vendredi 27 février 2015

La route des coquelicots



La route des coquelicots de Biefnot-Dannemark aux éditions Le Castor Astral



   Olena, une jeune Ukrainienne a traversé les frontières sans papiers pour assurer à sa famille un avenir meilleur. Pour assurer des conditions de vie décentes à sa fille, restée chez sa grand-mère au pays, elle a dû se séparer de son mari parti trouver du travail au Portugal. Après de nombreuses péripéties, elle se retrouve en France où, malgré sa situation, elle est employée à la Moisson, une maison de retraite qui s'occupe particulièrement bien des ses pensionnaires. Mais la peur est toujours là ! La peur d'être contrôlée, d'être renvoyée en Ukraine. Malgré cette peur, malgré cette peine qui l'étreint constamment, Olena sourit.

   "L'homme la croise, lui sourit et poursuit son chemin. Olena, soulagée, avale une longue goulée d'air frais. Peut-être cet homme-ci l'a-t-il trouvée jolie... Peut-être son sourire ne cachait-il rien d'autre. Dommage de devoir toujours se méfier mais la rue est un danger et les inconnus sont une menace, alors elle presse le pas, encore."

  Olena a trouvé du travail à la Moisson (elle y fait le ménage et s'occupe des pensionnaires) mais pas seulement. Elle y a trouvé un ersatz de famille, un peu de réconfort dans sa vie si douloureuse loin de la sienne, de son mari, de sa fille. Elle y évolue au milieu de patrons bienveillants et de retraités qui l'adorent. Elle y a fait la connaissance de Lydie, la plus âgée, modèle de gentillesse et de sagesse, d'Henriette, femme simple (ancienne mercière) et droite et de Flora qui aurait été une danseuse de talent et qui passe son temps à s'en vanter. Les deux dernières ne cessent de se crêper le chignon, leurs différends étant exacerbé par le fait que Quentin le petit  fils d'Henriette, et Stéphanie, la  petite fille de Flora sont amoureux et vont finir par se séparer. Voyant leurs petits enfants malheureux, elles vont bâtir le projet commun de les réunir, mais pour cela il faut aller trouver Stéphanie partie au Portugal. Avec l'aide de Lydie qui fournit l'appui financier, et d' Olena la conductrice, elles vont donc mettre le projet à exécution, en faisant un petit détour par l'Allemagne pour qu'Olena puisse aller chercher sa fille dont le transfert a été organisé par un passeur. Leur aventure, un peu folle est suivie de la maison de retraite par Charles et Théo, les deux chevaliers servants qui attendent leur heure.


  Dans ce road novel, les trois vieilles dames, sorties de leur zone de confort vont se révéler à elles-mêmes et aux autres. Les fleurs fanées qu'elles étaient à la maison retraite vont s'épanouir à nouveau à l'engrais (sans pesticide) de l'aventure vécue en commun sur la route des coquelicots. Elles vont reprendre vigueur et couleurs. Véronique Biefnot et Francis Dannemark qui ont écrit ce roman à quatre mains, nous offrent une histoire, pleine d'humanité, de tendresse, d'amour  et d'espoir. Un roman plein de poésie qui se lit d'une traite. L'exercice périlleux du roman à quatre mains est réussi avec brio tant le style est fluide. Les apports de l'un et de l'autre se fondent parfaitement pour former ce tout si agréable à lire. Un régal.


  "Ainsi font les heures, elles tissent des journées, et les journées se rassemblent pour composer des semaines, des années, des vies. Bien que le temps, au bout du compte, soit une illusion, il fait de son mieux pour remplir la mission que nous lui confions et justifier le fait que nous avons inventé montres et chronomètres : il mesure ce que nous ne pouvons pas mesurer, le miracle d'être vivant."

