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lundi 16 février 2015

Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver




Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver de Francis Dannemark aux éditions Robert Laffont



   Fin février à Bruxelles, Christopher , la cinquantaine, se rend à la gare. Sur le parking, c'est la tempête. Christopher aide une femme à maintenir la porte de son taxi ouvert. Tous deux entrent dans la gare et se perdent de vue. Les deux inconnus se retrouvent à la gare Montparnasse au pied d'un train en partance pour l'Espagne. Ils se reconnaissent et décident de faire le voyage ensemble. La conversation se nouent entre eux.


  Au cours du voyage Christopher et Emma sympathisent. Christopher se raconte, il est en fin de parcours, il veut quitter, un métier, une vie qui ne lui correspondent plus. Organisateur de festivals, ce métier ne lui convient plus gangrené qu'il est par les lourdeurs administratives et le fait que la culture est devenu un produit de consommation comme un autre, soumis à la publicité, au marketing, à l'argent. Les confidences de Christopher vont amener Emma à se découvrir petit à petit. Leur conversation prenant la forme d'un bilan de leurs vies respectives. Ils ne se quitteront plus de tout le voyage tous deux vont au Portugal.


  Un long voyage en train pour un très beau et trop court roman. Un roman dont la brièveté se justifie par la description d'un instant. L'instant unique et magique d'une rencontre. Une rencontre facilitée par la longueur du trajet. Christopher et Emma vont parler d'eux-mêmes de tout et de rien, de la situation politique et économique, de ce monde dominé par la consommation  de masse. Un voyage physique et métaphorique  qui va les mener de la grisaille de leurs vies vers le soleil.  Un roman bercé par le mouvement lent du train à contrepied de la frénésie de notre société. Un voyage en train, éloge de la lenteur de la douceur. Un  temps suspendu  à l'image de la plume de Francis Dannemark, tendre, douce, pleine de poésie. Embarquez pour ce voyage. Prenez le temps de savourer cette rencontre. J'aurais aimé passer plus de temps avec ces deux personnages mais malheureusement tout voyage a une fin qui peut être le début d'autre chose, d'une autre vie.

 
  "Je pourrais dire du jazz que c'est un mélange d'élégance et de souplesse, que c'est la magie de l'instant , comment dire?  un léger détachement, un équilibre fragile et émouvant... Quelque chose comme ça. Mais l'amour, je ne sais pas.
    Emma hésite un instant avant de laisser venir les mots qui lui sont venus à l'esprit : 
    - C'est peut-être la même chose, vous ne croyez pas?
    Christopher la regarde avec attention. "Je n'y avais jamais songé" dit-il à voix basse."


   "Les décisions importantes se prennent toujours vite, je crois. Elles mûrissent en secret et puis, le moment venu, elles tombent en un instant. C'est comme les bourgeons, ça me fascine depuis que je sui petite, d'un jour à l'autre ils s'ouvrent et c'est le printemps."


mercredi 11 février 2015

On aurait dit une femme couchée sur le dos




On aurait dit une femme couchée sur le dos de Corine Jamar aux éditions Le Castor Astral



    Samira a tout pour être heureuse. Pour fuir un vie difficile auprès d'un père autoritaire qui voulait qu'elle prenne sa suite dans le restaurant familial, elle s'est exilée. Ella a pris son envol avec un couple d'amis, Fred et Claudie et leurs enfants, direction le soleil de la Crète. Elle est tombé aussitôt amoureuse de l'île, de cette nature encore sauvage, de la mer et de la plage protégée par cette montagne dont la forme rappelle celle d'une femme couchée sur le dos. Elle y a trouvé l'amour dans les bras d'Eleftheris, un fier pêcheur crétois. Les deux couples vont s'installer là, non loin de la plage sur laquelle a été tourné le film Zorba le Grec. Ils vont y installer une cantine, un petit restaurant de plage. Les débuts sont difficiles,  les clients rares, Samira se voit dans l'obligation de demander à Claudie et Fred de partir, ils ne peuvent vivre tous de la cantine. Ce restaurant, elle en est la cuisinière, l'âme. Cette trahison la mine, l'empêche d'être complètement épanouie alors que les affaires s'améliorent. Un soir, elle est témoin d'un meurtre,qu'elle décide de taire pour ne pas blesser son mari. Le couple vaque à ses occupations mais Samira est rongée de l'intérieur, elle ne peut pas être heureuse. Elle est soutenue par Walter un allemand installé sur l'île, ancien chef opérateur sur le film Zorba le Grec. Vieux sage bienveillant, il va prendre pour elle la figure du père.



