dit la nuit entre deux villes, Le grand jardin,  La longue promenade avec un cheval mort, Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver, La Véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis, Histoire d'Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) et Aux Anges.




Encore un immense merci à Francis Dannemark pour sa gentillesse et sa disponibilité. A noter la prochaine parution (le 5 mars) du roman qu'il a écrit à quatre mains avec Véronique Biefnot, "La route des coquelicots". Les deux auteurs seront présents à La Foire du Livre de Bruxelles les 28 février et 1er mars. Tous les titres des romans de Francis Dannemark ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog sont colorisés et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique correspondante d'un simple clic.




lundi 16 février 2015

Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver




Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver de Francis Dannemark aux éditions Robert Laffont



   Fin février à Bruxelles, Christopher , la cinquantaine, se rend à la gare. Sur le parking, c'est la tempête. Christopher aide une femme à maintenir la porte de son taxi ouvert. Tous deux entrent dans la gare et se perdent de vue. Les deux inconnus se retrouvent à la gare Montparnasse au pied d'un train en partance pour l'Espagne. Ils se reconnaissent et décident de faire le voyage ensemble. La conversation se nouent entre eux.


  Au cours du voyage Christopher et Emma sympathisent. Christopher se raconte, il est en fin de parcours, il veut quitter, un métier, une vie qui ne lui correspondent plus. Organisateur de festivals, ce métier ne lui convient plus gangrené qu'il est par les lourdeurs administratives et le fait que la culture est devenu un produit de consommation comme un autre, soumis à la publicité, au marketing, à l'argent. Les confidences de Christopher vont amener Emma à se découvrir petit à petit. Leur conversation prenant la forme d'un bilan de leurs vies respectives. Ils ne se quitteront plus de tout le voyage tous deux vont au Portugal.


  Un long voyage en train pour un très beau et trop court roman. Un roman dont la brièveté se justifie par la description d'un instant. L'instant unique et magique d'une rencontre. Une rencontre facilitée par la longueur du trajet. Christopher et Emma vont parler d'eux-mêmes de tout et de rien, de la situation politique et économique, de ce monde dominé par la consommation  de masse. Un voyage physique et métaphorique  qui va les mener de la grisaille de leurs vies vers le soleil.  Un roman bercé par le mouvement lent du train à contrepied de la frénésie de notre société. Un voyage en train, éloge de la lenteur de la douceur. Un  temps suspendu  à l'image de la plume de Francis Dannemark, tendre, douce, pleine de poésie. Embarquez pour ce voyage. Prenez le temps de savourer cette rencontre. J'aurais aimé passer plus de temps avec ces deux personnages mais malheureusement tout voyage a une fin qui peut être le début d'autre chose, d'une autre vie.

 
  "Je pourrais dire du jazz que c'est un mélange d'élégance et de souplesse, que c'est la magie de l'instant , comment dire?  un léger détachement, un équilibre fragile et émouvant... Quelque chose comme ça. Mais l'amour, je ne sais pas.
    Emma hésite un instant avant de laisser venir les mots qui lui sont venus à l'esprit : 
    - C'est peut-être la même chose, vous ne croyez pas?
    Christopher la regarde avec attention. "Je n'y avais jamais songé" dit-il à voix basse."


   "Les décisions importantes se prennent toujours vite, je crois. Elles mûrissent en secret et puis, le moment venu, elles tombent en un instant. C'est comme les bourgeons, ça me fascine depuis que je sui petite, d'un jour à l'autre ils s'ouvrent et c'est le printemps."


dimanche 1 février 2015

Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)




Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)

Francis Dannemark aux édtions Pocket




    Paul a cinquante-quatre ans, sa mère vient de décéder. A l'enterrement, une femme l'aborde, c'est Alice sa tante, la soeur de sa mère. Paul ne sait rien de cette tante dont on ne parlait jamais. Il sait juste qu'elle existe. Le neveu et la tante vont se rapprocher. Paul étant libre des ses mouvements, sa femme ayant du se rendre aux Etats Unis pour s'occuper de sa fille, il va retrouver Alice tous les jours. Chaque jour Paul aura un nouvel épisode du feuilleton de la vie de sa tante. Il va vivre ces moments  comme le prince des Mille et Nuits auquel Shéhérazade racontait des histoire. Il va se laisser porter par l'histoire peu banale de sa tante, personnage attachant avec qui il fait enfin connaissance.


   Alice a parcouru le monde avec ses maris successifs. La belle n'a pas de chance, elle semble porter malheur aux hommes qui la demandent en mariage. Elle vit des histoires très courtes avec chacun d'eux, courtes mais intenses, qui la transforment, qui la font avancer dans la vie, exercer différents métiers s'adapter à différentes langues. Chaque fois bien sûr le deuil est présent, intense, mais chaque fois Alice se laisse séduire presque malgré elle par les promesses de bonheur d'un nouvel amour. Dans son parcours initiatique et amoureux, Alice est soutenue par l'une des ses belles-mères de qui elle restera proche toute sa vie, Maggie, personnage haut en couleur et plein de sagesse.


   "Maggie m'avait dit une fois que la seule façon avoir une chance d'être heureux, c'est d'accepter que rien n'est jamais certain, que rien n'est définitif, ni les bonnes choses... ni les mauvaises. Elle avait réussi à me faire sourire en me disant que les certitudes sont des parapluies qui ne s'ouvrent que les jours où il fait beau et qu'alors ils nous gâchent la lumière du soleil.



    Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un) est un roman léger, poétique, une vague de tendresse dans un monde qui en a bien besoin. J"ai été touché par le personnage d'Alice, par son aptitude au bonheur malgré les coups durs de la vie. Le personnage de Maggie m'a lui  séduit par sa philosophie pleine de sagesse et son humour omniprésent! Francis Dannemark signe là un roman qui se déguste comme un bonbon, mais pas de ses bonbons trop sucrés écoeurants, non, un bonbon acidulé. Un livre qui fait du bien.


    "Mais Wilbur était mort en me laissant quelque chose de plus précieux que de l'argent : j'avait compris que l'on ne vit qu'un jour à la fois, et plutôt aujourd'hui que demain."