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jeudi 26 février 2015

De l'influence du lancer de minibar sur l'engagement humanitaire




De l'influence du lancement de minibar sur l'engagement humanitaire de Marc Salbert aux éditions Le Dilettante




Arthur Berthier est critique rock dans un journal. Envoyé à Cannes avec son ami et photographe attitré, Hassan, il en revient avec une note de frais particulièrement salée. Lors d'un concert il fait la connaissance de DJ Jannicke, une jeune norvégienne au tempérament de feu. Ils se précipitent dans sa chambre d'hôtel, où sous l'influence de l'alcool, de pilules diverses et variées et d'herbe (que du  bio), Arthur est victime d'hallucinations. Ils saccage sa chambre d'hôtel, et lance le minibar par la fenêtre, endommageant une voiture qui se trouvait malencontreusement sous le balcon. Convoqué par Parker, en charge du redressement financier du journal, il est sanctionné. Son salaire sera ponctionné et il est rétrogradé aux informations générales en compagnie de son acolyte.


   "-Vous avez réponse à tout monsieur Berthier.
    - C'est la base de l'activité journalistique monsieur, vous avez les questions , j'ai les réponses.
    - Et la base de mon activité est de sanctionner les comportements qui ont mené ce journal au bord du gouffre. Sachez monsieur Berthier que ces 10 000 euros seront intégralement ponctionnés sur votre salaire  et qu'à partir de lundi, vous serez reversé au service infos génés en attendant que l'on statue sur votre cas. La conférence de rédaction a lieu à 8H30, tâchez de vous en souvenir."


   Dure sanction pour ce noctambule que de devoir se lever le matin pour assister aux réunions de la rédaction. On lui demande d'écrire un article sur un campement de réfugiés Afghans installé dans un square parisien. A peine arrivé sur les lieux, le campement subit l'assaut d'une compagnie de CRS durant lequel Arthur est matraqué. Il se retrouve à l'hôpital et c'est à partir de ce moment que sa vie va basculer. La machine médiatique s'emballe. Le journal s'empare de l'affaire, dénonçant une atteinte à la liberté de la presse. Arthur se retrouve au centre de cet emballement médiatique et devient bien malgré lui l'image même de la lutte contre l'État policier et le fer de lance de la défense des sans-papiers, allant même malgré ses réticences jusqu'à héberger un réfugié Afghan.


   Ce roman est une satire de l'emballement médiatique si courant de nos jours. Comment un fait, certes grave, mais finalement assez banal se retrouve en première page et suscite une frénésie aussi intense qu'éphémère. Arthur, adolescent  quadragénaire,  qui n'est pas sans rappeler Philippe Maneuvre, vivant dans un gourbi où les seuls objets de valeur sont liés à sa passion pour le rock, voit sa vie changer par le traitement que la presse fait de l'incident dont il a été la victime. Un roman plein de verve, au style jubilatoire. On y rencontre des personnages hauts en couleur : l'ex femme d'Arthur, par exemple,  tient une agence qui fournit de "vrais gens"pour les émissions de téléréalité. On sent le plaisir qu'a pris l'auteur à écrire ce livre et nous le partageons. Ce roman est aussi un hommage au rock, il est ponctué de titres de chansons, de noms de groupes qui ont fait les belles heures de ce genre musical. A lire, le casque sur les oreilles en écoutant Led Zeppelin, The Clash... En bref un roman qui fait du bien.


mardi 24 février 2015

A l'encre russe



À l'encre russe de Tatiana de Rosnay chez Heloïse d'Ormesson



   Nicolas Kolt, jeune écrivain prometteur, connaît une passe difficile. Après le succès international et inattendu de son premier roman "L'enveloppe", il a du mal à trouver l'inspiration pour le suivant qu'il a promis à son éditrice. Il décide de se mettre au vert dans un hôtel de luxe, au bord de la mer en Italie. Sa petite amie l'accompagne. Entre baignades, dîners fins, cocktails en tous genres, il tente d'écrire. Mais la page reste désespérément blanche. Comment retrouver la flamme qui l'avait habité lors de l'écriture de son  premier roman?


