mardi 6 janvier 2015

Une éternité plus tard




Une éternité plus tard de Nicolas Carteron aux éditions Grannonio


   Adam est un écrivain adulé "Six roman, six succès" seulement voilà depuis deux ans il n'a plus rien écrit. Depuis deux ans, il se morfond, il essaie mais tout ce qu'il écrit semble creux, vide. Depuis deux ans, date du terrible accident qui a tué sa femme et le bébé qu'elle portait. Le 20 juillet il part à vélo pour sa promenade quotidienne qui le guide comme d'habitude vers la Place St Michel, le place où il a rencontré sa femme. Bouleversé par ses souvenirs Adam ne fait pas attention, le casque sur les oreilles il ne voit pas arrivé le bus qui fonce vers lui. La collision a lieu, Adam est mort.


   Il se réveille dans une pièce toute blanche. Est-il vraiment mort? Adam se lève et sort de la pièce pour entrer dans une autre. Dans cette pièce trône un bureau auquel est assis un homme aux longs cheveux blancs. Adam n'en croit pas ses oreilles, l'homme lui offre une seconde chance. L'homme lui donne une liste, sur cette liste figurent cinq noms de personnes qui vont mourir dans les jours à venir, s'il les sauve Adam se retrouvera au moment de l'accident qui lui a coûté la vie et disposera de cinq secondes supplémentaires pour éviter le bus.


  Je n'en dirai pas plus concernant l'intrigue de ce roman pour ne pas vous privé du plaisir de la découverte.


  Une éternité plus tard est  roman à l'intrigue particulièrement bien maîtrisé auquel on peut cependant reprocher quelques maladresses de style bien excusables pour un premier roman. Un roman plein de rebondissements qu'on ne peut plus lâcher une fois commencé. Un roman efficace très agréable à lire. Depuis le temps qu'on me disait sur les réseaux sociaux de découvrir ce jeune auteur, je ne regrette pas d'avoir franchi le pas et me laisserai rapidement tenter par ces deux autres romans. Un jeune écrivain prometteur.




 


L'oeil du prince




L'oeil du prince de Frédérique Deghelt aux éditions J'ai lu




 Années 80 Mélodie, une jeune fille de dix-sept ans vit avec ses parents à Cannes. Elle est passionnée de cinéma de musique et de littérature. Elle est  en révolte contre ses parents, contre son milieu favorisé qu'elle juge insupportable de vacuité. Elle est très mûre pour son âge pense en savoir beaucoup sur la vie et ne supporte plus d'être soumise à l'autorité de parents pour qui elle pense être transparente. Elle n'a qu'un ami Pierrot,  retraité avec qui elle fait de la voile et avec qui elle parle de ses passions.

 1964, Yann vient de perdre sa femme et le bébé qu'elle portait dans un accident de la route. Il a songé à se suicider mais n'a pas pu. Il quitte New York car tout lui rappelle sa femme. A San Francisco chez une amie, il rencontre Allen qui l'invite chez lui dans une maison au bord d'un fleuve, il va s'y reconstruite pendant quelques mois.

   Agnès et Alceste sont résistants. Ils font partie du même réseau mais ne se connaissent pas. Elle approvisionne  le groupe dont Aleceste fait partie. Ils communiquent par lettres codées mais peu à peu un ton plus personnel prend le pas sur les informations purement logistiques, ces deux là partagent le même engagement, ils vont très vite partager de doux sentiments dans ces temps marqués par la violence, la haine et la peur.

   Benoît, français exilé aux Etats Unis est pianiste de jazz à succès. Il se débat dans une vie de couple qui après vingt ans laisse un goût amer, le goût amer des disputes constantes.

   Le lecteur suit ces tranches de vue depuis l'oeil du prince, cette place qui était celle du roi dans un théâtre, d'où on voit le  mieux le spectacle. Il est le témoin privilégié de leurs combats, de leurs luttes, de leurs questionnements. Cinq récits qui se rejoignent portés par la plume précise, incisive, parfois féroce, romantique, tendre de Frédérique Deghelt

   "Par là grâce d'un saxophone, j'entrais sur la pointe des pieds dans ce monde du contretemps, tellement adapté au contre-pied de la vie que je menais. Moi aussi, en quelque sorte j'avais un statut de nègre, de corbeau sur la neige, de bannie. J'étais punie par des adultes qui me trouvaient insolente, et rejetée par des enfants parce que je pensais différemment et que je n'aimais pas leurs jeux. De toute façon, je n'aimais que les livres, la musique et le cinéma pour me sauver d'une réalité révoltante."