Le roman sera disponible en librairie le 5 mars.
Pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas attendre (comme je les comprends), Véronique Biefnot et Francis Dannemark seront présents avec leur roman, à la Foire du Livre de Bruxelles les 28 février et 1er mars 2015



 

jeudi 26 février 2015

De l'influence du lancer de minibar sur l'engagement humanitaire




De l'influence du lancement de minibar sur l'engagement humanitaire de Marc Salbert aux éditions Le Dilettante




Arthur Berthier est critique rock dans un journal. Envoyé à Cannes avec son ami et photographe attitré, Hassan, il en revient avec une note de frais particulièrement salée. Lors d'un concert il fait la connaissance de DJ Jannicke, une jeune norvégienne au tempérament de feu. Ils se précipitent dans sa chambre d'hôtel, où sous l'influence de l'alcool, de pilules diverses et variées et d'herbe (que du  bio), Arthur est victime d'hallucinations. Ils saccage sa chambre d'hôtel, et lance le minibar par la fenêtre, endommageant une voiture qui se trouvait malencontreusement sous le balcon. Convoqué par Parker, en charge du redressement financier du journal, il est sanctionné. Son salaire sera ponctionné et il est rétrogradé aux informations générales en compagnie de son acolyte.


   "-Vous avez réponse à tout monsieur Berthier.
    - C'est la base de l'activité journalistique monsieur, vous avez les questions , j'ai les réponses.
    - Et la base de mon activité est de sanctionner les comportements qui ont mené ce journal au bord du gouffre. Sachez monsieur Berthier que ces 10 000 euros seront intégralement ponctionnés sur votre salaire  et qu'à partir de lundi, vous serez reversé au service infos génés en attendant que l'on statue sur votre cas. La conférence de rédaction a lieu à 8H30, tâchez de vous en souvenir."


   Dure sanction pour ce noctambule que de devoir se lever le matin pour assister aux réunions de la rédaction. On lui demande d'écrire un article sur un campement de réfugiés Afghans installé dans un square parisien. A peine arrivé sur les lieux, le campement subit l'assaut d'une compagnie de CRS durant lequel Arthur est matraqué. Il se retrouve à l'hôpital et c'est à partir de ce moment que sa vie va basculer. La machine médiatique s'emballe. Le journal s'empare de l'affaire, dénonçant une atteinte à la liberté de la presse. Arthur se retrouve au centre de cet emballement médiatique et devient bien malgré lui l'image même de la lutte contre l'État policier et le fer de lance de la défense des sans-papiers, allant même malgré ses réticences jusqu'à héberger un réfugié Afghan.


   Ce roman est une satire de l'emballement médiatique si courant de nos jours. Comment un fait, certes grave, mais finalement assez banal se retrouve en première page et suscite une frénésie aussi intense qu'éphémère. Arthur, adolescent  quadragénaire,  qui n'est pas sans rappeler Philippe Maneuvre, vivant dans un gourbi où les seuls objets de valeur sont liés à sa passion pour le rock, voit sa vie changer par le traitement que la presse fait de l'incident dont il a été la victime. Un roman plein de verve, au style jubilatoire. On y rencontre des personnages hauts en couleur : l'ex femme d'Arthur, par exemple,  tient une agence qui fournit de "vrais gens"pour les émissions de téléréalité. On sent le plaisir qu'a pris l'auteur à écrire ce livre et nous le partageons. Ce roman est aussi un hommage au rock, il est ponctué de titres de chansons, de noms de groupes qui ont fait les belles heures de ce genre musical. A lire, le casque sur les oreilles en écoutant Led Zeppelin, The Clash... En bref un roman qui fait du bien.


mercredi 25 février 2015

Souvenirs de lecture 3 : Laurence Tardieu



Souvenirs de lecture 3 : Laurence Tardieu


   
   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui, c'est à Laurence Tardieu que j'ai voulu poser ces questions. Je la remercie chaleureusement pour son temps si précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi?

LT :     On peut dire que j'étais encore adolescente, oui : ça remonte au jour anniversaire de mes seize ans. Ce jour là, un ami m'a offert un petit livre, mince, à la couverture bleue. C'était Noces , de Camus. J'en ressens encore l'onde de choc sous ma peau. J'ai aimé ce texte dès sa première phrase, pour la force de sa sensualité : cette promenade dans la nature algérienne écrasée de chaleur, où la force du présent et son éblouissement nous empoignent à même le corps. J'ai lu le texte le soir même (j'étais très amoureuse de l'ami en question...), et moi aussi, alors que je lisais les mots de Camus, je faisais cette même promenade, je sentais les odeurs, la brise sur ma peau, la chaleur, je nageais dans la mer, j'ouvrais grand les yeux, je regardais en face mon présent, je me sentais oh combien vivante. J'ai lu et relu ce texte je ne sais combien de fois. Je crois que c'est avec ce texte que j'ai compris combien la littérature pouvait restituer, avec une force poignante, la vie.