   L'écriture de son premier livre était pour Nicolas une évidence. Le roman s'était imposée à lui suite à un souci administratif. Devant renouveler son passeport Nicolas eut la surprise de découvrir qu'il devait faire la preuve de sa nationalité française car né de mère belge et de père né en Russie. C'est alors qu'il découvre un secret de famille, cette origine russe de son père. Son père, ce héros tant admiré, Théodore Duhamel, disparu en mer quelques années plus tôt, avait été adopté par son beau-père français. Chamboulé par cette nouvelle, il s'est servi de cette situation, de cette révélation pour écrire son roman. De Nicolas Duhamel, il s'est transformé en Nicolas Kolt, pseudonyme tiré du vrai nom de son père, Koltchine.

   "C'en était fini de l'existence placide et tranquille de Nicolas. Il n'était pas un Duhamel. À cette seule idée, un abîme s'ouvrait sous ses pieds. En ce jour gris, pendant ces deux heures au Pôle de la nationalité française, un changement subtil s'opérait. C'est ce jour-là que naquit Nicolas Kolt, mais il ne le savait pas encore."

  Nicolas Kolt, cet écrivain, auteur d'un unique roman, si courtisé, si adulé, se retrouve seul face à la page blanche. Son éditrice lui a fait une avance pour s'assurer de sa fidélité, mais il n'a pas l'ombre d'une idée pour son prochain livre. Il n'arrive plus à se concentrer, n'a plus la flamme. Il est constamment dérangé par des admirateurs. Il faut dire que Nicolas s'est laissé séduire par les sirènes de la célébrité, qu'il a embouché et fait résonner les trompettes de la renommée. D'interviews en pose pour des magazines ou des publicités et en conversations avec des fans sur Facebook et Twitter, Nicolas se serait-il perdu? C'est d'ailleurs ce que lui reproche son entourage, et ce qui a causé la rupture avec Delphine son ancienne compagne dont il est toujours amoureux. Nicolas est devenu superficiel, vide. Parviendra-t-il à retrouver sa voix?

  A l'encre russe nous fait plonger dans le mystère de la création littéraire, dans ce qui conditionne l'écriture. Nous sommes témoins de l'incapacité de Nicolas à écrire car il s'est perdu lui-même. Pour être capable d'écrire à nouveau, il lui faudra vivre un drame, et plonger en lui-même, plonger sa plume dans ce sang russe qui est son identité. Ce roman nous décrit le monde de requins de l'édition, où on essaie de se souffler les auteurs prometteurs, et les embûches qui guettent tout écrivain ayant du succès : les constantes sollicitations, l'argent facile qui embourgeoise et endort. Un roman passionnant sur l'identité et le métier d'écrivain.


  "Nicolas Duhamel devrait prendre ses distances vis à vis des réseaux sociaux et tempérer l'hystérie avec laquelle il s'y est jeté. Peut-être devrait-il cesser de tweeter une bonne fois pour toutes. La question est de savoir si "Nicolas Kolt" écrira un autre roman. Surfera-t-il éternellement sur la vague du succès de L'Enveloppe, alimenté par des éditeurs rapaces qui engrangent les profits, jusqu'à ce que sa beauté se fane et qu'un autre écrivain-produit prenne la relève? Il n'y aura pas de nouveau livre de "Nicolas Kolt". Il est trop occupé à s'admirer dans les centaines de miroirs qu'on lui tend."

samedi 21 février 2015

L'âge de la colère



L'âge de la colère de Fernando J. Lopez, Sol y Lune éditions


   Madrid. Un fait divers horrible vient d'avoir lieu, un drame familial. Marcos un adolescent est accusé d'avoir sauvagement tué son père et d'avoir grièvement blessé l'un de ses frères. Santiago, un journaliste, veut comprendre ce qu'il s'est passé. Il projette d'en faire un livre. Après avoir arraché l'accord de son éditrice il se lance dans l'enquête. Qu'est ce qui a bien pu pousser Marcos à un tel accès de violence?