  "L'aventure ça se vole, le destin ça se fabrique, l'avenir, il faut l'attraper au lasso et tenir sur la selle du cheval sauvage qu'est la vie non désirée."

" Le deuil est un pays qu'on explore à  petits pas. On ne peut vaincre le destin en l'ignorant, en le mettant à distance. On ne meurt pas des coups durs, on meurt quand on oublie qu'ils existent et qu'ils vous frôlent à chaque instant. Éprouver la mort de ceux qu'on aime en négociant avec le deuil, c'est comme courir le cent mètres à quatre mille mètres d'altitude, il faut respirer tout doucement pour ne pas suffoquer, ne pas s'étouffer, s'habituer au souffle de la mort, à la sidération de la vie disparue."

lundi 5 janvier 2015

Coeur de cristal



Coeur de cristal de Frédéric Lenoir aux éditions Robert Laffont



   Le roi bon, modèle de sagesse et de bonté, reçoit un jour la visite de sa petite fille. Elle est en larmes car elle vient de perdre son chien. Le roi bon essaie de la consoler mais rien à faire. La petite fille a décidé de ne plus jamais aimer, de ne plus jamais s'attacher de peur de souffrir. Le roi lui raconte son histoire.

    Le jeune prince sut très vite qu'il n'était pas comme les autres, contrairement aux personnes de son entourage, il ne semblait pouvoir s'attacher à rien ni personne mais cela ne le troublait pas outre mesure, au contraire, il en était plutôt content, car quand on ne s'attache pas, on ne souffre pas lorsque les liens disparaissent. Intrigué il va trouver son père et lui demande les raisons de cette différence. Le roi lui  explique que peu de temps avant sa naissance il avait fait enfermer une sorcière qui lui avait jeté un sort faisant mourir sa mère en couche et empêchant l'enfant de ressentir l'amour. Dès sa naissance une gangue de cristal enveloppa son coeur, l'empêchant de se réchauffer, de ressentir le moindre sentiment. Tout cela ne pose pas trop de problème jusqu'au jour où le roi malade, le prince doit penser à se marier pour prendre sa succession.

   Ne ressentant pas l'amour le prince est bien embêté à l'idée de trouver une femme. La solution de facilité serait d'épouser Eulysis , la file du chambellan du royaume. Il va trouver maître Zhou, un vieux sage conseillé du roi, qui lui révèle qu'un jour il rencontrera la femme qui réchauffera son coeur, qui brisera le sortilège et qu'il la reconnaîtra au premier regard. Le prince commence donc sa quête. Une quête qui va le changer à tout jamais.


    Dans sa quête de la femme qui le guérira de son sortilège, le prince va faire de nombreuses rencontres qui vont lui faire comprendre, ce qu'est l'amour et ces différentes formes. Il y a d'abord l'amour maternel, l'amour des parents, inconditionnel qui aide l'enfant à s'aimer lui  même. Cet amour de soi-même indispensable pour pouvoir donner de l'amour.

   "On ne peut donner que ce qu'on possède : celui qui ne s'aime pas ne saura jamais aimer."

Puis quand il grandit l'être humain apprend les autres formes de l'amour, celle des autres enfants qui n'est pas qu'un amour reçu puisqu'il doit aller dans les deux sens, l'amour passion à l 'adolescence et quand on rencontre la personne avec qui on veut vivre, un amour qui fait place à "l'amour d'amitié" lorsque les feux du désir sont passés, l'amour le plus profond et l'amour compassion qui fait battre le coeur à la souffrance de l'autre.

  Dans sa quête le prince va se rendre compte que l'amour est la vie, qu'il régit toute la vie de l'homme. Sa quête fera de lui un prince soucieux du bien-être de son peuple, de la justice, fera de lui un meilleur prince.

  Frédéric Lenoir nous offre un joli conte initiatique truffé d'aphorismes simples, plein de sagesse, un conte qui saura aussi bien toucher les petits que les grands par ses différents niveaux de lecture. Une lecture bien agréable par les temps qui courent et qui va me pousser à découvrir l'oeuvre plus "sérieuse" de ce philosophe.

   "Quand on a perdu un être cher on peut fermer son coeur, ou bien utiliser ce silex de la peine qui le déchire pour l'ouvrir davantage encore. On aime encore plus intensément et plus profondément lorsque la douleur a creusé et agrandi le coeur."