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire?

Lt :      J'ai su au plus profond de moi dès l'âge de six, sept ans, que je voulais écrire. Mais ce texte, d'une immense force et pourtant à hauteur d'homme, loin de m'inhiber, m'a donné plus encore le courage d'oser exprimer, dans ma langue à moi, ma rythmique à moi, ce qui m'appartenait : car l'écriture de Camus est si limpide, si "immédiatement vraie", qu'elle a été pour moi comme une voix qui me chuchotait à l'oreille : "vis Laurence, vis pleinement! et tu sais que pour toi vivre, c'est écrire! alors écris!" Avoir lu Noces de Camus, c'était pour moi, savoir d'un coup, dans une pleine évidence, que l'écriture devait tenter de s'approcher au plus près de la vie. L'écriture serait incarnée, il faudrait chercher à ce que mes mots deviennent vie, autrement, il n'y aurait pas d'écriture.


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur?

LT     : Mes dernières lectures coup de coeur :

            Je viens de lire Amours de Léonor de Récondo qui m'a profondément émue et laissé une sensation durable. Bien que ce texte soit extrêmement classique dans sa forme, je l'ai trouvé fort, vrai, ample. C'est la première fois que je lisais un texte de cet auteur.

            J'ai beaucoup aimé aussi dernièrement La route de Beit Zera de Hubert Mingarelli, qui vient de paraître chez Stock. Pour le dépouillement et la force de ce texte. 

            Et j'ai commencé avec ravissement  Tout et rien d'autre, les entretiens de Susan Sontag, parus aux éditions Climat, passionnants. Un texte qui vous élève et qui vous brûle.


Biographie

  Laurence Tardieu est née à Marseille en 1972. L'écriture est là depuis l'enfance, nécessaire, évidente, non pas à côté de la vie, mais dans la vie, prenant sa source en elle, la rendant possible tout en l'éclairant. Après deux années de Classes Préparatoires au Lycée privé Sainte Geneviève (Versailles) puis trois années à l' ESSEC dont elle sort diplômée en 1995, elle travaille comme consultante chez Bossard Consultants. Elle sait très vite que rien n'est plus important pour elle qu'écrire et décide de se consacrer à l'écriture dès 1998. Elle découvre cette même année le théâtre, suit trois ans de formation au Conservatoire d'Art Dramatique du 9ème arrondissement de Paris, en sort diplômée en 2001.

  Elle publie son premier livre, Comme un père, en 2002. Elle mène en parallèle pendant quelques années écriture et théâtre, puis à partir de 2006, se voue totalement à l'écriture.

   Elle publie en 2011 son sixième roman, La confusion des peines, qui marquera un tournant important dans son travail d'écrivain : pour la première fois, elle s'attelle à un matériau autobiographique. Elle n'en sortira pas indemne, mais cette rupture aura profondément fait évoluer son travail et sa réflexion littéraires. Elle publie ensuite un journal de création, l'Ecriture et la vie qui retrace sa quête pour "retrouver des mots qui ont du sens". Une vie à soi, roman autobiographique , paraît en août 2014.

Autre roman de Laurence Tardieu chroniqué sur ce blog : Rêve d'amour.


   Encore un immense merci à Laurence Tardieu pour sa gentillesse et sa disponibilité. Tous les titres de romans ayant fait l'objet d'un chronique sur ce blog sont colorisés  et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique correspondante d'un simple clic.




mardi 24 février 2015

A l'encre russe



À l'encre russe de Tatiana de Rosnay chez Heloïse d'Ormesson



   Nicolas Kolt, jeune écrivain prometteur, connaît une passe difficile. Après le succès international et inattendu de son premier roman "L'enveloppe", il a du mal à trouver l'inspiration pour le suivant qu'il a promis à son éditrice. Il décide de se mettre au vert dans un hôtel de luxe, au bord de la mer en Italie. Sa petite amie l'accompagne. Entre baignades, dîners fins, cocktails en tous genres, il tente d'écrire. Mais la page reste désespérément blanche. Comment retrouver la flamme qui l'avait habité lors de l'écriture de son  premier roman?