   Le coeur de ce roman bat, vibre au rythme de celui de la Crète. L'île en est le décor, l'âme, un personnage à part entière. Le roman se lit comme une tragédie grecque dans son déroulement. Le lecteur est le témoin de la faute ( la trahison, le meurtre caché) et de ses conséquences. Samira est persuadée que tout ce qui lui arrive de négatif est lié à ses actes, que c'est une sorte de punition des dieux omniprésents sur cette terre mythique.  On  assiste à son long chemin vers une éventuelle rédemption. Le décor de la Crète est primordial, ce soleil, la mer, la montagne, les éléments parfois rudes qui forgent le caractère, l'âme crétoise, sa fierté, son indépendance. Une Crète dont l'équilibre, comme celui de Samira est menacé, en passe de perdre son caractère sauvage sous les assauts des bétonnières des promoteurs.


 
   On aurait dit une femme couchée sur le dos est un  roman passionnant qui se lit d'une traite. Un roman qui traite des thèmes universels  de la faute, de la culpabilité, de la rédemption dans le cadre même des tragédies antiques. Un roman dépaysant par les somptueux paysages décrits, entre mer et montagne. Les personnages sont touchants, portés par l'âme de l'île.Un roman à la construction originale puisque le narrateur en est le fils de Samira et d'Eleftheris, ce fils qui refuse de montrer le bout de son nez tant que Samira n'est pas en paix. Une belle découverte.


   "C'est étrange cette différence qu'il y a entre l'homme et la nature. Même quand la nature fait du mal aux hommes, que la mer les engloutit dans une tempête, que les arbres frappés par la foudre les écrasent, que la montagne les précipite dans un ravin, même quand elle se met en colère, la nature reste belle, et pas l'homme. La laideur qui déforme les traits du visage haineux du meurtrier est peut-être la punition que lui infligent les dieux. Une marque d'infamie."





samedi 7 février 2015

Les murmures de la terre




Les murmures de la terre de Véronique Biefnot aux éditions Heloïse d'Ormesson



Naëlle est une jeune femme perturbée. Amnésique, ses nuits sont perturbées par les cauchemars. Elle ne peut vivre pleinement son amour avec Simon, un écrivain à succès qui l'a prise sous son aile et qui fait son possible pour lui faire reprendre goût à la vie. Après de multiples séjour en asile psychiatrique, Simon en accord avec les médecins, propose à Naëlle de partir seule en Bolivie, pour un trekking méditatif en espérant que ce séjour, par l'introspection et la magie des paysages, l'aide à recouvrer la mémoire.



   Naëlle quitte donc la Belgique, mais le voyage organisé, ne répond pas à ses attentes, la méditation de pacotille proposée la laisse froide, elle reste à l'écart du groupe, surveillée du coin de l'oeil par Manko, un guide indien loin d'être insensible à son charme et à sa personnalité. Les seuls moments où elle se sent bien, sont les moments de marche dans le désert salé, seule avec ses pensées. A la fin du séjour, alors qu'ils ont trois jours de quartier libre, Naëlle part à l 'aventure et est victime d'un accident . Elle est recueillie et soignée par des indiens. Va alors commencer pour elle une aventure qui va la plonger dans la forêt amazonienne, lui faire vivre des expériences chamaniques. Elle va partir à la recherche de son histoire, des ses blessures au travers de périodes de transe.


   "Il lui semblait que la chanson du vent, coursant les nuages, avait aboli le temps, absorbé le superflu, ne restait que l'essentiel : être là... tenter d'être là. Ce qu'elle voulait c'était rejoindre les autres dans la vrai vie, ne plus fuir le réel et arriver à faire comme eux."