   "Y a-t-il au monde un bien plus précieux que l'amitié? Cet amour désintéressé qui ne souhaite que le bonheur de l'ami et ne cesse de se réjouir de sa présence."

dimanche 4 janvier 2015

Emmaüs




Emmaüs d'Alessando Baricco aux éditions Folio



     Nous sommes en Italie dans les années 70. Quatre garçons de 18 ans inséparables : le narrateur, Bobby, Luca et le Saint. Ils ont la même éducation, les mêmes aspirations. Ils sont issus de familles qui ont des valeurs, des familles religieuses. Ils ont reçu une éducation rigide marquée par les préceptes de la religion catholique et en sont heureux. Ils ne connaissent rien d'autre. Le dimanche, ils jouent en quatuor à la messe, pendant leur temps libre, ils aident à l'hôpital social, changeant les poches urinaires des malades. Dans leur petit monde clos, il n'y a pas de place pour le drame, le drame est affaire de riches.

   "Nous avons des destins mesurés, qui semblent répondre à un mystérieux précepte d'économie domestique. Ainsi exclus du tragique, nous héritons de la bagatelle du drame - en même temps que de l'or pur de l'imagination."

    Enfermés dans leur monde clos, protégés, comme dans un cocon, ils ne sont pas préparés à vivre le drame. Le drame que nous sentons venir dès le début du roman. Ce drame qui va être occasionné par l'irruption du monde extérieure dans leur monde à eux.


   "Dans l'attirail de normalité réglementaire il faut prendre en compte le fait, incontournable, que nous somme catholiques - croyants et catholiques. En réalité, elle est là l'anormalité, l'aberration qui vient renverser le théorème de notre simplicité. On croit, et il ne semble pas y avoir d'autre possibilité . Néanmoins, on croit avec férocité, et avidité, non dans une foi tranquille, mais dans une passion incontrôlée, comme un besoin physique, une nécessité. C'est le germe de quelque folie - l'ombre évidente d'un orage à l'horizon."

    Le drame qui va bouleverser la vie des quatre jeunes gens a la beauté fatale d'une jeune fille Andrea que tout le monde appelle Andre, un prénom masculin bien en accord avec sa personnalité libre. Andre est belle, magnétique. Elle vient d'un autre monde, elle est issue d'une famille riche, de ces familles que nos quatre garçons observent de loin. Des familles qui ont le temps pour le drame, qui ne vivent pas selon les principes de la religion, qui n'ont pas de cadre.

    Andre est une fille libre, perdue, qui passe son temps avec des hommes plus âgés qu'elle dans les cafés, qui se donne entièrement. Nos quatre jeunes sont subjugués par elle, vont tomber amoureux d'elle. Le groupe n'y résiste pas. Elle va remettre en question leur valeurs, tout ce en quoi ils ont toujours cru. Des aspirations communes du groupe, de ce NOUS qui les unissait, il ne subsistera plus rien, on passe au JE des individus.

   Dans ce roman c'est du passage à l'âge adulte dont il est question. Le drame c'est la perte de l'innocence dû au frottement des convictions qui nous ont été inculquées à la vie réelle. Un roman dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à rentrer et qui me laisse un sentiment mitigé. J'ai été séduit par la plume de Baricco, mais je n'ai pas été transporté par l'histoire.



samedi 3 janvier 2015

F 84.5





F 84.5 de Camille Cornu chez Jacques Flament Éditeur


   La narratrice ne va pas bien, elle va consulter, le diagnostic tombe.

   "J'allais mal, d'ailleurs je n'allais nulle part. Quelque chose en moi se rebellait. Le cerveau et ses divergences se sont retrouvés enfermés, décortiqués. Je fus déclarée autiste, c'est à dire beaucoup trop saine d'esprit pour une société pervertie. Ma seule guérison était de changer le monde, sous les pavés la plage, réédition."

   On lui propose de rentrer dans un programme d'étude à Saclay dans un établissement renommé pour sa recherche sur l'autisme. Au début elle y voit une chance, une chance de faire comprendre ce qu'elle vit , d'affirmer sa différence, de faire changer les choses. Malheureusement la psychiatrie, comme la médecine a une fâcheuse tendance à ne voir que la pathologie, à enfermer les personnes dans des cases à en faire des sujets d'études sans prendre en compte leur individualité, leur vécu, leurs aspirations. Elle n'est qu'un numéro de dossier F 84.5. Elle se bat mais la machine à broyer les individus, surtout les individus différents est si forte.

