samedi 31 janvier 2015

Esprit d'hiver



Esprit d'hiver de Laura Kasischke aux éditions Livre de poche



     C'est le matin de Noël et Holly, comme chaque année a beaucoup de choses à préparer. La famille et les amis vont arriver. Pourtant, bizarrement, elle se lève tard. Bizarrement, Tatiana n'est pas venue les secouer comme chaque année, impatiente d'ouvrir ses cadeaux. Quand elle s'est levée un peu plus tôt, sa fille dormait paisiblement, mais pourquoi Holly s'est-elle recouchée. Son mari, lui, part de mauvaise humeur chercher ses parents à l'aéroport. Holly ne se lève pas dans les meilleures dispositions, un sentiment de malaise l'oppresse.

      "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux."

     Holly a besoin d'écrire cette phrase, de poser des mots sur ce qu'elle ressent pour comprendre, mais ce matin elle n'a pas le temps.  Cette phrase la hante. Tatiana n'est pas leur fille biologique. Très jeune Holly a dû subir une ablation des seins et des ovaires pour ne pas mourir de la même maladie que sa mère et sa soeur. Quand le désir d'enfant s'est fait ressentir, le couple a décidé de se rapprocher d'un orphelinat sibérien pour adopter. Tout en essayant d'activer les préparatifs, Holly se souvient de toutes les étapes de leur vie avec Tatiana, de leur première visite à l'orphelinat, de comment ils ont eu le coup de foudre pour cette enfant de dix-neuf mois aux si grands yeux.


    "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux."


    Treize ans qu'ils vivent ensemble. Aujourd'hui Tatiana a quinze ans et elle n'est pas comme d'habitude. Alors que sa mère se débat avec les préparatifs, lui demandant son aide, Tatiana ne cherche que l'affrontement. Comme si Holly avait besoin de ça. Elle se sent déjà assez angoissé et n'a toujours pas le temps d'aller écrire cette phrase qui la mine, de l'écrire pour savoir, pour comprendre cette terreur sourde qui l'étreint. Et dehors le blizzard fait rage, s'intensifie. Non ce Noël ne sera pas comme les autres.


    Esprit d'hiver est une roman angoissant, asphyxiant, on ressent cette atmosphère étouffante générée par l'angoisse de Holly presque physiquement. Cette impression à l'intérieur de ce huis clos est encore renforcée par cette neige à l'extérieur qui recouvre tout, qui bloque tout. Une couche de neige qui bloque les issues. On sent l'horreur psychologique monter, on sait qu'on ne pourra y échapper. Un roman qui distille l'angoisse avec précision, par petites touches, faisant monter ce sentiment d'étouffement petit à petit. Laura Kasischke est une pointilliste de l'angoisse. Un thriller psychologique d'une efficacité redoutable qui continue de nous hanter une fois la dernière page refermée.

   "C'était là maintenant, dans cette pièce avec elles, et c'était terrifiant, oui mais il n'était plus question de terreur. La terreur, c'était la lente approche du chat blessé, traînant ses pattes arrière en traversant la cour. La terreur c'était le silence, après avoir entendu sa mère gémir derrière une porte close. Il y avait de la terreur dans ce silence car il restait encore une chance de refuser les faits."


vendredi 30 janvier 2015

Souvenirs de lecture 1 Delphine Bertholon




Souvenirs de lecture 1 : Delphine Bertholon


    Dans cette nouvelle rubrique je vais demander à des auteurs de nous parler de  leurs souvenirs de lecture le plus marquant. Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Delphine Bertholon a gentiment accepté d'ouvrir le bal et d'être la marraine de cette rubrique. Je l'en remercie chaleureusement.



LLH : Quel livre lu dans ton adolescence t'a le plus marqué et pourquoi?