    L'enquête de Santiago le mène au lycée où étudiait Marcos, un lycée sous le choc. Il y fait la connaissance de Sonia, la Conseillère Principale d'Éducation à qui il explique son projet. Avec l'accord réticent du proviseur, Santiago va pouvoir enquêter. Il va s'appuyer sur plusieurs professeurs, dont le professeur principal, Alvaro, un enseignant inexpérimenté dont c'est le premier poste. Il hérite d'une des classes les plus difficiles du Lycée. D'autres professeurs ainsi que Sonia vont participer à cette enquête ainsi que quelques camarades de classe de Marcos avec l'accord de leurs parents. Santiago retourne alors dans les couloirs de son ancien lycée ou il va découvrir des professeurs découragés, manquant de moyens, livrés à eux-mêmes, des adolescents agités, peu concernés, des parents ou trop présents ou pas assez, une administration qui pare au plus pressé.

   "C'est un cercle vicieux, bien sûr, très simple, et facile. Ils savent qu'il suffit de nous taper sur les nerfs pour que tout éclate et finisse par nous exploser à la figure. Les parents, selon leur personnalité, aident à différents degrés. Pas beaucoup, à vrai dire. Soit ils ne s'impliquent pas, soit ils s'impliquent sans trop se mouiller. Éduquer de cette façon devient impossible. On ne peut pas exercer l'éducation seulement - et tout seuls - entre ces murs."

   L'enquête nous montre Marcos comme un jeune garçon apprécié de ses camarades, un leader, un garçon qui en impose, mais pas quelqu'un de violent. Il est apprécié par la majorité des ses professeurs qui s'appuient sur lui pour contrôler les autres élèves. Mais Marcos a changé ces derniers temps depuis la mort de sa mère. Il s'est d'abord renfermé, puis s'est attaqué à la voiture d'un professeur, mais rien n'indiquait qu'il était susceptible de commettre un tel acte. C'est un garçon  en pleine recherche de lui-même de son identité, bridé par un père très sévère. Santiago va tout faire pour éclairer les zones d'ombres qui émaillent cette affaire, pour briser le silence au lycée et dans les familles.


   L'âge de la colère nous montre le lycée tel qu'il est, à l'image de notre société. Les histoires personnelles des différents intervenants : enseignants, élèves se chevauchent, se heurtent, entrent en conflit dans ce vase clos ou toutes les émotions sont exacerbées. Une école où le manque de moyens et de volonté au plus haut niveau échoue dans son rôle éducatif et qui au lieu de les aider à grandir, à s'instruire, à s'émanciper, a plutôt tendance à détruire les plus faibles.  Un roman passionnant sur l'adolescence qui se cherche, qui essaie tant bien que mal de trouver son identité avec tout ce qui cela implique de conflits avec l 'autorité  tant dans la famille que dans le milieu scolaire. Un roman qui nous rappellera à tous nos années lycées avec leurs amitiés, les harcèlements entre élèves, les professeurs investis d'une mission, les autres dépassés, découragés, le tout amplifié par une société en manque de repères. Ce roman passionnant est à la fois une véritable enquête sur notre société et un thriller qui ne se lâche plus une fois commencé. Le lecteur est plongé, immergé dans l'enquête de Santiago.

   

jeudi 19 février 2015

Au plaisir d'aimer




Au plaisir d'aimer de Janine Boissard aux éditions Flammarion



    Aymar de Fortjoie, vient de décéder à l'âge de 76 ans. Ses trois filles sont appelées au château. Le défunt les laisse dans l'embarras avec un château, gouffre financier qui aurait bien besoin de travaux. Mais là n'est pas le seul problème auquel les trois filles doivent faire face. Passionné d'art contemporain, le vieux mécène avait décidé d'ouvrir les portes de sa demeure à quatre jeunes artistes en qui il croyait beaucoup. Les dernières volontés d'Aymar sont claires, garder le château dans la famille et continuer à abriter et à aider les quatre peintres.