   L'écriture de son premier livre était pour Nicolas une évidence. Le roman s'était imposée à lui suite à un souci administratif. Devant renouveler son passeport Nicolas eut la surprise de découvrir qu'il devait faire la preuve de sa nationalité française car né de mère belge et de père né en Russie. C'est alors qu'il découvre un secret de famille, cette origine russe de son père. Son père, ce héros tant admiré, Théodore Duhamel, disparu en mer quelques années plus tôt, avait été adopté par son beau-père français. Chamboulé par cette nouvelle, il s'est servi de cette situation, de cette révélation pour écrire son roman. De Nicolas Duhamel, il s'est transformé en Nicolas Kolt, pseudonyme tiré du vrai nom de son père, Koltchine.

   "C'en était fini de l'existence placide et tranquille de Nicolas. Il n'était pas un Duhamel. À cette seule idée, un abîme s'ouvrait sous ses pieds. En ce jour gris, pendant ces deux heures au Pôle de la nationalité française, un changement subtil s'opérait. C'est ce jour-là que naquit Nicolas Kolt, mais il ne le savait pas encore."

  Nicolas Kolt, cet écrivain, auteur d'un unique roman, si courtisé, si adulé, se retrouve seul face à la page blanche. Son éditrice lui a fait une avance pour s'assurer de sa fidélité, mais il n'a pas l'ombre d'une idée pour son prochain livre. Il n'arrive plus à se concentrer, n'a plus la flamme. Il est constamment dérangé par des admirateurs. Il faut dire que Nicolas s'est laissé séduire par les sirènes de la célébrité, qu'il a embouché et fait résonner les trompettes de la renommée. D'interviews en pose pour des magazines ou des publicités et en conversations avec des fans sur Facebook et Twitter, Nicolas se serait-il perdu? C'est d'ailleurs ce que lui reproche son entourage, et ce qui a causé la rupture avec Delphine son ancienne compagne dont il est toujours amoureux. Nicolas est devenu superficiel, vide. Parviendra-t-il à retrouver sa voix?

  A l'encre russe nous fait plonger dans le mystère de la création littéraire, dans ce qui conditionne l'écriture. Nous sommes témoins de l'incapacité de Nicolas à écrire car il s'est perdu lui-même. Pour être capable d'écrire à nouveau, il lui faudra vivre un drame, et plonger en lui-même, plonger sa plume dans ce sang russe qui est son identité. Ce roman nous décrit le monde de requins de l'édition, où on essaie de se souffler les auteurs prometteurs, et les embûches qui guettent tout écrivain ayant du succès : les constantes sollicitations, l'argent facile qui embourgeoise et endort. Un roman passionnant sur l'identité et le métier d'écrivain.


  "Nicolas Duhamel devrait prendre ses distances vis à vis des réseaux sociaux et tempérer l'hystérie avec laquelle il s'y est jeté. Peut-être devrait-il cesser de tweeter une bonne fois pour toutes. La question est de savoir si "Nicolas Kolt" écrira un autre roman. Surfera-t-il éternellement sur la vague du succès de L'Enveloppe, alimenté par des éditeurs rapaces qui engrangent les profits, jusqu'à ce que sa beauté se fane et qu'un autre écrivain-produit prenne la relève? Il n'y aura pas de nouveau livre de "Nicolas Kolt". Il est trop occupé à s'admirer dans les centaines de miroirs qu'on lui tend."

samedi 21 février 2015

L'âge de la colère



L'âge de la colère de Fernando J. Lopez, Sol y Lune éditions


   Madrid. Un fait divers horrible vient d'avoir lieu, un drame familial. Marcos un adolescent est accusé d'avoir sauvagement tué son père et d'avoir grièvement blessé l'un de ses frères. Santiago, un journaliste, veut comprendre ce qu'il s'est passé. Il projette d'en faire un livre. Après avoir arraché l'accord de son éditrice il se lance dans l'enquête. Qu'est ce qui a bien pu pousser Marcos à un tel accès de violence?

