samedi 3 janvier 2015
F 84.5
F 84.5 de Camille Cornu chez Jacques Flament Éditeur
La narratrice ne va pas bien, elle va consulter, le diagnostic tombe.
"J'allais mal, d'ailleurs je n'allais nulle part. Quelque chose en moi se rebellait. Le cerveau et ses divergences se sont retrouvés enfermés, décortiqués. Je fus déclarée autiste, c'est à dire beaucoup trop saine d'esprit pour une société pervertie. Ma seule guérison était de changer le monde, sous les pavés la plage, réédition."
On lui propose de rentrer dans un programme d'étude à Saclay dans un établissement renommé pour sa recherche sur l'autisme. Au début elle y voit une chance, une chance de faire comprendre ce qu'elle vit , d'affirmer sa différence, de faire changer les choses. Malheureusement la psychiatrie, comme la médecine a une fâcheuse tendance à ne voir que la pathologie, à enfermer les personnes dans des cases à en faire des sujets d'études sans prendre en compte leur individualité, leur vécu, leurs aspirations. Elle n'est qu'un numéro de dossier F 84.5. Elle se bat mais la machine à broyer les individus, surtout les individus différents est si forte.
"Ils ne disent pas cobaye ils savent un peu parler. Vous n'êtes presque plus la personne. Le sujet vient passer des tests pour remplir les dossiers des chercheurs et après c'est l'heure de la pause déjeuner des médecins alors le sujet peut rentrer chez lui. Mais le sujet avait toute une liste de questions, parce que ça ne va pas du tout. Saya et Calypso s'entremêlent et soudain c'est tout flou. Mais ici nous oeuvrons pour la recherche et le bien-être des autistes futurs , alors celui de nos sujets vous comprenez c'est une tocade. Et le sujet est seul pour apprendre à se re-métamorphoser en personne.
La science, les journalistes, donc la société ne voient les autistes que comme une pathologie, un groupe, un minorité. On s'imagine souvent l'autiste comme emmuré en lui-même ou alors avec des capacités exceptionnelles, style Rain Man, mais il y a autant d'autismes que des personnes autistes, ce sont avant tout des individus, des personnes, c'est d'ailleurs comme ça que l'auteure se nomme "la personne" avec leurs sentiments leurs aspirations.
Dans ce récit, dans ce roman, c'est à un apprentissage qu'on assiste, un apprentissage de soi, de son rapport à soi et au monde. C'est une vie de femme qui nous est décrite, une femme avec ses amours, ses questionnements. C'est un combat aussi, un combat contre les clichés, contre la mise en case si pratique, si définitive, si clivante et qui ne résout rien. Le style si singulier, si rythmé, si scandé, si incantatoire de l'auteure nous entraîne dans sa danse de vie, dans sa danse d'amour, dans une danse pour exprimer qui elle est, pas une pathologie, pas un archétype, une personne qui aime, qui vibre, qui vit fort. Un livre coup de poing, un livre coup de coeur!
"Je suis un être humain. Je suis une femme, je suis autiste. Je suis homosexuelle. Je suis Française . Je suis cobaye, je suis floue. Je me cherche, je trébuche en tentant de sauter à pieds joints dans une case, une étiquette, marelle de l'identité. Il faudrait que quelqu'un m'appelle, il me faudrait un regard amoureux. Il me faudrait sortir des souvenirs d'un amour qui dévorent le présent"
"Stigmatisation! : je ne regarde pas dans les yeux, j'ai une voix particulière, je fixe certains détails, ça suffit à terroriser les gens. Certains mots sont dangereux! : handicap, maladie, déficience. Différence aussi! : aveu de non normalité. Juste une configuration singulière, un fonctionnement spécial, comme un ordinateur qui aurait une configuration différente, on ne peut pas mettre exactement les mêmes logiciels, mais d'autres qui auront les mêmes fonctions. Il faut juste prendre la peine d'apprendre à les manier. Et les autistes sont pas fournis avec le mode d'emploi, mais on peut se renseigner un minimum."
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Coucou Hibou doudou, ta chronique me donne envie de lire ce livre de par son sujet "l'Autisme" et aussi la narration de la concernée.
RépondreSupprimerMerci et j'espère le lire bientôt :-)