  Pour les organisateurs du trekking, Naëlle a disparu. Ils préviennent Simon de la disparition de son amie. L'écrivain prend le premier vol et guidé par  Manko, lui aussi très motivé pour retrouver la jeune femme dont il est tombé amoureux, ils vont partir à la recherche de la jeune femme.


 Dans Les murmures de la terre nous assistons à la quête d'une femme. Naëlle part à la recherche d'elle même. A la recherche d'un passé oublié mais qui la hante. Elle part à la recherche de ses traumatismes d'enfance pour se réapproprier sa personnalité, son corps mis de côté, pour enfin vivre sa vie de femme. Elle va le faire en communion avec la nature, en se plongeant dans les pratiques d'un peuple millénaire qui lui, n'a pas oublié que l'homme est un chaînon de cette nature, qu'il est relié à elle, connecté à tous ses éléments. Une nature qui leur donne ce qu'il leur faut pour vivre, pour se soigner. Une nature en danger, menacée par la course au profit des sociétés dites civilisées.


 Les murmures de la terre est un roman passionnant, dépaysant. Un roman porté par un style précis et plein de poésie. Un style très sensuel qui m'a happé, me plongeant dans cette nature, tour à tour désertique et luxuriante, je la voyais, tant elle est décrite avec précision, je  la sentais, j'entendais les sons qui l'animaient, j'avais l'impression de  presque pouvoir  la toucher physiquement, d'en ressentir l'aridité ou l'humidité. Le lecteur vit les expériences chamaniques de Naëlle, comme s'il y était, à la fois de manière extérieure ( le son lancinant des tambours et des chants) et intérieure (les visions de Naëlle et les émotions qu'elles provoquent). Ce livre est le deuxième tome d'une trilogie  mais peut très bien se lire indépendamment, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait puisque je l'ai commencé alors que je l'ignorais. Tome 1 Comme des larmes sous la pluie Tome 2 Les murmures de la terre Tome 3 Là où la lumière se pose. Deux autres tomes que je lirai rapidement tant j'ai pris de plaisir à cette lecture.


mercredi 4 février 2015

La longue promenade avec un cheval mort




La longue promenade avec un cheval mort de Francis Dannemark chez Robert Laffont


   David parcourt les routes entre la France et la Belgique à bord d'un camion frigorifique. Son chargement à de quoi surprendre. Un cheval mort, congelé. Hope, c'est le nom du cheval. "Hope, comme Bob Hope, comme Elmo Hope, le pianiste de jazz méconnu  Hope, comme l'espoir, mais quel espoir?" Il ramène le cheval à son propriétaire, son oncle, qui veut l'enterrer chez lui. Au détour d'un virage, la route est glissante, de la boue, le camion de David se retrouve embourbé dans un champ. Il n'est pas seul, Antoine lui aussi est bloqué. Les deux hommes vont sympathiser.


  Antoine et David trouvent à se loger dans une auberge, ils discutent apprennent à se connaître en attendant le lendemain qu'un tracteur viennent les sortir du bourbier. David est perdu, il est architecte mais ne veut dessiner que des jardins,  Son entreprise connaît des difficultés car il est très peu présent, il se cherche. Amoureux de Julia, ils se sont séparés avec fracas, David lui avait construit une maison, elle ne voulait pas y vivre, il l'a détruite. Antoine, lui est écrivain. Ancien romancier à succès, il a quitté le devant de la scène suite à une altercation sur un plateau TV. Depuis, il a trouvé Rosa et la paix. Il se considère comme son écrivain privé.


  Les deux hommes, leurs véhicules enfin sortis de l'ornière vont prendre la route ensemble, retrouver Rosa. Le couple inquiet pour leur ami, va décider de l'accompagner jusqu'au bout de la route. Ils vont tous partir accompagner Hope vers sa dernière demeure.