DB : Il s'agit plutôt d'un livre de pré-adolescence - de mon premier roman non estampillé "jeunesse". Je venais d'entrer en sixième, je découvrais le CDI et, au détour d'un rayonnage, dénichai E=mc2 mon Amour (Claude Klotz, publiant sous le nom de Patrick Cauvin, 1977). J'avais été, j'imagine attirée par la couverture du livre de poche, qui figurait le baiser de deux adolescents ; puis définitivement ferrée par la quatrième : deux enfants de onze ans (comme moi, donc) - atypiques, surdoués, incompris des adultes - allaient vivre, me disait-on, une grande histoire d'amour...

        Embarquée dès les premières lignes.

        J'étais une fillette plutôt sage, bonne élève, disciplinée (bien qu'un peu bavarde tout de même, dixit mes bulletins scolaires). Sans doute cette folle passion romanesque - la fugue jusqu'à Venise de ces amants rebelles, inconséquents et sublimes  - m'avait-elle fait rêver de liberté. Au contact de Daniel et Lauren, je m'encanaillais sans prendre de risques. Gamine, je l'ai lu un nombre incalculable de fois. Peu après sa découverte, mes parents m'ont emmenée au Salon du Livre de Saint-Etienne où Cauvin/Klotz était en dédicace. Ils m'ont bien sûr offert ce roman dont je parlais sans cesse. L'auteur me l'a signé, j'en tremblais ; je n'ai, je crois, rien osé lui dire. L'exemplaire jauni est toujours en bonne place dans ma bibliothèque, matérialisant l'un de mes plus beaux souvenirs d'enfance (je viens de voir que ma mère, adorable, avait noté en page de garde la date de cette fameuse dédicace. C'était le 23 octobre 1988).


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur ton désir d'écrire?

DB : Je rédigeais déjà des petites nouvelles, poèmes et autres contes improbables. Mais j'ai lu E=mc2, mon Amour et pour la première fois, le désir d'écrire est devenu conscient - pour ne pas dire viscéral. Moi aussi, je voulais transmettre des émotions, être libre dans l'imaginaire, comme Patrick Cauvin, comme les héros qu'il mettait en scène. Bien sûr, à ce moment là, je ne me suis pas dit "Quand je serai grande, je serai écrivain" mais l'envie s'est ancrée, d'une manière que je n'imaginais pas si définitive.. J'ai découvert une langue vivante, inventive, truculente, souvent très drôle - loin des classiques lus pour l'école ou des textes simples et assez formatés comme l'étaient souvent à l'époque les romans jeunesse. Découvert aussi une structure qui, je m'en rends compte aujourd'hui, a sans doute influencé mon parcours d'auteur : la forme polyphonique et le travail de "voix" foncièrement différentes, d'un point de vue stylistique, selon les personnages. Près de vingt ans plus tard, j'ai relu le roman lorsque j'écrivais Twist, car Madison, la petite héroïne, le cite comme l'un de ses livres favoris (les chiens ne font pas des chats). Pour la quatrième de couverture à l'époque, François Nourissier notait : "(...) toutes les qualités de fraîcheur, de légèreté, d'invention qu'il faut pour faire l'enfant sans faire la bête." C'était justement le problème que je rencontrais avec le personnage de Madison : créer une langue d'enfant qui soit à la fois crédible et littéraire. Chose que, bien sûr (mais je le lus beaucoup plus tard), avait brillamment réussi Salinger avec L'attrape-coeurs...

       Cerise sur le gâteau, quand Twist a été publié, j'ai appris que E=mc2, mon Amour avait à l'origine été édité par... Jean-Claude Lattès. Et chaque fois que je vais, en tant qu'écrivain, au salon du livre de Saint-Etienne, j'ai une grande bouffée de nostalgie. Donc ce roman fait vraiment partie, à n'en point douter, de mon histoire. Je suis triste que son auteur nous ait quittés avant que j'ai osé l'embrasser.


LLH : Quelles sont tes dernières lectures coups de coeur?