   Rose-Marie, la présidente de l'association des Amis de Fortjoie et ancienne maîtresse aux longs cours d'Aymar, Diane, Filippa, et Margot, ses trois filles, se heurtent à un problème de taille : comment faire face au coûts des travaux et aux droits de successions qui s'annoncent astronomiques. Très vite l'idée de faire visiter le château et de créer des ateliers de découverte de l'art contemporain apparaît comme une solution. Les vieux tableaux (dont quelques belles pièces) sont vendus, les travaux et les visites peuvent commencer. Mais tout cela ne rapporte pas assez. C'est alors que la bonne idée germe dans l'esprit de ces dames. Proposer aux femmes de la bonne société de Poitiers de poser pour des portraits qu'elles achèteraient, le bénéfice des ventes allant directement dans les caisses de l'association. L'idée paraît bonne. Ces dames trompées par leurs maris, devenues transparentes à leurs yeux se sont déjà entichées de ces jeunes peintre considérés comme des marginaux par leurs époux. Les jeunes peintres, quant à eux, cloîtrés au château sont sevrés de présence féminine. 


   Le projet démarre sur les chapeaux de roues. Très vite les commandes affluent et de tendres liens, plus ou moins étroits selon les cas, se nouent entre peintres et modèles. Les dames prennent confiance en elles. Leur grisaille se pare de chatoyantes couleurs, elles semblent revivre. Cela met la puce à l'oreille de Guy Ardoin, député, dont Aude l'épouse, fut la première volontaire empressée. Il débarque au château, lui le coureur de jupons, et trouve sa femme dans les bras de Joseph, son portraitiste. Le scandale éclate. Comment vont faire Rose-Marie et les trois filles pour désamorcer la bombe et conserver Fortjoie?


  Avec Au plaisir d'aimer Janine Boissard nous livre un roman pétillant, plein d'humour, de polissonnerie. Un  roman qui montre que le plaisir de vivre, le plaisir d'aimer est possible à tout âge. Dans les mûrs de Fortjoie, le bien nommé, ces dames d'âge mûr reprennent goût à la vie, au plaisir, parce qu'on les regarde, qu'on s'intéresse à elle. Le roman est porté par un style alerte, plein d'humour, de verve, une plume par moments jubilatoire et insolente. Un agréable moment de lecture plein de légèreté.

Date de parution : le 25/02/15


vendredi 12 décembre 2014

Portrait d'après blessure




Portrait d'après blessure d'Hélène Western aux éditions Arléa




19 septembre, une explosion a lieu dans le métro, une explosion mortelle. Olivier et Heloïse deux amis se trouvaient dans la rame qui a explosé. Olivier n'a pas perdu connaissance mais est blessé au visage. Heloïse, elle s'est évanouie et semble plus touchée. Ses vêtements ont été arrachés par le souffle de l'explosion. Olivier n'attend pas l'arrivée des secours. Il brise la vitre du wagon avec ce qu'il trouve et sort son amie de la rame, il la porte vers les secours qui s'organisent. Une personne est témoin de cet acte, un photographe de presse. Il prend la photo. Un cliché qui se retrouvera en première page de Scoop-Images, et qui sera repris partout dans la presse et sur internet.


  Nous assistons aux soins, à la convalescence plus ou moins longue d'Olivier et Heloïse. Olivier se remet plus vite. Ses blessures sont moins graves. Il ne peut voir Heloïse qui après une période en soins intensifs est toujours à l'hôpital veillée par son mari. Ils essaient de se remette du traumatisme de l'explosion. Un autre traumatisme vient s'ajouter, celui de la photo. Une photo dont la légende laisse entendre que les deux amis sont amants. Une photo qui a d'autant  plus de répercussion qu'Olivier est un personnage public. Historien, il a créé une émission télévisée, Histoire d'images, qui étudie des photos historiques, prises lors de conflits. C'est en mettant sur pied cette émission qu'il a rencontré Heloïse, documentaliste au ministère de la Défense. Très vite une profonde amitié s'est nouée entre eux. Tous deux savent qu'il y a bien plus que de l'amitié entre eux. Tous deux sont en couple et hésitent à franchir le pas. Un pas que d'ailleurs Olivier se promettait de franchir juste avant l'explosion.

 L'explosion éloigne les deux amis. L'explosion et la photo. Heloïse protégée par son mari, n'est pas au courant du cliché , de sa large diffusion. Olivier, lui est anéanti, il ne sait pas qu'Héloïse en ignore tout, il se remet petit à petit  aux côtés de Karine, sa compagne qu'il n'aime plus.