   "Ils ne disent pas cobaye ils savent un peu parler. Vous n'êtes presque plus la personne. Le sujet vient passer des tests pour remplir les dossiers des chercheurs et après c'est l'heure de la pause déjeuner des médecins alors le sujet peut rentrer chez lui. Mais le sujet avait toute une liste de questions, parce que ça ne va pas du tout. Saya et Calypso s'entremêlent et soudain c'est tout flou. Mais ici nous oeuvrons pour la recherche et le bien-être des autistes futurs , alors celui de nos sujets vous comprenez c'est une tocade. Et le sujet est seul pour apprendre à se re-métamorphoser en personne.

  La science, les journalistes, donc la société ne voient les autistes que comme une pathologie, un groupe, un minorité. On s'imagine souvent l'autiste comme emmuré en lui-même ou alors avec des capacités exceptionnelles, style Rain Man, mais il y a autant d'autismes que des personnes autistes, ce sont avant tout des individus, des personnes, c'est d'ailleurs comme ça que l'auteure se nomme "la personne" avec leurs sentiments leurs aspirations.

   Dans ce récit, dans ce roman,  c'est à un apprentissage qu'on  assiste, un apprentissage de soi, de son rapport à soi et au monde. C'est une vie de femme qui nous est décrite, une femme avec ses amours, ses questionnements.  C'est un combat aussi, un combat contre les clichés, contre la  mise en case si pratique, si définitive, si clivante et qui ne résout rien. Le style si singulier, si rythmé, si scandé, si incantatoire de l'auteure  nous entraîne dans sa danse de vie, dans sa danse d'amour, dans une danse pour exprimer qui elle est, pas une pathologie, pas un archétype, une personne qui aime, qui vibre, qui vit fort. Un livre coup de poing, un livre coup de coeur!

   "Je suis un être humain. Je suis une femme, je suis autiste. Je suis homosexuelle. Je suis Française . Je suis cobaye, je suis floue. Je me cherche, je trébuche  en tentant de sauter à pieds joints dans une case, une étiquette, marelle de l'identité. Il faudrait que quelqu'un m'appelle, il me faudrait un regard amoureux. Il me faudrait sortir des souvenirs d'un amour qui dévorent le présent"

  "Stigmatisation! : je ne regarde pas dans les yeux, j'ai une voix particulière, je fixe certains détails, ça suffit à terroriser les gens. Certains mots sont dangereux! : handicap, maladie, déficience. Différence aussi! : aveu de non normalité. Juste une configuration singulière, un fonctionnement spécial, comme un ordinateur qui aurait une configuration différente, on ne peut pas mettre exactement les mêmes logiciels, mais d'autres qui auront les mêmes fonctions. Il faut juste prendre la peine d'apprendre à les manier. Et les autistes sont pas fournis avec le mode d'emploi, mais on peut se renseigner un minimum."


vendredi 2 janvier 2015

Noces de neige




Noces de neige de Gaëlle Josse aux éditions J'ai lu


   C'est le portrait, le destin croisé de deux femmes russes que nous brosse Gaëlle Josse. Deux femmes  à deux époques différentes, deux femmes de conditions différentes présentées au cours d'un voyage. L'une rentre en Russie après six mois de villégiature dans la propriété de ses parents à Nice et l'autre se rend à Nice pour tenter d'échapper à sa condition.


   Mars 1881, Anna jeune femme de l'aristocratie russe, est sur le chemin du retour après quelques mois passées en France dans la propriété familiale. Elle n'a  qu'une hâte fuir cette France qu'elle hait, cette vie rythmée par les soirées, la superficialité, elle qui ne rêve que de chevauchées dans les grands espaces russes.


   "Et les rires, tous les rires jusqu'au vertige, à l'étourdissement! Vient-on ici pour autre chose qu'un temps suspendu , factice, artificiel et irrésistible? Pour autre chose que les bons mots, les potins, la médisance qui suinte sous les plus charmants sourires, les plus exquis maquillages, sous les plus purs rangs de perles et les plus suaves des fleurs."

  Durant ce long trajet entre Nice et Saint Pétersbourg Anna revient sur sa courte vie. Délaissée par sa mère, elle trouve un peu de réconfort auprès de son père lors de promenades dans la campagne russe, de parties de chasses. Elle se trouve laide, et n'a qu'une passion l'équitation où elle se fait une place dans ce monde d'hommes. Quand elle monte, elle est transfigurée, c'est d'ailleurs ce que lui dit Dimitri, un jeune homme de bonne famille comme elle. Jamais on ne lui a parlé comme ça. Elle veut épouser Dimitri. C'est aussi pour le retrouver qu'elle est est pressée de rentrer.