DB : L'écrivain national, Serge Joncour (rentrée de septembre 2014, France Flammarion) Au delà du sujet qui m'a évidemment interpellée (un écrivain fragile et peu sûr de lui se retrouve prisonnier d'une résidence d'auteur  dans un bled paumé), le roman a un côté "polar bucolique" qui force à tourner les pages. Pour finalement, livrer une histoire pleine de drôlerie, mais d'une très grande humanité. Je l'ai lu en vingt-quatre heures et j'ai failli pleurer à la fin. Pour les deux points, ça m'arrive rarement. J'ai donc été ravie, il y a quelques jours, de voir ce roman merveilleux obtenir le prix des Deux Magots.

       L'ours est un écrivain comme les autres, William Kotzwinkle (rentrée de septembre 2014, USA, Cambourakis)  Le pitch est improbable : en bref, un écrivain oublie le texte de son roman dans une forêt ; le roman est ramassé par un ours qui, par un concours de circonstances, se retrouve édité par une grande maison new-yorkaise, avant de devenir une superstar - le "nouvel Hemingway", carrément (le côté sauvage, quoi). En forme de parabole, une fable extrêmement drôle et très absurde sur les affres de la création et les pièges de la célébrité, pleine de quiproquos et de dialogues de sourds à hurler de rire. Sérieusement réjouissant... L'auteur étant un fan de Richard Brautigan, en même temps, il ne pouvait pas être foncièrement mauvais! En plus, le livre - l'objet livre - est vraiment beau. A l'ère du numérique, c'est cool aussi.

       Esprit d'hiver de Laura Kasischke (Christian Bourgeois à l'origine, au Livre de poche depuis peu , USA)  J'ai découvert Kasischke assez récemment, à force que les libraires m'en parlent, m'indiquant une parenté entre nos univers. Du coup, j'ai commencé... et depuis je lis tout (et digère tant bien que mal l'incroyable compliment!) Mais de l'auteur, ce roman-là m'a particulièrement emballée. Huis-clos paranoïaque, hypersensible et brillant, il faut l'avaler d'une traite, sans reprendre son souffle ; c'est comme ça qu'il fonctionne - à mon avis - le mieux. En apnée.

En bonus (rentrée de janvier 2015) : Entre toutes les femmes, Erwan Larher, Plon
                                                          Pardonnable, impardonnable, Valérie Tong-Cuong, Lattès




 Biographie : Delphine Bertholon (1976) naît et grandit à Lyon, à deux pas de la maison des Frères Lumière. Dès qu'elle sait lire, elle engloutit les 49 volumes de Fantômette, addiction qui rend les courses au Monoprix on ne peut plus excitantes. Dès qu'elle sait écrire, elle entreprend la rédaction de nouvelles, métissage improbable entre Star Wars et La Petite Maison dans la Prairie.
      Au collège, elle hérite d'une machine à écrire : l'affaire devient sérieuse et son père, moqueur, lui promet un collier en diamants si elle passe un jour sur le plateau d'Apostrophe.
       A dix-huit ans, elle entre en hypokhâgne, découvre Henri Michaux, se prend d'amour pour la littérature américaine avec Bret Easton Ellis, tombe dans Twin Peaks, la série de David Lynch. Elle pousse l'effort jusqu'à la khâgne puis trop dilettante pour intégrer Normale, termine ses licence/maîtrise à Lyon III . Abandonnant finalement l'idée d'enseigner, elle monte à Paris rejoindre des amis, partis tenter leur chance comme réalisateurs. A leurs côtés, elle devient scénariste, tout en poursuivant son travail littéraire. Après moult petits boulots alimentaires et nombre de textes refusés, elle intègre finalement en 2007 la maison Lattès avec Cabine Commune, son premier roman. Ont suivi  Twist, L'effet Larsen, Grâce, Le soleil à mes pieds, et en février 2015, Les corps inutiles.