    L'enquête de Santiago le mène au lycée où étudiait Marcos, un lycée sous le choc. Il y fait la connaissance de Sonia, la Conseillère Principale d'Éducation à qui il explique son projet. Avec l'accord réticent du proviseur, Santiago va pouvoir enquêter. Il va s'appuyer sur plusieurs professeurs, dont le professeur principal, Alvaro, un enseignant inexpérimenté dont c'est le premier poste. Il hérite d'une des classes les plus difficiles du Lycée. D'autres professeurs ainsi que Sonia vont participer à cette enquête ainsi que quelques camarades de classe de Marcos avec l'accord de leurs parents. Santiago retourne alors dans les couloirs de son ancien lycée ou il va découvrir des professeurs découragés, manquant de moyens, livrés à eux-mêmes, des adolescents agités, peu concernés, des parents ou trop présents ou pas assez, une administration qui pare au plus pressé.

   "C'est un cercle vicieux, bien sûr, très simple, et facile. Ils savent qu'il suffit de nous taper sur les nerfs pour que tout éclate et finisse par nous exploser à la figure. Les parents, selon leur personnalité, aident à différents degrés. Pas beaucoup, à vrai dire. Soit ils ne s'impliquent pas, soit ils s'impliquent sans trop se mouiller. Éduquer de cette façon devient impossible. On ne peut pas exercer l'éducation seulement - et tout seuls - entre ces murs."

   L'enquête nous montre Marcos comme un jeune garçon apprécié de ses camarades, un leader, un garçon qui en impose, mais pas quelqu'un de violent. Il est apprécié par la majorité des ses professeurs qui s'appuient sur lui pour contrôler les autres élèves. Mais Marcos a changé ces derniers temps depuis la mort de sa mère. Il s'est d'abord renfermé, puis s'est attaqué à la voiture d'un professeur, mais rien n'indiquait qu'il était susceptible de commettre un tel acte. C'est un garçon  en pleine recherche de lui-même de son identité, bridé par un père très sévère. Santiago va tout faire pour éclairer les zones d'ombres qui émaillent cette affaire, pour briser le silence au lycée et dans les familles.


   L'âge de la colère nous montre le lycée tel qu'il est, à l'image de notre société. Les histoires personnelles des différents intervenants : enseignants, élèves se chevauchent, se heurtent, entrent en conflit dans ce vase clos ou toutes les émotions sont exacerbées. Une école où le manque de moyens et de volonté au plus haut niveau échoue dans son rôle éducatif et qui au lieu de les aider à grandir, à s'instruire, à s'émanciper, a plutôt tendance à détruire les plus faibles.  Un roman passionnant sur l'adolescence qui se cherche, qui essaie tant bien que mal de trouver son identité avec tout ce qui cela implique de conflits avec l 'autorité  tant dans la famille que dans le milieu scolaire. Un roman qui nous rappellera à tous nos années lycées avec leurs amitiés, les harcèlements entre élèves, les professeurs investis d'une mission, les autres dépassés, découragés, le tout amplifié par une société en manque de repères. Ce roman passionnant est à la fois une véritable enquête sur notre société et un thriller qui ne se lâche plus une fois commencé. Le lecteur est plongé, immergé dans l'enquête de Santiago.

   

jeudi 19 février 2015

Au plaisir d'aimer




Au plaisir d'aimer de Janine Boissard aux éditions Flammarion



    Aymar de Fortjoie, vient de décéder à l'âge de 76 ans. Ses trois filles sont appelées au château. Le défunt les laisse dans l'embarras avec un château, gouffre financier qui aurait bien besoin de travaux. Mais là n'est pas le seul problème auquel les trois filles doivent faire face. Passionné d'art contemporain, le vieux mécène avait décidé d'ouvrir les portes de sa demeure à quatre jeunes artistes en qui il croyait beaucoup. Les dernières volontés d'Aymar sont claires, garder le château dans la famille et continuer à abriter et à aider les quatre peintres.