   "Ses mains et sa bouche me murmuraient des choses apaisantes, tendres. Elles cherchaient à me persuader que j'étais encore en vie. Dans ma nuit personnelle, l'amitié du corps de Karine m'offrait un répit. Un gué pour franchir la succession vide des journées , ces images qui me traversaient comme des coups de couteau et la peur collante qui avait infiltré mon quotidien."

Héloïse va finir par trouver la photo, une photo qui jette son corps en pâture au voyeurisme. Olivier et  Héloïse vont reprendre contact et décider de contre attaquer, d'attaquer en justice le journal à scandales, pour se reconstruire.

Dans ce superbe roman, Hélène Gestern, nous parle de droit à l'image, de l'absence de dignité d'une presse prête à tout les surenchères pour vendre du papier sans se soucier du traumatisme que cela peut causer aux victimes,  sans se soucier de rajouter de la douleur à la douleur déjà causée par le drame. Nous vivons le calvaire d'Olivier et d'Héloïse, nous nous identifions à eux. Portrait d'après blessure est un roman fort, porté par une plume pleine de sensibilité  mais aussi de force, et d'indignation. Ce roman est un coup de coeur et je vais me précipiter sur le roman précédent d'Hélène Gestern, Eux sur la photo, qui me tentait déjà avant de lire ce livre.

   "Mais ce soir le chagrin était d'une autre teneur. Il avait la couleur de l'impudeur : flashes, images crues d'une intimité disséquée au scalpel méchant de la presse à scandale, ses morceaux de chair palpitant dans la lumière ; portrait cruel d'après blessure, viande photographique sur laquelle s'agglutinent les regards comme des mouches obsédantes en appétit de malheur, aiguillonnées par l'archaïque goût du drame."

jeudi 11 décembre 2014

Providence




Providence de Valérie Tong Cuong aux éditions Stock



Marylou, secrétaire malmenée par son patron, est mère célibataire, elle ne vit que pour son fils, ne tient le coup que pour lui. Albert, architecte de renom, solitaire, vient d'apprendre qu'il n'a que quelques mois à vivre. Prudence, avocate de talent, est elle aussi au bout du rouleau, ayant du mal à s'imposer,  femme et noire de surcroît dans ce monde régi par les hommes. Tom, producteur de film, amoureux transi de Libby tombe nez à nez avec l'amante de celle qu'il voulait épouser.


    Ces quatre personnages malmenés par la vie, vont vivre une journée qui va bouleverser leur vie. Ils nous racontent tour à tour leur histoire leurs difficultés, leurs déceptions, leurs réussites, leurs échecs jusqu'à cette fameuse journée qui va les amener à se rencontrer, à réfléchir sur leur vie, à changer de vie. Il suffit d'un rien, d'un retard, d'un accident, d'une allergie à une pâtisserie, d'un suicide manqué, d'une explosion, et de la compassion, de la curiosité, de l'ouverture d'esprit  d'un enfant pour que tout bascule.


    Dans ce roman choral les personnages vont être confrontés à des manifestations de la Providence sous forme de petits accidents, de petites chances qui peuvent paraître anodins mais qu'il faut savoir saisir pour avancer, pour évoluer, pour être heureux. Un roman frais, rythmé, porté par une plume alerte. Valérie Tong Cuong fait partie de ces auteurs qui vous mettent du baume au coeur, qui vous font voir le bon côté de  la vie même quand elle est difficile. Une auteure que j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire.


   "-Une autre fois, a fait Albert en s'adressant à Marylou, je vous raconterai comment ce jour-là, j'ai moi aussi emprunté un taxi qui a changé le cour de ma vie.
    -Le cours de nos vies , ai-je souligné. Pourquoi ce jour là? Je me poserai toujours la question.
    -Peut-être que le monde a parfois un hoquet , a dit Marylou, songeuse. Il est programmé d'une certaine façon, et puis quelque chose ou quelqu'un  décide de tout changer à la dernière minute."