Encore un immense merci à Delphine Bertholon pour sa gentillesse et disponibilité, Tous les romans de Delphine Bertholon ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog sont colorisés et disposent d'un lien intégré permettant en cliquant dessus l'accès à la chronique correspondante.


jeudi 29 janvier 2015

Vera



Vera de Jean-Pierre Orban aux éditions Mercure de France




    Vera est fille d'immigrés italiens. Elle est arrivée en Angleterre avec ses parents alors qu'elle était toute petite. Ses parents étaient venus là à la recherche d'un travail pour assurer une vie meilleure à leur fille. Ils s'installent dans le quartier de Little Italy à Londres. Un quartier qui comme son nom l'indique est habité à majorité par des immigrés italiens. Augusto, le père,  personnage insignifiant, est docker dans un port de la Tamise. Ada, elle,  gère tant bien que mal une sorte d'épicerie bazar. L'essentiel pour eux est de ne pas se faire remarquer, de se fondre dans la masse. A la maison on ne parle pas italien, pas celui des livres en tout cas, les deux parents parlent deux patois différents, et leur fille communique avec eux dans ces deux langues et en anglais.


    Vera est approchée par Nunzia Chiegi, femme proche de l'Ambassade italienne, qui va la persuader de suivre des cours du soir d'italien. Mais cette école où elle se rend quelques soirs par semaine prodigue des cours à la gloire du régime fasciste de Mussolini. Vera va succomber aux sirènes de cette Italie forte, rassurante pour elle qui ne sait pas qui elle est. Elle n'est pas anglaise, son passeport et son apparence sont italiens, mais elle ne sent pas italienne non plus. Elle n'a jamais vécu dans son pays d'origine. Petit à petit elle va gravir les échelons dans ces jeunesses italiennes, jusqu'à ce voyage de groupe en Italie où elle aura l'insigne honneur de remettre un bouquet au Duce lui-même de la part de la communauté anglaise. Ce voyage va amplifier son détachement de ses parents, elle va les considérer comme des étrangers.


   Churchill ayant décrété au début de la guerre que tous les ressortissants des pays étrangers ayant déclaré la guerre au Royaume Uni étaient des dangers potentiels, de grandes rafles furent organisées. Augusto fut arrêté puis conduit par bateau vers une destination inconnue. Augusto ne revint jamais, le bateau ayant été coulé par un sous-marin allemand. Jamais la famille ne récupèrera le corps. Nous retrouvons Vera à Soho où elle va travailler dans un restaurant "français", elle va se lier d'amitié avec une juif apatride amoureux de la culture française qui va l'initier à la langue et à la culture françaises par le dialogue et par les livres. Sa quête d'identité déçue par le fascisme mussolinien va se tourner vers la France par la découverte de sa langue.

    Vera est un premier roman magistral. Poignant, il nous parle d'un fait méconnu de la deuxième guerre mondiale, ces rafles d'immigrants ordonnées par Churchill. Ce roman pose le problème de l'identité, de l'appartenance, des racines. Les deux personnages principaux Vera et Ada sont particulièrement saisissants. Vera est en quête d'elle-même, de qui elle est vraiment. Est-elle définie par son pays d'origine dont elle n'a aucun souvenir et qu'elle fantasme au début du roman au travers du prisme de l'idéologie fasciste? Est-elle définie par un pays d'accueil qui la méprise du fait de son physique typé? Va-t-elle réussir à se trouver grâce à son goût pour la langue française et pour sa culture?  Ada, elle, réagit différemment, elle va peu à  peu se murer dans le silence. Elle regrette d'avoir quitté son  pays et surtout ses enfants morts. Elle va errer dans les cimetières, communiquer avec les morts qui tous appartiennent au genre humain pour se rapprocher de ses chers disparus. Dans ce roman Jean-Piere Orban  nous montre l'importance de la langue comme vecteur d'identité. Dans la famille de Vera personne ne parle réellement la même langue on  se comprend, mais il n'y a pas une langue commune. Les membres de la famille vivent les uns à côté des autres, ils ne sont pas unis par le langage.