   Rose-Marie, la présidente de l'association des Amis de Fortjoie et ancienne maîtresse aux longs cours d'Aymar, Diane, Filippa, et Margot, ses trois filles, se heurtent à un problème de taille : comment faire face au coûts des travaux et aux droits de successions qui s'annoncent astronomiques. Très vite l'idée de faire visiter le château et de créer des ateliers de découverte de l'art contemporain apparaît comme une solution. Les vieux tableaux (dont quelques belles pièces) sont vendus, les travaux et les visites peuvent commencer. Mais tout cela ne rapporte pas assez. C'est alors que la bonne idée germe dans l'esprit de ces dames. Proposer aux femmes de la bonne société de Poitiers de poser pour des portraits qu'elles achèteraient, le bénéfice des ventes allant directement dans les caisses de l'association. L'idée paraît bonne. Ces dames trompées par leurs maris, devenues transparentes à leurs yeux se sont déjà entichées de ces jeunes peintre considérés comme des marginaux par leurs époux. Les jeunes peintres, quant à eux, cloîtrés au château sont sevrés de présence féminine. 


   Le projet démarre sur les chapeaux de roues. Très vite les commandes affluent et de tendres liens, plus ou moins étroits selon les cas, se nouent entre peintres et modèles. Les dames prennent confiance en elles. Leur grisaille se pare de chatoyantes couleurs, elles semblent revivre. Cela met la puce à l'oreille de Guy Ardoin, député, dont Aude l'épouse, fut la première volontaire empressée. Il débarque au château, lui le coureur de jupons, et trouve sa femme dans les bras de Joseph, son portraitiste. Le scandale éclate. Comment vont faire Rose-Marie et les trois filles pour désamorcer la bombe et conserver Fortjoie?


  Avec Au plaisir d'aimer Janine Boissard nous livre un roman pétillant, plein d'humour, de polissonnerie. Un  roman qui montre que le plaisir de vivre, le plaisir d'aimer est possible à tout âge. Dans les mûrs de Fortjoie, le bien nommé, ces dames d'âge mûr reprennent goût à la vie, au plaisir, parce qu'on les regarde, qu'on s'intéresse à elle. Le roman est porté par un style alerte, plein d'humour, de verve, une plume par moments jubilatoire et insolente. Un agréable moment de lecture plein de légèreté.

Date de parution : le 25/02/15


mardi 17 février 2015

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark


     Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est à un écrivain belge que j'ai voulu poser ces questions, Foire du Livre de Bruxelles oblige. Un écrivain dont j'ai fait la découverte très récemment grâce à mon amie Sophie Matthys : Francis Dannemark. Je le remercie chaleureusement pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi?

FD    : Très tôt, j'ai fréquenté assidûment la bibliothèque de mon quartier et, ayant vite épuisé le secteur jeunesse, j'ai obtenu l'autorisation spéciale de fréquenter la bibliothèque des adultes. Ce jour-là, c'est comme si l'on m'avait offert la clé du monde! J'ai lu dans ma jeunesse tant de livres et si différents les uns des autres, que répondre à cette question me semble quasi impossible. Pourquoi? Tous ces livres lus (romans littéraires et populaires, encyclopédies, anthologies, recueils de nouvelles et de poèmes, etc.) n'en forment à mes yeux qu'un seul. Un seul et unique grand livre. Tous m'ont nourri. Ceux de Balzac et les "petits" romans policiers et humoristiques de Charles Exbrayat. "Socrate était laid" et "Ces dames aux chapeaux verts". Les aventures de Don Camillo, celles d'Alice au pays des merveilles et celles de Bob Morane ( et aussi celles du Club des Cinq). La comtesse de Ségur.  "Le diable au corps" de Radiguet, lu d'une traite  sans relever la tête. Alexandre Dumas. Jules Verne. Dickens.  Poe. Mauriac. Vian ( tout Boris Vian, y compris ses chroniques de jazz). Daniel Boulanger.  Saki. Graham Greene. Michel Butor. Les poètes japonais. Les poètes romantiques anglais (en édition bilingue) - et je me souviens encore de mon émotion en lisant des vers de Keats.

  Comment en retenir un seul. Ce serait injuste. Néanmoins, pour ne pas donner l'impression que je me défile, je citerai "La gloire de mon père", de Marcel Pagnol. J'ai lu et relu ce livre durant des années. Quand je le reprends aujourd'hui, je suis encore fasciné par sa merveilleuse simplicité. Tout coule de source. Et c'est un livre heureux! C'est beau un livre heureux. Sans doute est-ce ce que nous rêvions d'écrire, Véronique et moi, avec "La route des coquelicots". http://www.francisdannemark.be/biefnot-dannemark/


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire?