  Ce voyage de David sur les routes avec l'espoir congelé dans son camion frigorifique, est un voyage symbolique, un voyage intérieur. David se cherche. Sa vie personnelle et professionnelle sont en jachère. Il veut dessiner des jardins mais il n'y arrive plus. Il veut vivre avec Julia mais n'y arrive pas. Antoine c'est l'oeil extérieur, l'oeil de l'écrivain, accompagnée de la douce Rosa (la rose) ils vont tout faire pour remettre David sur la bonne voie, le sortir du bourbier dans lequel il se trouve, redonner vie à cet espoir congelé. Redonner à David le goût de cultiver son jardin.

  La longue promenade avec un cheval mort, est un magnifique roman porté par la plume poétique et tendre de Francis Dannemark. Un roman à la fois triste et lumineux, brillant. Un livre plein d'espoir, qui résonnera en chacun de nous. Nous avons tous nos doutes et nos espoirs, nos moments d'abattement, ne laissons pas l'espoir congelé, à l'arrière dans la chambre frigorifique.

   " Parfois la nuit qui tombe déchire le coeur, l'ombre fait peur, rien n'aura plus jamais d'importance et tout arrivera trop tard. Rose des sables, rose des vents. Et le vent, dans la cour de l'école, décolle le vieux sparadrap des plaies d'autrefois. Piano droit, route droite vers la maison où attend Antoine."


   "La pluie s'est arrêtée, les nuages ont changé, comme le vent, de direction. Connaître les stratégies de la pluie, du vent et des étoiles, c'est connaître la patience, cette fleur qui, si l'on en croit un proverbe ancien, ne pousse pas dans tous les jardins."




dimanche 1 février 2015

Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)




Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)

Francis Dannemark aux édtions Pocket




    Paul a cinquante-quatre ans, sa mère vient de décéder. A l'enterrement, une femme l'aborde, c'est Alice sa tante, la soeur de sa mère. Paul ne sait rien de cette tante dont on ne parlait jamais. Il sait juste qu'elle existe. Le neveu et la tante vont se rapprocher. Paul étant libre des ses mouvements, sa femme ayant du se rendre aux Etats Unis pour s'occuper de sa fille, il va retrouver Alice tous les jours. Chaque jour Paul aura un nouvel épisode du feuilleton de la vie de sa tante. Il va vivre ces moments  comme le prince des Mille et Nuits auquel Shéhérazade racontait des histoire. Il va se laisser porter par l'histoire peu banale de sa tante, personnage attachant avec qui il fait enfin connaissance.


   Alice a parcouru le monde avec ses maris successifs. La belle n'a pas de chance, elle semble porter malheur aux hommes qui la demandent en mariage. Elle vit des histoires très courtes avec chacun d'eux, courtes mais intenses, qui la transforment, qui la font avancer dans la vie, exercer différents métiers s'adapter à différentes langues. Chaque fois bien sûr le deuil est présent, intense, mais chaque fois Alice se laisse séduire presque malgré elle par les promesses de bonheur d'un nouvel amour. Dans son parcours initiatique et amoureux, Alice est soutenue par l'une des ses belles-mères de qui elle restera proche toute sa vie, Maggie, personnage haut en couleur et plein de sagesse.


   "Maggie m'avait dit une fois que la seule façon avoir une chance d'être heureux, c'est d'accepter que rien n'est jamais certain, que rien n'est définitif, ni les bonnes choses... ni les mauvaises. Elle avait réussi à me faire sourire en me disant que les certitudes sont des parapluies qui ne s'ouvrent que les jours où il fait beau et qu'alors ils nous gâchent la lumière du soleil.



    Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un) est un roman léger, poétique, une vague de tendresse dans un monde qui en a bien besoin. J"ai été touché par le personnage d'Alice, par son aptitude au bonheur malgré les coups durs de la vie. Le personnage de Maggie m'a lui  séduit par sa philosophie pleine de sagesse et son humour omniprésent! Francis Dannemark signe là un roman qui se déguste comme un bonbon, mais pas de ses bonbons trop sucrés écoeurants, non, un bonbon acidulé. Un livre qui fait du bien.


    "Mais Wilbur était mort en me laissant quelque chose de plus précieux que de l'argent : j'avait compris que l'on ne vit qu'un jour à la fois, et plutôt aujourd'hui que demain."