  Vera est un roman fort, riche, merveilleusement écrit, un roman poignant, sur l'identité, la difficulté à s'intégrer. Un roman qui a reçu en 2014 le prix du premier roman. Un livre marquant.



lundi 26 janvier 2015

Le roi des rêves Louis II de Bavière

A



Le roi des rêves Louis II de Bavière de Isaure de Saint Pierre aux éditions Albin Michel





      Tour à tour adulé, puis décrié, Louis II de Bavière, personnage romantique s'il en est, a marqué de son empreinte le XIXème siècle européen. Isaure de Saint Pierre nous décrit dans cette biographie un personnage attachant bien que fantasque et excessif.


      Baigné dès sa plus tendre enfance dans les légendes germaniques, Louis est un jeune homme profondément attaché à la culture allemande. Très tôt il développe une passion pour la musique de Richard Wagner. Une de ces premières actions en tant que roi est de faire rechercher ce musicien errant, fuyant ses créanciers. Une très forte amitié (amour platonique pour le roi et amitié sincère mais intéressée pour le compositeur) va se nouer entre les deux hommes. Ces deux-là se ressemblent par leurs excès et par leur intransigeance. Louis II n'aura de cesse de faire accepter la musique de son protégé,  fermant les yeux sur ces dépenses faramineuses. Une profonde amitié qui malgré les désaccords durera jusqu'à la mort du compositeur.


    Louis II n'est pas seulement ce roi excessif admirateur des arts et mécène passionné. Ce roi malgré lui fut très proche de son peuple, qui l'aimait profondément. Défenseur de la paix et favorable à l'unité allemande tant que l'indépendance de la Bavière n'était pas remise en cause, c'est la mort dans l'âme qu'il engagea son royaume au côté de la Prusse dans la guerre contre la France en 1870.


     Cette biographie de Louis II de Bavière, émaillée d'extraits de sa correspondance avec Wagner et sa bien aimée cousine Sissi dont il partageait le peu de goût pour la fonction de monarque, nous montre un personnage torturé. Torturé entre son homosexualité et sa ferveur religieuse, entre son amour du peuple et son désir de laisser une trace en bâtissant des châteaux plus coûteux les uns que les autres qui mettront le royaume au bord de la ruine. Torturé entre la haute idée qu'il avait de sa fonction et son peu de goût qu'il avait pour l 'exercer. Une biographie passionnante qui se lit comme un roman tant la personnalité de ce roi est riche et contrastée.


Date de parution prévue le 04/02/2015



dimanche 25 janvier 2015

Résultats du concours Le Noël des bloggers 2014






Résultats du concours le Noël des bloggers 2014








Voila, les jeux sont fait ...

Nous avons procédé aux tirages au sort.

Mais avant tout chose, nous souhaitons remercier les participants d'avoir joué le jeu. Nous espérerons que vous avez par la même occasion découvert différents univers, de nouveaux auteurs et des blogs dans lesquels vous aurez plaisir à revenir flâner.

Donc sans plus attendre voici les heureux gagnants et tout cela en image :

Lot n°1 : un roman " la méthode Schopenhauer" d'Irvin Yalom : Christine P.



Lot n° 2 : Lot Saules aveugles, femme endormie" de Haruki Murakami et "13 à table" : Nat S.



Lot n°3 : un roman "Un hiver avec Baudelaire" de Harold Cobert en grand format : Samantha L.



Lot n°4 : un roman "Irradié" Collectif des auteurs du noir : Cheyenne Tala

Lot n°5 : un roman au choix : "Une disparition inquiétante Dror Mishani" OU "Les Origines de l'amour" de Kishwar Desai : Maryline M.


 

Lot n°6 : un roman "le magasin des suicides" de Jean Teulé : Doty1980


Lot n°7 : un lot " Tapis rouge" de James Patterson & Marshall Karp et "Le dernier déluge" de David Emton : Systia





Lot n°8 : un roman "Avant d aller Dormir" de Watson, Éd Sonatine. : Pierre M.