FD : Je crois y avoir répondu ci-dessus : j'admire profondément les grands stylistes de la littérature et une belle phrase peut m'émouvoir durablement ; mais ce que je recherche encore et toujours en écrivant, c'est la  simplicité. Héritage plus que certainement de ma fréquentation assidue de "La gloire de mon père". La simplicité et la fluidité (la musicalité) - un goût acquis en lisant de la poésie et en écoutant des millions de chansons (anglo-saxonnes surtout, et en particulier les chansons des années 1930, celles de Cole Porter, Irving Berlin,...)


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur?

FD  : Étant éditeur depuis pas mal d'années, j'ai un sérieux problème : à force de lire des manuscrits et de travailler sur des textes, de corriger des épreuves, etc., je me retrouve souvent hors d'état de lire pour le plaisir. Je rêve de plus en plus souvent de ne plus éditer de livres (ou alors de temps en temps), pour pouvoir à nouveau lire, librement!
  Les dernières années, mes lectures hors travail ont été essentiellement des ouvrages anglais sur le cinéma ( et en particulier le cinéma hollywoodien des années 1930-1950).
   Mais je n'ai pas vraiment abandonné la littérature! Et j'ai envie de citer quatre coups de coeur :

Denis Grozdanovitch, "L'art difficile de ne presque rien faire" : tous les essais de Denis Grozdanovitch me fascinent et m'enchantent. C'est l'auteur français, dont j'attends chaque nouveau titre avec impatience!

Virginia Woolf, "Au hasard des rues" : je ne connaissais pas ce court texte, récemment traduit en français. J'en suis sorti ébloui.

Elizabeth Von Arnim, "Avril enchanté" : à mes yeux, un pure merveille. Infiniment et élégamment sentimentale. (Je recommande presque tout ce qu'elle a écrit!)

Véronique Biefnot,  "Là où la lumière se pose" : il y a peu (pour ne pas dire pas) de romans que je connaisse mieux que celui-là, qui clôture la trilogie de Véronique (inaugurée avec "Comme des larmes sous la pluie" et pousuivie avec "Les murmures de la terre"). Elle a créé avec Naëlle un personnage inoubliable et écrit une histoire qui est à la fois sentimentale et fantastique, un passionnant roman populaire et poétique (il suffit de lire les dernières pages...).


Biographie

  Francis Dannemark est né en 1955 sur la frontière franco-belge. Après des études de lettres à l'Université de Louvain, il a notamment été enseignant, critique de cinéma, adjoint du rédacteur en chef d'un journal de bandes dessinées, attaché culturel dans un cabinet ministériel, animateur d'ateliers d'écriture, directeur d'un centre culturel bruxellois et fondateur-directeur des associations Escales des lettres (Bruxelles et Arras), avec lesquelles il a organisé de nombreux festivals littéraires internationaux. Il est actuellement codirecteur de la collection "Escales des lettres", qu'il a fondée avec Jean-Yves Reuzeau en 1998 aux Éditions Le Castor Astral (Bordeaux/Paris), et conseiller littéraire indépendant.
Véronique Biefnot et Francis Dannemark

  Depuis 1977, il a publié une trentaine de livres. Pour la plupart ils sont parus chez Robert Laffont et au Castor Astral. Quelques-uns de ses romans : Mémoires d'un ange maladroit , Choses qu'on dit la nuit entre deux villes, Le grand jardin,  La longue promenade avec un cheval mort, Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver, La Véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis, Histoire d'Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) et Aux Anges.




Encore un immense merci à Francis Dannemark pour sa gentillesse et sa disponibilité. A noter la prochaine parution (le 5 mars) du roman qu'il a écrit à quatre mains avec Véronique Biefnot, "La route des coquelicots". Les deux auteurs seront présents à La Foire du Livre de Bruxelles les 28 février et 1er mars. Tous les titres des romans de Francis Dannemark ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog sont colorisés et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique correspondante d'un simple clic.