Noces de verre



Noces de verre de Philippe Routier aux éditions Stock



   
  Khadija, jeune fille d'origine marocaine a grandi en banlieue parisienne dans l'atmosphère de l'épicerie familiale. Elle a aimé son enfance choyée, rythmée par le contact de la clientèle. Khadija a grandi, sa mère est morte et son père a décidé de retourner au pays tenter sa chance. La jeune femme se retrouve donc seule et doit prendre sa vie en main. Un jour à la laverie automatique, elle rencontre un  jeune homme. Elle tombe sous son charme, attirée par cette impression de force et de solidité qui se dégage de lui. Très vite les deux jeunes gens tombent amoureux et décident de se marier.


   Pour fonder leur famille, les deux tourtereaux décident de déménager dans la région de Cahors, région d'origine de Virgile. Ils se rapprochent de la famille de Virgile. La vie de Khadija tombe très vite dans l'horreur. Elle découvre rapidement le vrai caractère de son mari, violent et pervers. Ils vivent dans une maison isolée et elle sait qu'elle ne peut attendre aucune aide de ses beaux-parents qui n'on jamais accepté le mariage de leur fils avec une étrangère. Virgile frappe sa femme à la moindre occasion et contrôle complètement son existence.


 "Virgile avait isolé sa femme, à qui il ne concédait  que deux espaces libres : le mas et le Vival Casino.
   Il contrôlait sa vie, bornée par deux bourgs engourdis."


     Dans ce roman, la violence conjugale est analysée,  avec précision, froideur. L'auteur rapporte les faits,  il les dissèque. On assiste à l'évolution des réactions de la jeune femme à la violence physique et morale que lui fait endurer à son mari. D'abord elle l'excuse, puis elle accepte son sort sans savoir quoi faire, enfin c'est quand elle sent son fils en danger qu'elle décide de réagir.  Les noces de verres est un roman passionnant qui se lit d'une traite. Le style précis, sans fioritures de l'auteur donne au roman un réalisme qui donne froid dans le dos. Un roman efficace, sans pathos, la description d'une situation malheureusement assez courante.


   "Il se mit à penser à la gifle qu'il avait donnée à sa femme. Il comprenait mal pourquoi il s'était laissé aller à ce geste et se demandait s'il devait en éprouver du remords. Il avait entendu dire dans une émission de télévision q'un homme sur dix frappait sa compagne. C'était donc une multitude, et la multitude ne pouvait pas être composée que de sales types."


   

samedi 29 novembre 2014

Le réveil du coeur




Le réveil du coeur de François d'Epenoux aux éditions Anne Carrière


 Jean travaille dans la publicité. Il vit depuis quelques temps avec Leïla, jeune femme d'origine marocaine, qu'il n'a jamais osé présenter à son père. Il faut dire que son père est un personnage. Le caractère bien trempé, il se refuse au monde actuel, il vit dans ses souvenirs des années 50-60, pourfend la société contemporaine avec véhémence.


    Dans la première partie du roman, c'est Jean qui nous prend à témoin de ses relations, avec celui qu'il appelle "le Vieux". Il nous raconte ses discussions avec lui, le jour où il lui a annoncé contraint et forcé qu'il vivait avec Leïla. En effet Leïla est  enceinte, "le Vieux" va devenir grand-père et il  ne voit pas cette naissance d'un très bon oeil.

    "-Jean, vous n'allez pas faire ça?
      - Mais quoi?
      - Mais enfin, mettre un enfant au monde, je veux dire dans ce monde là?
      - Comment ça, dans de monde là?
     Il vide son verre d'un trait et craque littéralement.
       -Comment ça, "comment ça?"... enfin tu as des yeux pour voir , quand même, non? On a tout sali, Jean! Tout ! On fout en l'air les gens, les animaux, la nature, c'est plus fort que nous. On est incapables de donner à bouffer à tout le monde, incapables de préserver la beauté des choses, c'est comme ça! C'est dans nos gènes! Et pourtant on a encore rien vu, tu sais aussi bien que moi ce qui se prépare, non?! La montée des eaux, les terres englouties, les exodes de masse, ce n'est pas moi qui l'invente! ... Ça a commencé! Tous les scientifiques annoncent la chienlit! Et c'est là-dedans que tu veux balancer ton gosse?"