Vous allez tous recevoir un mail afin de récupérer vos coordonnées.

samedi 24 janvier 2015

Les insurrections singulières




Les insurrections singulières de Jeanne Benameur aux éditions Actes Sud



 Antoine a la quarantaine et il revient vivre chez ses parents. Karima, sa compagne l'a mis à la porte,  l'usine dans laquelle il travaille est au bord de la fermeture. Antoine est perdu dans sa vie. Il l'a toujours été. Il a toujours trouvé la vie de ses parents trop étriquée pour lui. Une vie se résumant à un travail harassant pour son père à l'usine et la gestion de la maison pour sa mère. Une petite vie à l'image des maquettes que son père fabrique lors de son  temps libre

   "Les maquettes, c'était le monde en miniature, un monde qui tenait dans le creux d'une main. Réduit. Moi, le monde, je le voulais grand. Pas réduit.
     Et ma respiration se cognait contre les bords."


 Depuis qu'il est tout enfant, Antoine a ce désir d'ailleurs, d'autre chose, un désir non articulé qui se manifeste par la rage. La rage contre l'usine qui détruit son père, la rage contre ses parents qui ne cherchent pas à se sortir de leur petite vie, la rage contre son incapacité à communiquer avec Karima. il n'arrive à se fixer sur rien. Il entreprend des études dans divers domaines qui ne mènent à rien, il lâche en cours de route. Ce qui le passionne ce sont les mots et les pierres. Il aurait aimé être architecte mais ne s'en est jamais donné les moyens. Comme avec les mots qu'Antoine n'arrive pas à articuler entre eux avec Karima, il n'arrive pas à articuler ses désirs, ses projets. Les seules occasions où il trouve les mots, c'est en groupe à l'usine, ce sont des mots engendrés par sa rage, des mots violents à l'égard des actionnaire qui veut délocaliser la production au Brésil.

Un dimanche matin Antoine accompagne sa mère sur le  marché où elle tient un étal de mercerie pour arrondir les fins de mois. Il y fait la connaissance de Marcel, ami et voisin de ses parents, qui vend des livres sur les marchés. Avec Marcel, il va découvrir les livres, ces livres qui vont l'attirer dans ce joyeux désordre qu'est la maison de Marcel. L'homme va le prendre sous son aile, l'aider à poser des mots sur ses maux, l'aider à oublier sa rage, à articuler ses désirs. Ils vont partir tous les deux pour le Brésil sur les lieux-mêmes ou les emplois vont être délocalisés. Un voyage à la découverte des autres, à la découverte de lui-même, un voyage renaissance.

Les insurrections singulières sur fond de délocalisation et de tensions dans le monde du travail est un roman sur la révolution personnelle. Un roman sur la recherche des mots à poser sur ses maux, sur l'exploration de ce qu'il y a de plus obscur en nous, pour en faire jaillir la lumière, sur la nécessité de ce voyage intérieur pour vivre sa vie, et non celle qui nous est imposée par les événements ou le milieu social. Un roman fort, bouleversant, plein d'espoir porté par la plume exceptionnelle de Jeanne Benameur. Un style plein de rythme, de souffle, d'émotion, de sincérité. Un livre qui m'a secoué profondément, un gros coup de coeur et la découverte d'une auteure dont je vais rapidement lire les autres romans.

  "Dans les toilettes du bar, je pleure comme un môme.
    De tout.
    De ce monde où je ne peux serrer dans mes bras une femme qui n'est pas morte et que j'aime toujours.
    De ce monde où un vieux types aux cheveux blancs va lire sur une tombe de banlieue des pages et des pages depuis des années.
    De ce monde où je suis en RTT forcées et où je n'ai plus envie d''aller me battre contre des moulins.
    De ce monde où Franck et tant d'autres ne savent plus que dire à leurs mômes pour tracer une route de vie.
     De ce monde que mes parents vont quitter un jour aussi humblement qu'ils l'ont habité.
     Je pleure."