   Mars 2012, Irina est en partance pour Nice. Jeune femme du peuple, elle va en France pour concrétiser un possible mariage avec Enzo, un jeune français qu'elle a rencontré sur un site spécialisé, proposant aux jeunes français des idylles russes. C'est suite à la fin de sa relation tumultueuse avec Mikhaïl, un jeune militaire revenu complètement traumatisé de la guerre en Tchétchénie, que sa meilleure amie Oksana lui a conseillé de s'inscrire sur un de ses sites où elle arnaque le gogo. Mais Irina n'est pas comme ça, elle veut croire qu'une histoire d'amour est possible.


   "Enzo. Bien sûr Enzo, puisque depuis le départ Irina n'a d'autre but que de faire sa connaissance. Six mois de correspondance électronique assidue, de photos échangées et de versements bancaires. Les semaines qui s'annoncent vont être décisives. Retour définitif à Moscou, ou retour provisoire, mariage à Nice et débuts de la félicité éternelle. Pourquoi pas? C'est ce qu'elle se dit depuis tout ce temps : pourquoi pas? Il semble que des milliers d'hommes rêvent d'une grande histoire  d'amour et d'un mariage avec une jeune russe."

  Dans le train, Irina rencontre Sergueï, chef de bord du train. Consciencieux et suspicieux, il ne veut pas de scandale à bord de son train. Il tient à l'oeil cette belle jeune femme seule. Il lui adresse la parole pour la jauger et se rassurer. Il est inquiet pour la jeune femme qui semble perdue et sans ressource. Le lendemain matin il lui apporte tu thé et une corbeille de croissants. Les deux jeunes gens sont très vites attirés l'un par l 'autre. Un dilemme se pose à Irina :  que choisir, la sécurité financière et un amour possible avec Enzo, ou l'amour passion immédiat avec Sergueï qui lui propose la vie avec lui.

  L'auteure nous propose deux portraits croisés de femmes. Deux femmes attachantes avec leurs failles et leurs forces. Deux femmes que leurs milieux écrasent et qui veulent survivre, vivre.  Deux caractères merveilleusement rendus par  la plume précise, sensible, poétique de Gaëlle Josse. Une écriture rythmée, parfois ronronnante, parfois marquée par de brusques à coups, une écriture au rythme lancinant du voyage en train  que font les deux femmes. Un pur régal.

Le sentiment d'imposture




Le sentiment d'imposture de Belinda Cannone aux éditions Calmann- Lévy




   Ne vous est-il jamais arrivé de ne pas vous sentir à votre, place, d'estimer ne pas mériter un poste, n'être pas digne de l'amour que l'on vous porte? C'est ce sentiment que Belinda Cannone analyse dans le détail dans cet ouvrage. Un sentiment que nous avons tous connu.


   L'auteure utilise imposture écrit en italique quand elle veut parler de ce sentiment de ne pas être à sa place, de ne pas avoir toutes les qualités requises pour occuper le poste que l'on occupe. A ne pas confondre avec l'imposture classique, celle ou l'imposteur trompe son monde sciemment. Belinda Cannone s'intéresse, elle à ce sentiment qui est purement imaginaire que nous usurpons une position sociale, que nous ne méritons pas les honneurs que nous pouvons recevoir, l'amour que l'on nous donne mais tout cela n'est nullement ressenti par notre entourage ou par notre hiérarchie.


   "L'imposture est une affaire secrète. L'imposteur tremble à l'idée qu'autrui finisse par s'apercevoir de ce qu'il est - ou plutôt de ce qu'il n'est pas. La plupart du temps autrui semble penser que nous occupons légitimement notre place (il nous a d'ailleurs invité au château), mais dans le secret de notre chimère, nous ne croyons pas à cette légitimité, nous pensons qu'autrui s'est trompé  et nous tremblons d'être découvert."


  Belinda Cannone étudie ce sentiment dans le monde du travail, dans celui de l'amour, du sport. Elle nous cite des exemples littéraires traitant de ce sentiment si répandu, un sentiment qui s'est construit dès l'enfance et qui n'est pas si négatif tant qu'il ne paralyse pas! L'imposteur agit il est dans un poste, et il donne le meilleur de soi pour pouvoir mériter ce poste, cet amour, ce succès qu'il n'estime pas être en droit d'obtenir. Une analyse passionnante.