    Malo finit par naître, le grand-père est invité mais se fait tirer l'oreille pour venir le voir. Le Vieux est finalement ému devant son petit-fils. Le couple Jean-Leïla  va mal la séparation arrive, Malo grandit! Le grand-père dont les relations sont houleuses avec sa belle-fille, devient persona non grata dans la vie de son petit-fils. Le couple finit par se séparer.


    Dans la deuxième partie du roman c'est au tour du Vieux de nous raconter les événements. Jean et Leïla, très occupés pendant les vacances, doivent trouver quelqu'un pour garder Malo. N'ayant pas de solutions Leïla accepte que Jean appelle le Vieux, pour lui demander de s'occuper de Malo pendant le mois d'août. Le Vieux est très remonté car il n'a pas vu Malo depuis longtemps, sa bru lui refusant le contact avec son petit fils. Le vieux finalement accepte de s'occuper de son petit-fils, rouspétant pour la forme. Une rencontre, un séjour qui va bouleverser leur vie à tous les deux. Ils vont se conquérir l'un l'autre. Le Vieux, laissant sa carapace se fissurer au contact de son petit-fils.

   Le réveil du coeur, est un roman touchant.  Un roman mêlant tendresse et regard acéré sur notre monde actuel.  Un roman qui, malgré une intrigue cousue de fil blanc, nous prend et ne nous lâche plus. Une belle alchimie entre moments de tendresses et réflexions désabusées sur notre société.  Un roman qui nous montre comment l'innocence de l'enfance va venir saper les défenses d'un vieux ronchon au grand coeur, muré dans la gangue protectrice de la nostalgie. Le plume de François d'Epenoux est tour à tour  douce, poétique,  mordante et drôle. Un très bon moment de lecture.


   "Avec la naissance de son fils, un père accouche souvent de lui-même. Si un seul voit le jours, les deux voient la lumière."

lundi 17 novembre 2014

Lettres à l'Errant



Lettres à l'Errant de Marie-Hélène Sainton aux éditions Le Serpolet




  Lettres à l'Errant est un recueil de lettres écrites mais jamais envoyées, des lettres d'amour à l'Errant, cet homme de silence, il est pantomime, dont l'auteure des missives est tombée amoureuse. Un amour tardif qui va lui faire quitter son foyer alors que l'objet de sa passion est toujours en couple.
La belle va tout faire pour apprivoiser l'être qu'elle aime, elle va apprendre à le connaître au fil des rencontres.

   "Quand on aime quelqu'un, on a envie d'apprendre sa langue. Je tente d'apprendre la vôtre. C'est à dire vos silences. Soyez indulgent pour mes erreurs de syntaxe."


Cet homme qu'elle aime et qui l'aime à sa façon, d'une manière presque désincarnée, platonique, l'a révélée à elle-même, elle semble ne vouloir continuer à vivre que par lui, que pour lui.


  "J'ai existé à partir de lui. De ce regard qui ne livrait rien de lui, mais qui m'a tout livré de moi-même, m'a tirée de ma grisaille, de ma léthargie.
    Rien. Vous n'avez rien fait pour cela. Juste un regard sur moi et sa magie."


  Avec Lettres à l'Errant, Marie-Hélène Sainton signe un superbe roman épistolaire, plein d'un amour magnifié par le fait qu'il reste platonique. Les lettres sont pleines de sensibilité, de pudeur, mais aussi d'audace. Un recueil  servi par une plume poétique, exigeante, émouvante et à la fois pleine d'humour. Un véritable régal de lecture.

   "Et je me tais. Moi aussi.
     Une partie de vous est déposée en moi. Je la caresse et la nourris. Quand je vous ouvrirai, vous ne serez pas dépaysé. Vous la réintégrerez.
      Vous direz : "C'est drôle comme je me reconnais en elle.
       Moi je me tairai.
       Je suis moi et vous.
      Je vous ouvre. Ouvrez moi."

   Ce livre a été récompensé par le prix Paul Bellat en 2010