   "Tu vois, moi j'ai des passions, les livres, ça me sauve... je traverse mes temps morts avec des gens qui ont oeuvré pour ça, ceux qui ont écrit... je les aime et je leur suis infiniment reconnaissant du temps passé devant leur table... ils m'aident à traverser. Et qu'eux soient morts ou vivants, ça n'a plus aucune importance. J'ai le livre en main et c'est du carburant pour ma vie à moi. C'est pour ça que j'en fais le commerce, je ne connais pas de meilleur commerce."

   "Aujourd'hui je sais  que les zones obscures sont des zones pleines et que les mots, les vrais, c'était là qu'ils étaient à attendre."




vendredi 23 janvier 2015

Les tremblements essentiels




Les tremblements essentiels de Viktor Lazlo aux éditions Albin Michel




  Alma Sol, ex-star de la chanson a disparu. Comme personne de son entourage ne la recherche, aucune enquête de police n'est ouverte. Tour à tour trois personnages vont venir nous raconter leurs relations avec elle, comment chacun à leur façon, ils l'ont aimée, nous apportant un éclairage sur cette personnalité qui a brûlé sa vie aux feux de la rampe.


   Aurèle est l'ami d'enfance d'Alma, l'amoureux transi, c'est lui qui va partir à la recherche d'Alma, celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Dès l'enfance il n'a cessé d'être attiré par cette fille venue des caraïbes, fille d'une luxembourgeoise ayant eu son quart d'heure de gloire dans la chanson et d'un coureur cycliste sanantonien. Pendant toute son enfance Aurèle est resté proche d'elle, malgré les moqueries car Alma ne parlait pas français. Ils vont être proches jusqu'à l'âge de dix-sept ans, quand Alma sera découverte et sélectionnée pour représenter la France à l'Eurovision. Ces deux-là ne vont cesser de se perdre de vue et de se retrouver.

   "Je ne l'avais pas perdue de vue depuis le temps. Je ramassais tout ce que je pouvais collecter sur elle. Pas comme un fanatique misérable amoureux d'un rêve, non , plutôt ou essayer de comprendre ce qui m'était arrivé à moi, de récupérer le fil de mon existence, comme dans un jeu de piste, pour que mes questions trouvent enfin des réponses. A travers sa vie, c'est la mienne que j'essayais de reconquérir. Je suis ce qu'on veut, un idiot, ou un lâche, sûrement pas la victime d'un fantasme entretenu par le mythe de ce qu'elle est devenue. Je suis ce que l'amour à fait de moi."


   Le couple Diane et Damien Montagne ont tour à tour été les amis et les amants de la star. Alma représentait pour l'un un trophée de choix à son tableau de chasse, pour l'autre une révélation de la sensualité une révélation de son propre corps. Tous deux, chacun pour des raisons différentes ne sont pas pressées qu'on retrouve la trace de la chanteuse.


   A travers leurs témoignages, les trois narrateurs nous décrivent un personnage détruit par son statut, par le succès et l'exposition qu'elle n'avait jamais désirés.  Le portrait poignant d'une femme qui n'aspirait qu'à la paix, d'une femme qui a perdu son identité. Un roman passionnant, poignant, porté par la style plein d'émotion et de poésie de l'auteure et sûrement par son expérience personnelle.


  "Il faut que je respire, que je reprenne mon souffle. Chaque fois que je repense à cette époque, alors qu'il me semble l'avoir vécue sans pathos, dans une grande clairvoyance, les souvenirs me submergent et m'évincent, j'aimerais être une enfant, toute petite, oublieuse. Les enfants n'ont pas de mémoire. La mémoire leur vient avec la conscience de leurs actes. Je sais cela, le début de ma vie coïncide avec celui de mes choix."


Roman à paraître le 5 février 2015